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JONATHAS


L'écuyer accepta avec empressement. Jonathas convint que si les Philistins leur disaient : « arrêtez, nous allons à vous, s ils resteraient en place ; mais que s’ils disaient : « Montez, » ce serait le signe que Dieu était pour eux. L’entreprise n'était donc pas laissée à l’aventure ; Jonathas, qui avait en vue le bien de son peuple, comptait que Dieu daignerait montrer sa volonté en fournissant le signe indiqué par lui. Gédéon avait agi de même avant de partir en guerre contre les Madianites. Jud., vi, 36-40. Ce n'était pas là tenter Dieu. Voir Gédéon, col. 147. Les deux jeunes gens se portèrent aussitôt en avant, à l’insu de Saul. « Voici les Hébreux qui sortent des cavernes où ils s'étaient cachés, » dirent les Philistins en les apercevant au bas de la vallée. Ceux du poste avancé leur crièrent pour se moquer d’eux : « Montez donc, nous avons quelque chose à vous faire savoir. » C'était le signe attendu de Dieu. Jonathas et son écuyer se mirent, sans être vus, à escalader les rochers, tombèrent tout d’un coup sur le poste des Philistins, qui ne s’attendaient pas à pareille audace, et leur tuèrent une vingtaine d’hommes. La panique se répandit aussitôt parmi les ennemis campés à Machmas, et gagna ceux qui pillaient dans les environs. Les sentinelles de Gabaa s’aperçurent du désordre et avertirent Saul, qui constata l’absence de Jonathas et de son écuyer. On consulta à la hâte le Seigneur ; mais le tumulte augmentant dans le camp des ennemis, Saul s'ébranla avec les siens et vit que les Philistins se combattaient les uns les autres dans une confusion extrême. Les Israélites qui se trouvaient au milieu d’eux, peut-être à titre de serviteurs ou de marchands, se mêlèrent aux nouveaux arrivants ; ceux qui s'étaient cachés dans la montagne arrivèrent à leur tour, et tous ensemble poursuivirent les Philistins d’abord du côté de Béthaven. Voir Béthaven, t. 1, col. 1666. La journée fut rude. Pour activer la poursuite, Saul avait fait jurer à ses hommes que personne ne prendrait aucune nourriture avant que la vengeance contre les ennemis ne fût complète. On dut passer par une forêt dans laquelle des essaims d’abeilles avaient fait leur miel au creux des arbres et des rochers. Le trop plein des ruches coulait abondamment, mais personne n’y toucha. Jonathas, qui ne savait rien du serment imposé par son père, en prit à l’extrémité d’un bâton et le porta à ses lèvres, ce qui servit à le ranimer après tant de fatigues. Quelqu’un lui fit observer qu’il contrevenait au serment. Il répondit en blâmant l’acte de Saul, qui contribuait plutôt à affaiblir les hommes et à ralentir la poursuite. Les Philistins s’enfuyaient naturellement du côté de leur frontière. Quand ils furent arrivés à Aialon, à plus de trente kilomètres à l’ouest de Machmas, voir Aialon, t. i, col. 296, les Israélites, absolument exténués, tombèrent sur le butin abandonné là par les fuyards, tuèrent les animaux et mangèrent à la hâte, sans que tout le sang eût été séparé de la chair. La loi défendait de manger le sang. Levit., iii, 17. Sans tenir compte de la nécessité extrême, Saul s’opposa à cette infraction, et obligea ses hommes à préparer leur nourriture d’une manière plus conforme à la loi. La nuit était venue. Le roi voulait se remettre en route surle-champ pour exterminer tous les ennemis. Le Seigneur consulté ne répondit pas. Saul interpréta ce silence comme l’indication d’une faute commise. Il promit de mettre à mort le coupable, fût-il son fils. On tira au sort. Le sort désigna Saul et Jonathas, puis Jonathas seul. Celui-ci dit aussitôt : « J’ai goûté un peu de miel au bout du bâton que j’avais à la main ; me voici, je mourrai. » Saul proclama qu’il en serait ainsi. Mais alors toute l’armée se récria, en rappelant qu'à Jonathas était due la délivrance d’Israël, et que Dieu même avait combattu avec lui. Saul dut l'épargner et arrêter là sa poursuite contre les Philistins. I Reg., xiil, 2-xiv, 46. Saûl avait été souverainement imprudent en exigeant de ses hommes le serment de ne rien prendre avant la victoire

complète, et la remarque faite à ce sujet par Jonathas était fort judicieuse. Quant au silence du Seigneur, il ne pouvait accuser Jonathas qui, en réalité, n’avait commis aucune faute, puisqu’il ne connaissait pas le serment paternel. Ne désapprouvait-il pas, au contraire, Saul lui-même dans son acharnement à poursuivre ses ennemis jusque sur leur territoire, où ils auraient pu se retourner avec avantage contre lui ? Il est vrai que le sort, dirigé par le Seigneur, désigna Jonathas ; mais cette désignation devait être sans conséquence, grâce à l’intervention de l’armée.

Quand le jeune David parut à la cour de Saûl, après son combat contre Goliath, Jonathas s'éprit pour lui de la plus vive affection : « L'âme de Jonathas s’attacha à l'âme de David, et Jonathas l’aimait comme son âme. » En preuve de son amitié, Jonathas donna à David son manteau, ses vêtements, son épée, son arc et sa ceinture. I Reg., xviii, 1-4. Il lui montra son dévouement dans les circonstances les plus délicates. Quand Saul, en proie à l’esprit du mal, parla de faire mourir David, Jonathas avertit son ami et réussit ensuite à changer le cours des idées de son père, de sorte que David put revenir à la cour. I Reg., six, 1-7. Mais bientôt après, Saùl fut repris de ses accès de fureur et partit à la poursuite de celui qu’il regardait comme un ennemi. David put joindre Jonathas, auquel il se plaignit de cette persécution imméritée. Il lui paraissait presque impossible d'échapper à un si puissant adversaire. « Entre la mort et moi, dit-il, il n’y a qu’un pas. » On était à la veille de la néoménie, et, à cette occasion, il devait prendre part au festin royal. Il déclara qu’il s’abstiendrait et pria Jonathas de l’avertir de l’effet que son absence produirait sur Saul. « Puisque nous avons contracté amitié l’un avec l’autre, ajouta-t-il, si je suis coupable, ôte-moi la vie toi-même plutôt que de me mener à ton père. » Jonathas promit de l’informer des dispositions du roi et convint avec lui d’un signal destiné à les lui faire connaître. Saul ne dit rien le jour de la néoménie ; mais le lendemain, loin de se contenter des excuses que lui présentait son fils de la part du fugitif, il s’emporta avec violence et lui dit : « Fils pervers et rebelle, ne sais-je pas que tu as comme ami le fils d’Isaï, pour ta honte et la honte de ta mère ? Envoie-le chercher et qu’on me l’amène, car il est digne de mort. » Et il s’efforça de le frapper de sa lance. Le lendemain matin, Jonathas alla aux champs, près de l’endroit où David se tenait caché. Il avait son carquois et s'était fait accompagner d’un enfant. « Cours, dit-il à celui-ci, et trouve les flèches que je vais tirer. » Il tira bien au de la de l’enfant et lui cria : « La flèche n’est-elle pas plus loin que toi ? » C'était le signal convenu pour annoncer la colère implacable de Saul. L’enfant parti sans se douter de rien, David se montra et se prosterna devant Jonathas. Tous deux s’embrassèrent et pleurèrent ensemble. Jonathas protesta de nouveau de son inaltérable amitié et ensuite ils se quittèrent, l’un pour rentrer en ville, l’autre pour se mettre à l’abri de la vengeance du roi. I Reg., xx, 1-43.

Poursuivi par Saul, David se trouvait un jour dans une forêt du désert de Ziph, un peu au sud d’Hébron. Voir Ziph et la carte de Juda. Jonathas accompagnait son père, surtout dans le dessein de veiller sur les jours de son ami. Il alla trouver David dans la forêt et, pour l’encourager au milieu de tant d'épreuves, il lui dit ces nobles paroles : « Ne crains rien, la main de Saul, mon père, ne t’atteindra pas. Tu régneras sur Israël, et moi je serai le second auprès de toi. Saul, mon père, le sait bien, n Saul et Jonathas avaientils été informés du sacre de David ? I Reg., xvi, 13. Il n’est pas nécessaire de le supposer pour justifier les paroles de Jonathas. Samuel n’avait-il pas dit publiquement à Saul : « Jéhovah I déchire aujourd’hui de sur toi la royauté d’Israël et il la I donne à un autre qui est meilleur que toi ? » I Reg.,