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JOAB


plutôt probablement avec une arrière-pensée de courtisan, Joab envoya dire à David d’accourir pour prendre la ville, afin que l’honneur de la victoire revint au roi et non au chef de l’armée. David arriva avec de nouvelles troupes, présida à la dernière attaque de Rabbath et s’en rendit maître. Il s’empara de la couronne royale et fit un grand butin. Puis il plaça les habitants de Rabbath et des autres villes ammonites « sur des scies, des traîneaux, des haches de fer et des moules à briques », c’est-à-dire qu’il les réduisit en esclavage et les préposa à ces différents outils, pour qu’ils devinssent, au service d’Israël, scieurs de pierres, bûcherons, briquetiers, etc. Voir Aire, t. i, col. 326 ; Fodr, t. ii, col. 2338 ; Hachb, col. 389 ; II Reg., xi, 1-xii, 31 ; I Par., xix, 1-19. Près de deux années s’écoulèrent, entre le crime de David et la naissance du second fils de Bethsabée. L’historien enclave le récit de cet épisode entre le commencement du siège de Rabbath et la prise de la ville par David. Il ne s’ensuit nullement que le siège ait duré plus d’une saison. Nul doute que l’historien n’ait tenu à raconter tout d’un trait ce qui se rapportait à l’union de David et de Bethsabée. Si le siège s’était prolongé aussi longtemps, il en eût fait mention.

4* Joab eut l’occasion d’intervenir auprès du roi pour procurer le retour d’Absalom, le plus âgé des (ils survivants de David ; à cause de ce droit d’aînesse, le rusé politique entrevoyait le successeur de David et il tenait à se ménager d’avance ses bonnes grâces. Absalom était en fuite depuis trois ans, à cause du meurtre de son frère Amnon. Quand le mécontentement de David parut s’apaiser, Joab envoya au roi une femme de Thécué qui, sous forme d’apologue (voir Apologue, 2°, 1. 1, col. 779), introduisit la cause d’Absalom. David reconnut aussitôl, dans cette démarche, l’inspiration de Joab. Il permit le retour d’Absalom, que Joab lui-même alla chercher à Gessur et ramena à Jérusalem, mais, pendant deux ans encore, David refusa de le recevoir. Par deux fois, Joab se déroba aune nouvelle intervention ; il finit par se décider, sur les instances d’Absalom, et ménagea une réconciliation entre le roi et son fils. II Reg., xiv, 1-33. "Absalom profita de son retour en grâce pour intriguer et chercher à supplanter son père. Celui-ci fut bientôt obligé de quitter Jérusalem et de mener la vie d’un fugitif, pendant que son fils s’emparait du pouvoir et le poursuivait lui-même jusqu’au delà du Jourdain. Il fallut en venir aux armes. Absalom avait mis à la tête de ses troupes Amasa, un fils qu’Abigail, sœur de David, avait eu d’un étranger, et que son oncle avait tenu à l’écart depuis le commencement de son régne. David organisa ses partisans en trois corps, dont il donna le commandement à Abisai, à Joab et à Éthai. Il recommanda par-dessus tout à ces trois chefs d’épargner Absalom. La bataille se livra dans la forêt d’Éphraim. Absalom, vaincu, s’enfuit sur un mulet et resta pris, par la chevelure, aux branches d’un térébinthe. Averti de l’accident, Joab accourut et, malgré les observations qu’on lui fit, planta trois javelots dans le cœur d’Absalom et le laissa achever par ses écuyers. II Reg., xviii, 1-15. On ne peut dire à quelle inspiration obéit Joab en faisant périr Absalom. L’Écriture ne nous apprend pas comment il était devenu l’ennemi de celui qu’il avait fait rappeler. Voulait-il, par cette mort, mettre tout d’un coup fin à la révolte ? Craignait-il qu’Absalom, s’il survivait et plus tard devenait roi, lui tînt rigueur de la défaite qu’il venait de lui infliger ? Il est difficile de répondre, mais il est certain que la mort d’Absalom paraissait la condition nécessaire d’une paix durable.

5° La mort d’Absalom changea en deuil, pour David, ce jour de victoire. Comme il s’attardait à pleurer son fils, Joab entra brusquement chez lui et lui tint ce langage : « Tu fais aujourd’hui la honte des serviteurs qui t’ont sauvé la vie. Tu aimes ceux qui te haïssent et tu

hais ceux qui t’aiment. Je le rois bien, tu serais content si Absalom vivait et si nous étions tous morts. Lève-toi donc, sors et parle au cœur de tes serviteurs. Autrement, je le jure par Jéhovah, il ne restera pas un seul homme avec toi cette nuit. » David ne répondit rien à cette arrogante sommation ; mais, à dater de ce jour, il vit le sang de son fils couvrir celui d’Abner sur la main de Joab. À son neveu Amasa, qui avait dirigé les troupes, rassemblées contre lui, il fit offrir le commandement de son armée, en remplacement de Joab. II Reg., xix, 1-13. Une nouvelle révolte, celle de’Séba, de Benjamin, détacha du roi tout Israël, hormis la tribu de Juda. Amasa, le nouveau chef militaire, chargé de réunir les troupes, , tarda à exécuter sa mission. David eut alors recours à Abisai, qui partit à la poursuite de Séba. Joab, la rancune au cœur, méditait sa vengeance. Il accompagnait son frère. Amasa arriva de son côté avec les troupes qu’il avait pu réunir, et la jonction des deux corps se fit près de la grande pierre de Gabaon. Alors Joab s’avança vers Amasa pour lui demander de ses nouvelles et l’assassina avec une épée qu’il tenait cachée sous ses. vêtements. Voir Amasa, t. i, col. 442. Reprenant ensuite le commandement de l’armée, que ne pouvait lui refuser son frère, il continua la poursuite de Séba, qu’il vint assiéger à Abel-Beth-Maacha. Voir Abel-Beth-Maacha, t. i, col. 31. Pour obtenir que la ville fût épargnée, les habitants lui jetèrent la tête de Séba. Joab revint à Jérusalem auprès du roi. Il garda le commandement de l’armée, que David jugea impolitique de lui retirer, après le nouveau service qu’il venait de rendre. II Reg., xx, 1-23.

6° Le roi l’éloigna momentanément de Jérusalem, malgré ses justes observations, pour l’envoyer faire le dénombrement de la population israélite, opération qui dura près de dix mois et qui fut désapprouvée de Dieu. II Reg., xxiv, 2-10 ; IPar., xxi, 1-7. Fidèle à se ménagerla faveur du successeur présumé de David, Joab s’entendit avec le grand-prêtre Abiathar, afin d’assurer cette succession à Adonias, fils que David avait eu immédiatement après Absalom et qui prétendait faire valoir son droit d’aînesse. Mais le roi ne mettait pas Joab dans la confidence de ses desseins. Celui-ci se trompa dans cette intrigue et n’aboutit qu’à hâter la proclamation de Salomon. III Reg., i, 7-48. La condamnation de Joab est inscrite dans le testament de David à Salomon : « Tu sais ce que m’a fait Joab, fils de Sarvîa, ce qu’il a fait à deux chefs de l’armée d’Israël, à Abner et à Amasa. Il les a tués, il a versé en pleine paix le sang de la guerre, il a mis le sang de la guerre sur la ceinture de ses reins et sur la chaussure de ses pieds. Agis selon ta sagesse et ne laisse pas ses cheveux blancs descendre en paix dans la tombe. » Joab méritait le châtiment. David, qui avait eu le malheur de le prendre pour complice dans le meurtre d’Urie, n’osa le lui infliger. Il laissa ce soin à son fils. La prudence exigeait d’ailleursque celui qui avait tant fait souffrir le père, et qui avait posé la candidature d’Adonias, fût mis hors d’état de nuire au nouveau roi. L’exil d’Abiathar par Salomon avertit Joab du sort qui le menaçait lui-même. Il courut au tabernacle et saisit les cornes de l’autel, pour assurer son inviolabilité. Voir Corne, t. ii, col. 1010. Salomon envoya Banaïas pour le tuer. Joab refusa de sortir et Banaïas le frappa au lieu même où il s’était, réfugié. On l’enterra dans la maison qu’il possédait au désert de Juda. III Reg., ii, 5, 6, 28-35. Cf. II Reg., xiv, 30 ; I Par., ii, 54 ; et Ataroth 6, t. i, col. 1206. C’est ainsi que périt misérablement celui qui eût pu se faire un nom si glorieux en Israël. Quelques historiens ont reproché à David d’avoir été jaloux des talents militaires du chef de son armée, mais celui-ci ne fournit que trop de motifs de plainte à son oncle. Pour servir son ambition, Joab avait mis en œuvre la cruauté et l’hypocrisie ; il n’avait reculé devant aucune atrocité, même à