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JOSEPH


duquel on avait trouvé sa coupe d’argent. Juda le pria d’une manière touchante de le retenir comme esclave à la place de Benjamin. Joseph ne put plus se contenir : il fit sortir tous les Égyptiens et, resté seul avec ses frères, il se fit reconnaître : « Je suis Joseph. » Puis il leur dit que Dieu l’avait conduit en Egypte pour leur salut. Il les renvoya alors auprès de leur père Jacob pour lui dire de venir s’établir en Egypte. Gen., xlivxlv, 1-15. Le Pharaon lui-même, ’ayant su que les frères de Joseph étaient en Egypte, leur avait témoigné beaucoup de bienveillance et les avait engagés de son côté à revenir s’établir en Egypte avec toute leur famille. Jacob fut rempli de joie en apprenant que son fils Joseph vivait encore. Gen., xlv, 21-28.

Arrivée de Jacob en Egypte.

Jacob se rendit en

Egypte avec les siens. Averti par Juda de l’arrivée de son père, Joseph alla à sa rencontre et l’embrassa en pleurant ; ensuite il avertit Pharaon de l’arrivée des siens, après avoir recommandé à ses frères et à toute Ja maison de son père de dire au Pharaon qu’ils étaient pasteurs, afin de demeurer dans la terre de Gessen. Le roi la leur donna en effet. Voir Gessen, col. 218. C’était la région la plus fertile de l’Egypte. Gen., xlvi, 1-xlvh, 41.

Dernières années de Joseph.

La famine continuait

de sévir ; tout le monde s’adressait à Joseph pour avoir du blé. Joseph en vendit à tous les Égyptiens, soit à prix d’argent, soit en échange de leurs troupeaux, soit enfin en échange de leurs terres ; il acquit ainsi au Pharaon toutes les terres d’Egypte, à l’exception de celles des prêtres. Gen., xlvii, 13-22. — Deux détails égyptiens méritent d’être signalés. Au verset 20, nous constatons une aliénation de toutes les propriétés privées au profit de l’État. C’est là un fait qui n’avait rien d’anormal dans l’ancienne Egypte. En Egypte en effet, on admettait en principe que le sol entier appartenait au Pharaon, mais des circonstances de diverse nature l’empêchaient de gouverner immédiatement par lui-même toutes les provinces du royaume. Le verset 22 nous apprend que le domaine des prêtres fut respecté ; les terres des prêtres, regardées comme sacrées, étaient exemptes de toutes les charges. Les Égyptiens, et spécialement les princes et les seigneurs, faisaient de grandes donations aux temples ; les textes ne laissent aucun doute sur ce sujet ; la grande Inscription de Siout nous a conservé un exemple de ce genre, lig. 24, 28, 41, 43, 53 ; un personnage du nom de Hàpizaoufi y fait mention des revenus qu’il attribue aux prêtres « sur la maison de son père », c’est-à-dire sur son bien patrimonial, et « sur la maison du prince », c’est-à-dire sur le domaine princier. Cf. Maspero, Études de mythologie et d’archéologie égyptiennes, in-8°, Paris, 1893, 1. 1, p. 53-75 ; Erman, Zehn Vertrâge aus dem mittleren Reich, dans la Zeitschrift fur dgyptische Sprache, 1882, p. 159-184. « Ces donations au dieu {nutir hotpuu) étaient régies, ce semble, par des conventions analogues à celles qui gouvernent les biens de mainmorte de l’Egypte moderne ; jointes au temporel primitif du temple, elles formaient dans chaque nome un domaine considérable, sans cesse élargi de dotations nouvelles. Les dieux n’avaient point de filles qu’il fallût pourvoir, ni de fils entre qui diviser leur héritage. Tout ce qui leur échéait leur restait à jamais et des imprécations insérées dans les contrats menaçaient de peines terribles en ce monde et ailleurs quiconque leur en déroberait la moindre parcelle. » Maspero, Histoire anc., t. i, p. 303. Cf. S. Birch. Sur une stèle hiératique, dans les Mélanges égyptologiques de Chabas, 2 « sér., in-8°, Paris, 1862, p. 324-343. Le domaine des temples était tellement considérable qu’il couvrait un tiers environ du territoire. Diodore de Sicile, i, 21, 73. Voir, dans le Grand Papyrus Harris, l’énumération des biens que le seul temple d’Amon Thébain possédait sous Ramsès III. — Joseph fournit aux Égyp

tiens de la graine pour ensemencer leurs champs, à la condition qu’ils donneraient la cinquième partie des revenus des terres, ce qui fut accepté avec joie. Gen., xlvii, 23-26. — Ce fait est aussi parfaitement égyptien. L’étendue du domaine royal « demeurait assez considérable pour que le souverain n’en exploitât que la moindre portion au moyen des esclaves royaux, et fût obligé de confier le reste à des fonctionnaires d’ordres divers : dans le premier cas, il se réservait tous les bénéfices, mais aussi tous les tracas et toutes les charges ; dans le second cas, il touchait sans risque une redevance annuelle dont on fixait la quotité sur place, selon les ressources du canton ». Maspero, Histoire anc., t. i, p. 283. Cf. Lepsius, Denkniàler, ii, 107. — Les terres des prêtres furent de nouveau et pour le même motif exceptées de cette charge.

Mort de Jacob et de Joseph.

Jacob, sur le point

de mourir, fit promettre à Joseph de ne pas l’enterrer en Egypte, . mais de transporter ses ossements dans le sépulcre de ses ancêtres. Gen., xlvii, 29-31. Il lui témoigna une dernière fois sa prédilection en lui attribuant une double part d’héritage, Tune pour son fils Éphraim et l’autre pour son fils Manassé, Gen., xlviii, 9-22 ; Ezech., xlvii, 13, et lui donna sa bénédiction suprême. Gen., xlix, 22-26. Après la mort de son père, Joseph fit embaumer son corps et, avec la permission du Pharaon, on le transporta au pays de Chanaan pour être enterré à Hébron auprès de ses pères. Gen., l, 1-13. — Joseph continua à traiter ses frères avec bonté ; il leur fit aussi promettre par serment, à l’exemple de Jacob, de transporter ses restes en Palestine. Il mourut à l’âge de cent dix ans, son corps fut embaumé, Gen., L, 14-25, et plus tard enseveli près de Sichem, où l’on voit encore aujourd’hui un monument (fig. 286) qui rappelle le lieu de sa sépulture, non loin du Puits de Jacob, probablement dans le champ que son père lui avait donné. Joa., iv, 5 ; Exod., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32. — Sur l’usage égyptien de l’embaumement des cadavres, voir t. ii, col. 1724. Quant à l’âge de cent dix ans, il est curieux de remarquer que les Égyptiens souhaitaient d’atteindre cet âge. Voir Goodwin, dans Chabas, Mélanges égyptologiqv. es, 1° série, p. 231-237 ; Maspero, Histoire anc, t. i, p. 214. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlix, 16-17, a fait l’éloge de Joseph, « cet homme de miséricorde, qui a trouvé grâce aux yeux de toute chair, » et qui « naquit pour le salut de ses frères et l’appui de sa famille ». Saint Paul a loué sa foi. Heb., xi, 21-22. Voir aussi Sap., x, 13-14.

III. Authenticité de l’histoire de Joseph. — On n’a rien découvert dans les textes égyptiens qui se rapporte directement à l’histoire de Joseph ; nos meilleurs exégètes le reconnaissent. Vigouroux, op. cit., p. 4. Une liste de Tothmès III rappelle seulement les noms de Joseph et de Jacob, Yoseph-el, Yakob-el, mais ils s’appliquent à des tribus. Cf. W. N. Grofl, Lettre à M. Revillout sur le nom de Jacob et de Joseph en égyptien, in-4°, Paris, 1885 ; MaxMuller, Asien und Europa, 189’A, p. 164. — A défaut de preuves directes et positives, on a du moins des preuves indirectes. Si l’égyptologie n’établit pas, à elle seule, la réalité de l’histoire de Joseph, elle montre qu’elle est en parfait accord avec tout ce que nous savons de l’Egypte, de ses usages et de ses coutumes.

La couleur locale.

Cette histoire présente une

couleur locale frappante, comme nous l’avons déjà remarqué. Les écrivains rationalistes eux-mêmes ont reconnu ce fait : « La peinture des mœurs égyptiennes par cet écrivain est généralement très exacte. » Evvald, Geschichte des Volkes Isræls, 3e édit., 1864, t. i, p. 599. Aux traits déjà cités, il faut en ajouter un autre : la famine. Les famines sont fréquentes dans les contrées orientales ; elles ont pour cause principale le manque de pluie et la sécheresse qui détruit presque complètement les récoltes. La Genèse nous raconte des faits analogues

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