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JUBILAIRE (ANNÉE)


dentés en vue de ces deux années improductives, ou qu’on achetait dans les pays voisins ce qui pouvait manquer dans celui des Israélites. Il faut se souvenir aussi que le Seigneur avait promis de bénir la sixième année, de manière qu’elle donnât des récoltes pour trois ans. Lev., xxv, 21. L’année jubilaire était donc prévue, et rien ne devait manquer jusqu’à la récolte qui suivait cette année. Nulle part nous ne voyons trace d’une plainte des Israélites à ce sujet. —3° Quelques auteurs juifs ont prétendu que les semaines d’années se succédaient sans interruption, de telle sorte que l’année jubilaire tombait successivement à chacune des années du cycle sabbatique. Aucune donnée historique ne permet soit de soutenir, soit de combattre péremptoirement cette idée. En s’en tenant au texte de la loi, la plupart des auteurs pensent que les années jubilaires restaient en dehors du cycle sabbatique et qu’ainsi chaque demi-siècle se terminait par une année jubilaire, à la suite de laquelle venait la première année d’une nouvelle période sabbatique. Il suit de là que si l’on voulait compter les années par semaines, comme par exemple dans la prophétie de Daniel, ix, 24, il faudrait ajouter une année à chaque période de sept semaines. Il est vrai qu’au dire des rabbins, on aurait cessé de tenir compte des années jubilaires à partir de la destruction du Temple de Salomon. Ézéchiel, vii, 1213, semble le donner aussi à entendre, au moins pour le temps de la captivité. — 4° L’année jubilaire était annoncée par des sonneries du sôfar le dixième jour du septième mois. Ce jour était celui de la fête de l’Expiation. Lev., xxiii ; 27. Voir Expiation (Fête de L’), t. ir, « ol. 2136. Il convenait en effet que les Israélites réglassent leurs comptes avec le Seigneur avant de les régler avec leurs semblables. Ce septième mois était celui de tischri, correspondant à septembre-octobre, et le premier de l’année civile. L’année était donc commencée depuis dix jours ; mais ce retard ne tirait pas à conséquence et l’on comprend que la fête de l’Expiation eût été singulièrement compromise si elle avait trouvé les Israélites au milieu des changements qu’entraînait l’année jubilaire. À pareille époque, toutes les récoltes étaient terminées et les semailles n’avaient pas encore été faites, surtout à la veille d’une année jubilaire. Du reste, le premier jour du septième mois était un jour de repos solennel annoncé par le son des trompettes. Lev., xxiii, 24. On n’aurait pu ce même jour publier l’année jubilaire. Quelques-uns ont pensé que le septième mois dont il est question ici était celui de l’année civile, le mois de nisan, qui correspond à mars-avril. Il n’a certainement pu en être ainsi. En parlant du septième mois, le législateur n’a pas eu en vue tantôt celui de l’année religieuse et tantôt celui de l’année civile. Les dates sont toujours fixées par lui d’après le calendrier religieux. Lev., xxiii, 5, 6, 24, 27, etc. De plus, l’année jubilaire commencée en nisan n’aurait permis de faire ni les récoltes déjà voisines de la maturité, ni les semences de l’année suivante, ce qui eût imposé deux annés d’abstention tandis que la loi n’en prévoit qu’une. L’année jubilaire commençait donc avant l’époque des semailles et finissait après celle de la récolte.

II. Les effets.

1° Il était prescrit tout d’abord de « sanctifier la cinquantième année ». Lev., xxv, 10. Cette sanctification ressemblait à celle du sabbat. Exod., xx, 8-11. Elle ne comportait point d’oeuvres proprement religieuses, mais seulement l’abstention de tous les travaux agricoles. Cette mesure facilitait les mutations prescrites dans l’année jubilaire. Cependant on pouvait manger le produit spontané des champs, mais en le recueillant au jour le jour, sans faire de récolte ni amasser dans les greniers comme les années ordinaires. Sous ce rapport, l’année jubilaire ressemblait de tout point à l’année sabbatique. Il est à noter cependant

que, dans le chapitre xxv du Lévitique, plusieurs auteurs soupçonnent une interversion des textes. Les ꝟ. 1-7, 19-22 traitent de l’année sabbatique et du repos qu’elle entraîne pour l’agriculture ; les ꝟ. 8-18, 23-55 se rapportent au jubilé et aux différentes libérations qu’il comporte. Le ꝟ. 11, qui prohibe les semailles et les récoltes l’année du jubilé, serait une répétition des ꝟ. 4 et 5 qui concernent l’année sabbatique. Cette répétition serait, dit-on, l’œuvre d’un copiste trop zélé. Ct. B. Bæntsch, Dos Heiligkeits-Gesetz, Erfurt, 1893, p. 59-60. Cette affirmation demanderait à être prouvée. Le ꝟ. Il reproduit l’idée, mais nullement les fermes des j^. 4 et 5. Josèphe, Anl. jud., III, xii, 3, après avoir dit que Moïse imposa la cessation des travaux agricoles pendant les années sabbatiques, ajoute : « Il voulut qu’il en fût de même après la septième semaine d’années, ce qui est le cas pour chaque cinquantième année. » Il est à peine concevable que l’auteur juit se soit mépris sur une question d’importance pratique aussi grave, et que les autres écrivains de la nation aient admis la même erreur. Le texte législatif est donc à conserver dans sa teneur actuelle. Cf. Munk, Palestine, Paris. 1881, p. 185 ; De Hummelauer, /n£’a ! od. et Levit., Paris, 1899, p. 530. — 2° Chacun retournait dans sa propriété, s’il l’avait aliénée, ou dans sa famille, si, pour une raison quelconque, il était tombé en esclavage. La loi prévoyait ainsi un retour périodique des propriétés et des personnes dans leur état primitif, de telle manière que ni l’indigence absolue ni l’esclavage ne pussent devenir le lot définitif d’aucune famille ni d’aucun Israélite. Tous les cinquante ans, chaque portion du sol revenait à la famille qui la possédait originairement. Il suit de là que, chez les Hébreux, la propriété foncière était inaliénable et que l’usufruit seul pouvait en être cédé pour un temps. Le texte législatif explique dans quelle mesure devaient se traiter les transactions en matière de propriété. « Tu achèteras de ton prochain en comptant les années depuis le jubilé, et il te vendra en comptant les années de rapport. Plus il y aura d’années, plus tu élèveras le prix, et moins il y aura d’années, plus tu le réduiras, car c’est le nombre des récoltes qu’il te vend. » Lev., xxv, 15-17. Ce qui déterminait ; la valeur d’une terre, c’était donc le nombre d’années qui séparait la vente de l’époque du jubilé. Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3, donne le renseignement suivant sur la manière dont se réglait le retour d’un, champ à son propriétaire primitif : « À l’approche du jubilé, mot qui signifie liberté, le vendeur du champ et l’acheteur se réunissent et font ensemble l’estimation des fruits et des dépenses opérées dans le champ. Si les fruits sont en excédent, le vendeur reprend le champ ; si au contraire ce sont les dépenses, l’acheteur est indemnisé de la différence avant de se dessaisir du champ. Quand les iruits et les dépenses se balancent, le champ retourne aux antiques possesseurs. » Ceci revient à dire probablement que quand l’acheteur avait fait dans le champ des dépenses qui en amélioraient le rendement, mais dont les récoltes recueillies par lui ne l’avaient pas suffisamment indemnisé, le propriétaire légal devait lui en tenir compte, tandis que l’acheteur restait en possession des bénéfices que lui avaient procurés les travaux exécutés par ses soins. L’indication que donne Josèphe représente vraisemblablement ce que la tradition lui fournissait sur la pratique des anciens Israélites. — 3° Les Israélites devenus esclaves recouvraient la liberté et retournaient dans leurs familles. Voir Esclave, t. ii, col. 1922. — 4° Le jubilé n’avait point d’effet sur les maisons bâties dans des villes entourées de murs. Si la maison n’était pas rachetée par le vendeur dans l’année qui suivait la vente, elle restait à perpétuité la propriété de l’acheteur. Mais dans les villes non entourées de murs, par conséquent aussi dans les bourgs et les villages, les maisons étaient considérées comme des an-