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JOURDAIN


est le Zizyphus Spina Christi, espèce de Séder, appelé par les Arabes nubk ou dôm ; ce dernier nom désigne surtout le fruit (fig. 308). Le Zizyphus a de longues épines, et l’on croit que c’est avec ses rameaux armés

308. — Zizyphus Spina Chnsti. D’après Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 402.

de pointes aiguës que fut tressée la couronne d’épines de NotreSeigneur (t. ii, col. 1087). Cette sorte de jujubier produit un petit fruit acidulé, agréable au goût. Les Bédouins forment avec ses branches des haies infranchissables pour garantir leurs campements et aussi leurs provisions de grains. Il peut atteindre une grande hauteur, comme celui de la fontaine de’Ain Dùk près de Jéricho qui a disparu depuis 1898. H. B. Tristram, Natural History of the Bible, 1889, p. 428-430. — Le peuplier (Populus euphratica) y devient gigantesque ; les tamaris croissent partout en abondance, ainsi que les acacias de toute espèce, les Agnus casti (espèce de bambou), les câpriers, etc. Les chardons y.atteignent de 3 à 5 mètres. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p. 78. La végétation est tellement vigoureuse sur les rives du Jourdain (voir col. 1711) que les tamaris et les roseaux qui les couvrent en cachent presque partout entièrement le cours. Survey, Memoirs, t. iii, p. 169. Cf. Conder, dans Survey, Spécial Papers, 1881, p. 201-202.

XII. Histoire du Jourdain dans l’Écriture. — L’histoire du Jourdain dans l’Écriture est relativement courte. Les caractères extraordinaires qui le distinguent physiquement de tous les autres fleuves du monde sont précisément la cause pour laquelle il ne joue pas dans ia vie du peuple de Dieu le même rôle que les autres grands fleuves, tels que le Nil, l’Euphrate ou le Tigre dans l’histoire de l’Egypte, de la Chaldée ou de l’Assyrie. Il n’a pas été un moyen de communication entre les peuples ; il était au contraire un obstacle à leurs rapports, n’ayant jamais été navigable et étant toujours ditticile à franchir ; il n’a pas été un élément de civilisation et de progrès dans la vie des nations, n’ayant

jamais pu servir aux échanges et au commerce, aboutissant à une mer qui mérite à plus d’un titre son nom de Morte, car elle ne possède pas un seul port ; non seulement aucun navire, mais même la plus petite barque ne fend ses ondes, malgré quelques tentatives récentes ; si, à l’époque romano-byzantine et pendant les croisades, elle a été sillonnée par quelques bateaux, comme nous le voyons sur la partie en mosaïque de Madaba et comme nous l’apprenons par des Chartres des croisés, elle n’a, en aucun temps, servi de route maritime et elle ne peut pas même fournir ce que fournissent tous les autres cours d’eau, du poisson aux habitants de ses rives. Par un phénomène plus singulier encore peut-être et unique dans l’histoire des fleuves, le Jourdain n’a jamais vu fleurir une seule ville, petite ou grande, sur ses rivages. Césarée de Philippe et Dan se sont élevées à ses sources et plusieurs villes ou villages ont animé les bords du lac de Géni’sareth, mais le cours supérieur, aussi bien que le cours moyen et le cours inférieur du fleuve, ont toujours été solitaires et sans habitants. Les villes du Ghôr, à l’ouest, comme à l’est, Bethsan, Phasæl, Jéricho n’étaient point sur ses rives, ni près de ses eaux, mais sur des sites plus élevés, au pied des montagnes. Socoth (Sakût) fit peut-être seule exception, étant bâtie sur une sorte de promontoire de la terrasse supérieure qui dominait la vallée. De nos jours, il y a trois misérables villages près du Jourdain entre sa sortie du lac et l’embouchure du "Yarmouk ; un autre petit village vient de s’établir près du pont A’el-Medjamiéh, et c’est tout. De ce point à la mer Morte, la solitude est complète. Ed. Robinson, Geography, p. 150. (Les Septante et la Vulgate, Jud., xi, 26, parlent des villes qui étaient « près du Jourdain », mais le texte hébreu porte avec raison ; « près de l’Arnon. » )

La Providence n’avait pas créé le Jourdain pour servir de trait d’union aux hommes, mais pour séparer les monothéistes des païens, pour être la frontière de son peuple ; aussi est-ce surtout à ce titre qu’il est mentionné dans les Livres Saints. Gen., l, 10 ; Num., xiii, 29(30) ; xxxii, 5 ; xxxiv, 12 ; Deut., n. 29 ; iv, 21 ; Jos., iii, 1-17 ; iv, 1-23 ; xiii, 1-27 ; I Reg., xiii, 7 ; II Reg., ii, 29 ; Is., ix, 1 ; Judith, i, 9 ; Ezech., xlvii, 18 ; Matth., iv, 15, 25 ; xix, 1 ; Marc, iii, 8 ; x, 1 ; Joa., i, 28 ; iii, 26 ; x, 40, etc. Quoique les tribus de Ruben et de Gad et la demi-tribu de Manassé habitassent à l’est du Jourdain, le fleuve formait pour le gros de la nation une barrière puissante, qui le mettait à l’abri de tout contact dangereux, comme les déserts de sa frontière méridionale, ses montagnes au nord et la Méditerranée à l’ouest. La Terre-Sainte était ainsi, selon l’expression du’prophète, « une vigne entourée d’une haie, » Is., v, 2, à l’abri des déprédations, où Dieu pouvait conserver en sécurité la plante précieuse du monothéisme en attendant le jour où il pourrait la transplanter et la faire croître dans l’univers entier. Voir Manuel biblique, 11e édit., t. i, n° 345, p.661667. Aussi le Jourdain était-il cher aux Hébreux et un Psalmiste, éloigné de sa patrie, la nomme avec tendresse : « la terre du Jourdain. » Ps. xlii (xli), 7.

I. HISTOIRE DU JOURDAIN DANS L’ANCIEN TESTAMENT.—

1° La première fois que le Jourdain est nommé dans l’Ancien Testament, c’est à l’époque de la séparation d’Abraham et de Lot. Le neveu d’Abraham, des hauteurs situées entre Béthel et Haï, admira toute la Kikkar (voir col. 1712), ou plaine du Jourdain, qui était partout bien arrosée avant que Jéhovah eût détruit Sodome et Gomorrhe, « semblable au jardin de Jéhovah, » Gen., xiii, 10, et il alla s’y établir, ꝟ. 11. La fertilité du pays y avait attiré depuis longtemps les Chananéens, Gen., x, 19 ; elle y attira aussi alors par sa richesse le roi d’Élam, Chodorlahomor, et ses alliés, Gen., xiv, 10 ; ils la pillèrent et Lot ne leur échappa que grâce à la vaillance d’Abraham qui le délivra à Dan, probablement près de la seconde source du Jourdain. Gen., xiv, 14-15 (voir col. 1715). Quel