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JOB (LIVRE DE)


de sa naissance, 1-10 ; il Implore la mort, 11-19 ; il voudrait n'être jamais né- 20-26. Par la violence de ses plaintes il donne à ses amis, jusque-là silencieux, l’occasion d’entrer en scène. La discussion s’engage et se développe en une suite de discours, où les trois amis parlent tour à tour, dans l’ordre suivant : Éliphaz, Baldad, Sophar. Chaque attaque est suivie de la réplique de Job. Le troisième cycle est incomplet, à cause du silence de Sophar.

u. première discussion, iv-xiv. — 1° Premier discours d'Éliphaz. — 1. Dans un excrde insinuant, il rappelle à son ami qu’il ne devrait pas s’abandonner au désespoir, lui qui a consolé tant d’infortunes, IV, 1-7. Puis il expose nettement sa thèse : L’expérience prouve, ꝟ. 8-11, et il sait par révélation, ꝟ. 12-16, que tout homme est coupable et mérite des châtiments divins, iv, 17-v, 7. Que Job reçoive sa peine sans regimber, en baisant la main qui le frappe ! Dieu se laissera fléchir, car il exalte ceux qui s’abaissent. Discours admirable de tact, d'élégance, de noblesse et de poésie, mais partant d’une fausse hypothèse : la culpabilité de Job. — 2. Job riposte avec aigreur. Ses maux sont intolérables et ses plaintes restent bien au-dessous de ses malheurs, vi, 1-12. Ses amis, dont il espérait quelque consolation, l’ont trompé comme un torre’nt gonflé par les pluies d’orage qui se dessèche aussitôt et se perd dans le sable, ꝟ. 13-23. Puisqu’ils l’accusent, qu’ils lui montrent ses iniquités, ꝟ. 2430. Cela dit, il laisse derechef un libre cours à ses plaintes et ne demande à Dieu qu’un moment de répit, vu, 1-2.

2° Premier discours de Baldad, — 1. Croyant ou feignant de croire que Job accuse Dieu d’injustice, il relève vivement ce prétendu blasphème, viii, 1-7. Les anciens sages nous l’apprennent : les méchants sont punis dès ici-bas, leur prospérité n’est qu’un leurre ; au contraire, le juste reçoit sa récompense, ꝟ. 8-22. —2. C’est par l’ironie que Job lui réplique. S’il ne s’agit que d’exalter les attributs de Dieu, Job saura renchérir encore sur les dithyrambes de ses amis, IX, 1-21. Mais ce n’est pas le point en litige :

Il n’importe. C’est pourquoi je dis :

Dieu frappe également 16 juste et l’impie.

Si un fléau sévit soudain,

Il se fait un jeu d'éprouver l’innocent.

La terre est livrée aux mains de l’impie ;

Il couvre la face du juge (il l’aveugle).

N’en est-il point ainsi ? Qu’est-ce donc ? ix, 22-24.

Voilà la vraie question. Puis, d’un ton plus calme, Job renouvelle ses plaintes, ix, 25-x, 7. Ses regrets s’avivent au souvenir des anciennes faveurs reçues de Dieu, ꝟ. 819. Il termine en implorant un moment de répit, )>. 2022.

Premier discours de Sophar.

1. Il répète, avec la

fougue et la violence de la jeunesse, les arguments de ses amis. Il s’indigne d’entendre Job protester de son innocence, XI, 1-6 ; Dieu est la sagesse même et ses voies sont insondables, ꝟ. 7-12 ; Job n’a qu'à s’y soumettre sans chercher à les scruter. Un repentir sincère ramènera le bonheur, ꝟ. 13-20. — 2. Job ne répond pas directement à Sophar, mais il prouve par de nombreux exemples que la distribution des biens et des maux sur la terre n’est pas conforme à la théorie des trois amis, xii. Qu’ils cessent donc de défendre par des mensonges la cause de Dieu, xiii, 1-12. Job, s’adressant à Dieu lui-même, lui demande la solution de ses doutes, jr. 13-28. Il conclut par une pathétique description de la misère et de la vanité de l’homme, xiv, 1-22.

m. deuxième discussion, xv-xxi. — Le dialogue devient plus serré et la discussion fait un grand pas. Les trois amis, descendant des généralités, ne prouvent plus leur thèse par les seuls arguments a priori, tels que les attributs de Dieu, sa bonté (Éliphaz), sa justice (Baldad), sa sagesse (Sophar) ; ils entament le vif du sujet et sou tiennent explicitement leur fausse théorie : Tout impie est châtié ici-bas, tout juste est récompensé.

1° Second discours d'Éliphaz. — Outré de se voir contredit, il perd toute mesure, xv, 1-11. Il accuse formellement son ami d’impiété, . de présomption, d’entêtement, d’orgueil, ꝟ. 12-16 ; et dépeint, avec les plus sombres couleurs, la vie misérable de l’impie, sa mort prématurée et aussi, fait assez rare dans l’Ancien Testament, les remords de sa conscience, 1. 17-35 :

Un bruit effrayant frappe ses oreilles ; Au sein de la paix, il craint l’ennemi. La nuit, il désespère de revoir le jour, Il se voit par avance la proie du glaive, xv, 21-22.

— Sans relever autrement que par le mépris ces insinuations outrageuses, Job expose de nouveau ses malheurs immérités, xvi, 1-16 :

Pourtant mes mains n’ont pas commis l’injustice, Et ma prière (ma religion) était pure.

Malgré tout, il reste persuadé qu’il a un témoin au ciel et un défenseur là-haut. Non qu’il espère trouver justice en ce monde. Pour lui tout est fini sur terre. Plus d’espoir, plus d’illusion. Il n’a qu'à descendre au se'ôl, où peut-être il goûtera un peu de repos, xvi, 18-xvii, 16.

Second discours de Baldad.

1. Il ne fait, en

somme, que répéter sous une autre forme l’argumentation d'Éliphaz. II affirme et ne prouve pas. Néanmoins ce morceau, d’un style très imagé et plein de mouvement, atteint la plus haute éloquence, quoique l’exagération le dépare un peu, xviii. — 2. En présence de ses amis conjurés contre lui, de Dieu même qui semble l’abandonner, Job paraît accablé et consterné. Mais tout à coup sa confiance renaît. La perspective d’un rédempteur, qui le vengera après la mort et réparera les ruines de son corps, lui rend l’espoir. Il emprunte pour l’exprimer le style prophétique, xix.

Second discours de Sophar.

1. Rivalisant de lyrisme

avec ses prédécesseurs, Sophar décrit la misère du pécheur, sa fin lamentable et prématurée, sa destruction totale, xx. — 2. Job, pour le réfuter, en appelle à l’expérience de tous les jours. On voit l’impie heureux sur la terre, au milieu de ses blasphèmes dont il se fait gloire. Loin d'être puni de son vivant, il est quelquefois honoré des hommes après sa mort, xxi.

IV. TROISIEME discussion, xxii-xxxi. — Battus sur le terrain des faits, comme sur celui des principes, les trois amis se rejettent sur cette position nouvelle dont rien ne peut les tirer : Job est coupable, puisqu’il est puni de Dieu. On voit le sophisme : ils supposent précisément toute la question. D’indirecte qu’elle était, l’attaque contre Job devient directe et fournit au saint homme une belle occasion de se justifier.

1° Troisième discours d'Éliphaz. — 1. C’est Éliphaz, comme le plus grave des trois, qui se charge du réquisitoire. Partant de ce faux principe que toute souffrance est un châtiment, il en conclut hardiment, non sans quelque ironie, que Job est châtié pour ses crimes sans doute et non pour ses vertus. Ces crimes, il ne craint pas de les énumérer : cruauté, avarice, injustices, fautes ordinaires des grands de la terre. Il termine par une exhortation à la pénitence, gage assuré d’un meilleur avenir, xxii. — 2. Job ne répond pas directement aux malveillantes insinuations de son accusateur. Il voudrait, dit-il, plaider sa cause devant Dieu même qui reconnaîtrait son innocence, xxiii. Mais la thèse d'Éliphaz est en contradiction avec les faits. Dans les campagnes désertes, comme dans les cités populeuses, souvent l’impie triomphe et le criminel prospère jusqu'à la mort,

XXIV.

' 2° Troisième discours de Baldad. — 1. Par la concision et l’insignifiance de sa réponse, Baldad montre que les trois amis sont à bout d’arguments et que, par suite, le débat est terminé. Baldad se borne à répéter, presque