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JOSUÉ (LIVRE DE)


récits d’anciennes annales hébraïques. Un inconnu, dont l’opinion est mentionnée par Serarius, Josue, Mayence, 1609, t. i, p. 211, l’attribuait au grand-prêtre Éléazar. Dans des temps plus rapprochés, des catholiques ont pensé que ce livre se compose de documents contemporains de Josué reliés ensemble dans un récit continu et recueillis parun écrivain ignoré, plas ou moins postérieur aux événements. Haneberg, Histoire de la révélation biblique, trad. franc., Paris, 1856, 1. 1, p. 223-225 ; Herbst-Welte, Einleitung, t. ii, p. 96 ; A. Scholz, Einleitung, t. ii, p. 245-265 ; Himpel, dans la Tubinger Quartalschrift, 1864, p. 448. Danko, Historia revelationis divin » V. T., Vienne, 1862, p. 200-201, fixe la date de la composition avant celle du livre des Juges et avant la septième année du règne de David. Le cardinal Meignan, De Moue à David, Paris, 1896, p. 335, note, croit que l’auteur vivait peut-être au temps de Salomon, en tout cas, bien avant l’exil. Le principal argument de ces critiques est que le livre de Josué contient le récit d’événements postérieurs au temps du conquérant de la Palestine.

Mais d’autres critiques, mettant de côté la finale, xxiv, 29-33, qui raconte la mort de Josué et d’Eléazar et qui a été ajoutée après coup, et même certains récils d’événements postérieurs, l’occupation de Dabir, xv, 15-19, l’expédition des Danites, xix, 47, et quelques gloses, insérées plus tard, attribuent la composition de l’ensemble du livre à Josué lui-même. Ils appuient leur sentiment sur la tradition juive, consignée dans le Talmud, Baba Bathra, voir t. n col. 140, et acceptée par la grande majorité des rabbins. D’après ceux-ci, Josué écrivit son livre et huit versets de la Loi, c’est-à-dire ceux qui racontent la mort de Moïse. Deut., xxxiv, 5-12. L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 24-25. Quelques-uns pensent trouver dans Eccli., xlvi, 1, un indice que Josué est l’auteur du livre qui porte son nom. Josué y est dit êiaSo^oç Muniarj iv npo(p/]T£îat ;, c’est-à-dire successeur de Moïse, non pas seulement dans sa mission prophétique, mais encore dans la composition de livres inspirés, puisque le prologue, placé par le traducteur grec en tête de sa version de l’Ecclésiastique, appelle irpoipYjTeîat les livres écrits par des prophètes. Le texte hébreu, aujourd’hui connu, présente moins clairement le même sens. M. Israël Lévi, L’Ecclésiastique, Paris, 1898, p. 109, traduit nNiana ïwd rnwo, « assistant de Moïse dans sa mission prophétique. » Mais le mot nxia : signifiant « livre prophétique », II Par., ix, 29, il pourrait avoir ici cette signification, qui permettrait d’attribuer à Josué la rédaction d’un livre inspiré, si le contexte n’exigeait plutôt le sens de « mission prophétique », dans l’accomplissement de laquelle Josué a aidé Moise. Quelques Pères de l’Église latine ont affirmé que le titre désignait Josué, non pas seulement comme le héros, mais aussi comme l’auteur du livre, ou du moins, ils se sont exprimés de manière à montrer qu’ils tenaient Josué pour l’écrivain de l’ouvrage qui porte son nom. Lactance, Divin, instil., I. IV, c. xvii, t. vi, col. 500 ; S. Isidore de Séville, De Eccl. officiis, 1. 1, c. xii, t. lxxxiii, col. 747.

Les partisans de l’attribution du livre à Josué confirment leur sentiment par des arguments internes. Il est dit de lui, xxiv, 26, qu’« il écrivit toutes ces choses dans le volume de la loi du Seigneur ». Ces paroles, disent-ils, ne se rapportent pas seulement aux derniers discours de Josué qui les précèdent immédiatement, et en particulier au renouvellement de l’alliance du peuple avec Dieu ; elles s’entendent plus naturellement du livre entier, qui est présenté comme la suite de la Loi ou du Pentateuque. Ils font valoir aussi l’emploi de la première personne qui décèle un témoin oculaire, en trois endroits du teite hébreu, iv, 23 ; v, 1, 6. Dans les deux premiers passages, on lit : ’obrênû, « le passer de nous, » et dans le dernier : lânû, « à nous, s II faut remarquer

toutefois que, v, 1, le qeri et les versions ont la leçon : « le passer d’eux. » De nombreux indices trahissent l’acteur ou le témoin oculaire. La précision des détails historiques et topographiques, la manière dont l’histoire de Josué est racontée incidemment au milieu du récit des événements auxquels il a été mêlé, le ton lui-même du récit semblent indiquer la main de Josué. Les discours de ce héros sont pénétrés du même esprit qui a animé l’écrivain et qui lui a fait disposer les matériaux de son histoire en vue du but signalé plus haut. Enfin, on ne trouve pas dans tout le livre un mot d’éloge de Josué. Tandis que le narrateur de sa mort le qualifie de « serviteur de Dieu », xxiv, 29, lui-même se nomme toujours seulement « le fils de Nun ».

Cependant, plusieurs faits racontés dans le livre de Josué paraissent n’avoir eu lieu qu’àl’époque des Juges, à savoir, la prise de Cariath Sépher par Othoniel, xv, 13-19, et celle de Lésem par les Danites, xix, 47, rapportées aussi Jud., i, 10-19 ; xviii, 1-12. Quelques critiques catholiques, Kaulen, Einleitung, 2e édit., Fribourgen-Brisgau, 1890, p. 177 ; Zschokke, Historia sacra V. T., p. 163 ; Clair, Le livre de Josué, Paris, 1883, p. 5 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1889, t. ii, p. 9, concèdent que ces récits ont été ajoutés ou, au moins, ont pu l’être après la mort de Josué. Voir t. ii, col. 1239. Mais il n’est pas certain que ces événements ne datent point du vivant de Josué. La prise de Lésem a dû avoir lieu dans les derniers temps de la vie de ce chef d’Israël. Quant à celle de Cariath-Sepher, elle a eu lieu plus tôt. Voir t. ii, col. 58. Si l’auteur du livre des Juges la mentionne après la mort de Josué, il le fait seulement pour rappeler les exploits d’Othoniel, dont il va raconter la judicature. Dans son récit, les verbes auraient dû probablement être mis au plus-que-parfait, si ce temps avait existé dans la langue hébraïque. Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., Paris, 1901, t. ii, p. 7, note 1 ; Cornely, Introductio specialts in historicos V. T. hbros, Paris, 1887, t. i, p. 195-198 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 3e édit., 1901, t. i, p. 333.

V. Intégrité du texte.

Le texte du livre de Josué ne nous est pas parvenu en très bon état. Pour le constater, il suffit de comparer le texte hébreu actuel avec la version grecque des Septante. Un autre moyen de constatation des altérations du texte est sa comparaison avec des passages parallèles des autres Livres Saints. I Des noms et des chiffres, si nombreux dans les listes topographiques, paraissent avoir souffert des injures du temps et nous sont parvenus estropiés au point de vue orthographique ou modifiés. Ainsi le personnage nommé Achan, vii, 1, est appelé Achar par les Septante, la Peschito et dans I Par., ii, 7. Voir t. i, col. 128. Il existe d’autres fautes orthographiques de même genre dans la transcription des noms propres de villes ou de lieux. D’autres changements de lettres se sont produits dans leâ noms communs ou dans les verbes. Dans les Septante, xv, 60, il y a un verset presque entier, qui manque dans le texte hébreu et dont la disparition peut s’expliquer par éjioioTsXsutov. Le nombre des villes de la tribu de Nephthali, xix, 36, doit être incomplet, si on compare ce passage avec xxi, 34, et I Par., vi, 61. Il manque dans les manuscrits et les éditions imprimées un membre de phrase, xxi, 36, qui se trouve dans les Septante, la Vulgate et I Par., vi, 63. Il est probable qu’il s’est perdu, XXII, 34, un mot que le sens exige et qui se lit dans la Peschito et le Targum. Parcontre, Dinnii, xv, 36, est une glose sur le nom précédent

rmim, qui de la marge des manuscrits s’est glissée

dans le texte, car elle n’existe pas dans les Septante et elle rend fautif le nombre total des villes, « un, xix, 2,

parait être la répétition de yatf-wa, qui précède

immédiatement, comme il résulte de I Par., iv, 28, ’et