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GÉNÉALOGIE DE JESUS-CHRIST


tribus demeure invariable et est maintenu en droit alors même que de fait plusieurs tribus étaient à peu près éteintes, il en fut tout autrement des familles et des maisons. Une famille pouvait être réduite au rang de maison ; une maison, croissant en nombre et en importance, pouvait devenir famille ; deux familles ou deux maisons, à force de décliner, pouvaient se fondre en une. Nous trouvons dans l’Écriture un exemple intéressant de cette fasion. 1 Par., ixiii, 11. Jaûs et Baria eurent peu d’enfants ; voilà pourquoi ils ne comptèrent que pour une seule maison (bê(-’âb). Cf Riebm, Handwôrterbuch des biblischen AUertums, 2e édit., 1894, t. ii, p. 1562-1568. Or il s’agirait de savoir : — 1. S’il y avait dans le peuple juif des maisons ou des individus qui ne fissent pas remonter leur origine à l’un des douze patriarches éponymes des tribus. Au moment de l’entrée en Egypte, la famille de Jacob était accompagnée d’un nombre d’étrangers et de serviteurs certainement bien supérieur à celui des fils et petits-fils d’Israël. Ces clients faisaient partie de la famille, s’alliaient avec elle, confondaient leur sang avec le sien, étaient incorporés au peuple élu. Leurs descendants n’étaient-ils pas regardés, par une fiction juridique fondée sur le mélange du sang, comme les véritables descendants de Jacob ? Ces accroissements par le dehors furent toujours fréquents, en Egypte, au moment de l’Exode, après l’occupation de la Terre Promise. Les prosélytes qui, comme Achior, Judith, xiv, 6, étaient incorporés au peuple d’Israël n’étaient-ils pas inscrits dans l’une des tribus ? Ne devenaient-ils pas légalement les fils du fondateur de la famille à laquelle ils s’étaient agrégés ? En dehors d’Éphraïm et de Manassé, -les fils de Joseph ne firent pas souche et leur descendance fut assignée à l’un de leurs frères. Dans les divers recensements, Num., i-ii, xxvi, etc., on ne connaît que les fils des treize patriarches ; en particulier, il n’y a de descendants de Joseph que les fils de Manassé et les fils d’Éphraïm. Num., ii, 18, 20. Jacob mourant avait dit à Joseph : « Les deux fils que tu as eus, avant mon entrée en Egypte, sont à moi ; Éphraïm et Manassé seront miens comme Ruben et Siméon. Pour les autres, que tu as engendrés ensuite, ils seront à toi : ils porteront le nom de leurs frères dans leurs possessions. » Gen., xl viii, 5, 6. — 2. Il faudrait savoir encore si, quand deux familles ou deux maisons faisaient fusion, les ancêtres devenaient communs. Les Arabes ne conçoivent pas autrement la généalogie, et tous les membres d’une tribu ou d’une sous-tribu sont censés descendre du fondateur éponyme. Cela simplifie singulièrement les arbres généalogiques. N’y aurait-il pas eu chez les Israélites une fiction semblable ? Ces questions, jusqu’ici négligées, sont très difficiles ; mais elles seraient d’une extrême importance pour résoudre bien des divergences et des antilogies.

V. Lacunes dans les généalogies.

La possibilité et même l’existence des lacunes dans les listes généalogiques a été mise en pleine lumière par le P. Brucker, La Chronologie des premiers âges de l’humanité, dans la Controverse, 15 mars et 15 mai 1886, t. xiii, p. 375-393, et t. xiv, p. 5-27, et par M. l’abbé Pannier, Genealogise biblicse cum monumentis Mgypliorwm et Chaldœorum collatss, in-8°, Lille, 1886. Pour peu qu’on soit au courant des usages orientaux on n’y verra aucune difficulté quand les membres des généalogies sont reliés par le mot « fils ». Ne lisons-nous pas dans saint Matthieu : « Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham ? » Les Paralipomènes abondent en généalogies où fils et petits-fils confondus sont attribués à un père commun. Il n’en faut pas voir davantage lorsque les anneaux intermédiaires sont unis par le mot « engendra ». On constate dans « aint Matthieu, qui se sert de ce mot, 1, 2-16, un assez grand nombre d’omissions, les unes parfaitement certaines, les autres plus ou moins probables. Du reste les exemples de ce fait ne se comptent

pas. Nous avons vu ci-dessns que des personnages du tableau ethnographique de la Genèse avaient « engendré » des peuples.

Quelques auteurs ont cru trouver une distinction de sens dans les formes kal et hiphil du verbe yâlad, « engendrer. » La forme hiphil ne se dirait que de là génération immédiate, la forme kal comprendrait aussi la génération médiate, avec omission d’un ou plusieurs membres. Cette distinction est arbitraire et ne repose sur rien. C’est la forme hiphil, hôlîd, qui est employée dans la liste des patriarches antédiluviens, Gen., v, et dans celle des patriarches postdiluviens. Gen., xi. Dans ces deux cas, une raison spéciale s’est opposée longtemps à l’admission des lacunes et fait encore impression sur quelques interprètes. S’il y avait seulement : « Malaléel engendra Jared, » Gen., v, 15, ils admettraient sans peine que Jared peut être seulement le petit-fils ou le descendant plus éloigné de Malaléel ; mais le texte porte : « Malaléel vécut soixante-cinq ans et il engendra Jared. Et Malaléel, après qu’il eut engendré Jared, vécût huit cent trente ans et il engendra des fils et des filles. » Dans ces formules, si serrées en apparence, où trouver un interstice pour glisser les générations intermédiaires, dont nous avons besoin si nous voulons mettre d’accord la chronologie biblique avec la chronologie profane ? Il faut entendre : Malaléel, à l’âge de 65 ans, engendra le père ou l’aïeul de Jared ; et ce sens n’est sans doute pas celui qui se présente le plus naturellement à l’esprit. Le tout est de savoir s’il est imposé par des données extrinsèques certaines ou approchant de la certitude. Or, d’après beaucoup d’apologistes catholiques dont lenombre va toujours croissant, il en est réellement ainsi. La chronologie biblique, obtenue dans l’hypothèse des généalogies complètes, est trop courte, soit qu’on suive les chiffres du texte hébreu, soit qu’on adopte ceux des Septante. Voir Chronologie. Dès lors on est bien forcé d’entendre le mot « engendra » d’une génération médiate. On peut remarquer : 1. que le mot « engendra » comporte réellement ce sens en hébreu et que par suite la véracité de l’Écriture est sauvegardée ; 2. que l’auteur sacré n’a pas du tout l’intention de faire une chronologie, car autrement il omettrait les chiffres qui n’importent en rien à la chronologie et il ferait la somme des années ; 3. que le tableau tel qu’il se présente actuellement à nous peut avoir été obtenu par réduction, en supprimant les intermédiaires moins connus, et en maintenant toutefois le cadre primitif. F. Prat.

    1. GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST##


2. GÉNÉALOGIE DE JÉSUS-CHRIST. Le premier et le troisième évangélistes nous ont laissé chacun une généalogie de Notre-Seigneur. Saint Matthieu intitule la sienne : « Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham » ([StgXoç ytviaimi, ce qui correspond évidemment à l’hébreu sêfér fôldôf), et la place en tête de son livre. Celle de saint Luc vient après le récit du baptême, iii, 23-38, et débute ainsi : « Et Jésus avait environ trente ans, étant, comme on le croyait, fils de Joseph, qui fut d’Héli, qui fut dé Mathat, etc. » Ka aOràç i)v ô’Iy]<to0{ d>m ètûv Tptâxovta âp"/6[ « .evo{, <ôv ci ; Évo|1’! Ç£to ijV>i’Iaxrriç, toû’HXé, toû MartâT, xtà. C’est le texte reçu, mais Tischendorf et Westcott-Hort préfèrent la leçon donnée par d’excellents manuscrits et plusieurs Pères grecs : &v. uïôç, <Jç êvoiiiCexo, ’Iwt^ç, toO’HXeî, xtX. Cette variante est à noter, car, si on l’admet, il devient plus difficile de soutenir que la généalogie reproduite par saint Luc est celle de Marie.

I. Généalogie de saint Matthieu.

Elle est descendante, d’Abraham à Jésus. Elle est distribuée en trois séries, de quatorze noms chacune, se terminant, là première à David, la seconde à la captivité et la troisième au Messie. Cette division en trois séries égales n’est pas accidentelle ; elle est voulue, comme le prouve ce résumé ajouté par l’auteur lui-même, i, 17 : « Somme des gené-