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JOURDAIN
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baptême, sur la rire gauche du fleuve, Joa.. iii, 28, et s aussitôt les deux s’ouvrirent et [Jean] vit l’Esprit de Dieu descendant sur [Jésus] sous la forme d’une colombe. Et une voix du ciel dit : Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance ». Matth., iii, 16-17. Ce fut la révélation de la mission messianique de Jésus. En mémoire de ce grand événement, de nombreuses troupes de pèlerins vont tous les ans se baigner dans les eaux du fleuve sanctifié par le baptême du fils de Dieu. — Malheureusement l’endroit précis où se passa cette scène divine n’est pas certain. Les synoptiques ne l’indiquent que d’une manière générale. « Jean baptisa dans le désert, » dit saint Marc, i, 4 ; « dans le désert de Judée, » dit saint Matthieu, iii, 1 ; « dans toute la région du Jourdain, x dit saint Luc, iii, 3. Les expressions des deux premiers peuvent s’appliquer à toute la vallée méridionale du Jourdain ; celles du troisième sont plus étendues encore. Saint Jean, I, 28, détermine, il est vrai, le lieu où se trouvait Jean-Baptiste lorsqu’il reçut les envoyés du sanhédrin. « Les choses se passèrent à Béthanie (ou Bethabara, comme portent certains manuscrits), au delà du Jourdain, où Jean baptisait, » dit l’Évangéliste ; mais la situation de cette Béthanie est elle-même un sujet de controverse. Voir Béthanie 2, t. i, col. 1661. De plus, le Précurseur ne baptisait pas toujours au même lieu. C’est ainsi qu’il administrait son baptême a Ennon, près de Salira, quand il rendit un dernier témoignage au Messie. Joa., iii, 23. Voir Ennon, t, ii, col. 1809. (On se faisait baptiser par dévotion à Ennon du temps de sainte Silvie, Silvix Peregrinatio, édit. Gamurrini, in-4°, Rome, 1887, p.5960.) — D’après la tradition, le baptême du Sauveur aurait eu lieu dans la dernière partie du cours du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho ; mais il est possible qu’elle ait fixé la scène sacrée dans ces parages pour la commodité des pèlerins qui, par esprit de piété, voulaient aller se baigner dans le fleuve, parce que c’est là que le Jourdain est le’plus accessible. Des sanctuaires, aujourd’hui ruinés, avaient été bâtis là dés les premiers siècles de l’Église. Les fidèles commencèrent en effet de bonne heure à aller se baigner par dévotion dans l’eau du Jourdain en souvenir du baptême de Notre-Seigneur. Antonin de Plaisance, Itiner., 14, t, lxxii, col. 903-904, raconte que, de son temps (vie siècle), une foule infinie (populus mfinitus) se rendait sur les bords du fleuve la veille de l’Epiphanie et se plongeait dans l’eau le lendemain dès le point du jour. Il raconte qu’il y avait une croix de bois au milieu du fleuve et que les deux rives étaient recouvertes de marbre. Chacun y entrait revêtu d’un linceul (induti sindones) qu’il conservait ensuite pour servir à sa sépulture. Arculphe et Adamnan donnent des détails analogues. Adamnan, De locis sanctis, il, 16, t. lxxxviii, col. 800. Au vie siècle, Grégoire de Tours, De glor. martyr., 17, t. lxxi, col. 721, racontait que les lépreux s’y rendaient pour se guérir. D’après les renseignements fournis par les pèlerins^ Wilhbaldi vita, 12, Acta Sanctorum, julii t. ii, p. 5C6, l’endroit désigné était dans le voisinage du monastère de Saint-Jean-Baptiste.

Les ruines de ce monastère subsistent encore (voir 1. 1, col. 1649). Elles sont appelées par les Arabes Qasr el-Yehûd, a château des Juifs, » et par les chrétiens DeirMâr Hanna, m couvent de Saint-Jean. » Plusieurs anciens pèlerins ont cru qu’il avait été bâti à l’endroit même où Jean baptisait ; mais il est plus probable qu’il l’avait été à quelque distance, les bords immédiats du Jourdain étant impropres à porter une construction solide. V. Guérin, Samarie, t. i, p. 111-114. L’endroit du fleuve visité par les pèlerins a lui-même changé par la suite des temps. « Au XVIe siècle, dit M. Guérin, ioid., p. 114, les pèlerins allaient se baigner dans le Jourdain à l’est-nord-est du Qasr el-Yehûdi, et probablement au gué actuellement connu sous le nom de Makkadet el-Ghoranyéh ; au jourd’hui, au contraire, ils sont conduits au sud-sud-est de ces mêmes ruines, au Maqqadet el-Hadjla ou el-Meschra. Ce gué pourrait bien être effectivement le Bethabara où Jean baptisait, et, par conséquent, il serait permis de penser que ce serait là que Notre-Seigneur aurait lui-même reçu le baptême des mains de son saint précurseur… Si, depuis, les pèlerins latins ne vont plus se baigner au gué appelé Makkadet el-Ghoranyéh, c’est que leur itinéraire est, en général, combiné avec une excursion au bord de la mer Morte, et que, pour ne pas trop allonger leur course, leurs guides les mènent de préférence à un endroit du Jourdain moins éloigné de la mer Morte. » Les plus anciens témoignages placent le lieu du baptême vis-à-vis de la Jéricho romaine, en face de Qasr el-Yehûdi que les Grecs appellent Saint-Jean IIp<SSpo[io « . Le Pèlerin de Bordeaux, en 333, Itiner., Patr. lat., t. viii, col. 792, le marque sur la rive orientale, à cinq milles au-dessus, de la mer Morte, près de la colline d’où Elisée avait été enlevé. Saint Jérôme, Peregrin. sanct<e Paulæ, Epist. cw/, 12, t. xxii, col. 888, paraît indiquer le même site et suppose que c’est là que les Hébreux avaient passé le Jourdain sous Josué, et que l’avaient aussi passé plus tard Élie et Elisée. La tradition est la même dans Antonin de Plaisance, 9, t. lxxii, col. 902 ; Arculphe, ii, 16, t. lxxxviii, col. 800. — On peut voir la description du pèlerinage dans Montague, Narrative of the expédition to the Bead Sea, 1849, p. 169-177 ; Stanley, Sinai and Palestine, 1877, p. 314-316 ; G. Ebers et H. Guthe, Palastma in Bild und Wort, 2 in-4°, Stuttgart, 1883, t.i. p. 177-180 ; J. Fahrngruber, Nach Jérusalem, in’-12, Wurzbourg (sans date), p. 298-299.

Le Jourdain figure souvent dans les premières œuvrer de l’art chrétien, à cause du baptême qu y reçut Notre-Seigneur, sur les sarcophages, dans les verres à fond d’or, dans les mosaïques. La mosaïque du baptistère de Saint-Jean in fonte, à Ravenne, qui date de 425 à 430, le représente (fig. 309) à demi plongé dans ses propres 309. — Le Jourdain figuré dans le baptême du Christ. D’après Garrucci, Storia deW arte cristiana, pl. 227, fig. 1*

ondes avec un sceptre de roseau à la main et contemplant le baptême du Sauveur. Son nom Jordann est écrit au-dessus de sa tête. Voir J. Ciampini, Vêlera Monumenta, 2 in-f", Rome, 1690, 1. 1, pl. lxx, et p. 235. D’autres lois, il est figuré tenant à la main une urne dont il fait couler les eaux. L’art chrétien emprunta ainsi à l’art païen sa manière de représenter les fleuves, Voir W. Smith et