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JESUS-CHRIST


miracle dans le ciel. Matth., xii, 38, 39 ; Luc, xi, 16. En eussent-ils cru davantage ? « S’ils n’écoutent ni Moïse ni les prophètes, ils ne croiront pas même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, » Luc, xvi, 31, dira le Sauveur lui-même. Il refuse de faire tomber le feu du ciel sur la ville des Samaritains qui ne veulent pas le recevoir, Luc, ix, 55, 56, parce que ce miracle eût été en contradiction avec sa mission de Sauveur. Enfin il ne veut ni appeler à son secours les douze légions d’anges, Matth., xxvi, 53, ni descendre de la croix, Matth., xxvii, 40, 42 ; Marc, xv, 32, parce que ces miracles eussent empêché sa passion et par conséquent la rédemption des hommes. Cf. Trench, Noteson the Miracles, Londres, 1847 ; Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, t. i, p. 21-98 ; Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 1901, t. i, p. 65-84 ; Vallet, Les miracles de l’Évangile, Paris, 1901.

Leur symbolisme moral.

Outre leur double

signification directe, visant la véracité des paroles du Sauveur et la réalité de quelqu’un de ses attributs, les miracles, ainsi que l’ont souvent exposé les Pères de l’église, apparaissent encore comme des figures symboliques des merveilles de l’ordre surnaturel. Ils sont ainsi en action ce que les paraboles sont en récit. C’est Notre-Seigneur lui-même qui suggère cet ordre d’idées par la relation étroite qu’il établit entre les miracles qu’il opère et certaines institutions de la loi nouvelle. Ainsi, après la première pêche miraculeuse, Jésus dit à quatre de ses disciples : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Matth., iv, 19 ; Luc, v, 1-10. À la suite de la seconde pêche, il dit à. Pierre : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Joa., xxi, 6-17. La pêche miraculeuse est donc une leçon de choses, un symbole de la pêche des âmes, de l’apostolat. Ce miracle a ainsi une analogie avec la parabole de la seine. Matth., xiii, 47-48. La barque qui porte les Apôtres sur le lac de Tibériade est assaillie par la tempête ou fatiguée par le vent contraire, pendant que Jésus dort ou qu’il est absent ; Jésus s’éveille ou apparaît soudain, et le calme renaît. Marc, IV, 38, 39 ; vi, 47-50. Cette barque, c’est l’Église sur la mer agitée de ce monde : inactif en apparence et invisible, Jésus est toujours là pour veiller sur elle. Les guérisons des aveugles figurent l’arrivée des âmes à la lumière de la foi, par la docilité à la parole du Sauveur et par la grâce du baptême. Après avoir obtenu la vision corporelle, l’aveugle-né se prosterne devant le Fils de Dieu en disant : « Je crois, Seigneur. » Joa., ix, 38. La vision naturelle est l’image de la vision par la foi. Les maladies de toute nature, la lèpre, la mort, figurent le péché avec toutes ses conséquences. Notre-Seigneur guérit tous ces maux et même ressuscite les morts pour symboliser les guérisons et les résurrections spirituelles qui s’opéreront dans son Église par le sacrement de pénitence. Lui-même signale la relation qui existe dans sa pensée entre la guérison du paralytique et la rémission des péchés. Luc, v, 20-24. La promesse de l’Eucharistie est trop étroitement liée au miracle de la multiplication des pains pour que le symbolisme de ce miracle puisse être contesté. La transsubstantiation a sa figure dans le miracle de Canà. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, scient, et littér., p. 84-147.

iv. la résurrection. — La résurrection est le miracle capital du Sauveur ; c’est aussi celui sur lequel les évangélistes ont donné le plus de détails. — 1° Notre-Seigneur a prédit plusieurs fois qu’il ressusciterait le troisième jour après sa mort. Matth., xvi, 21 ; xvii, 9, 22 ; xx, 19 ; xxvi, 32 ; Marc, viii, 31 ; ix, 8, 9, 30 ; x, 34 ; xiv, 28 ; Luc, ix, 22 ; xviii, 33. Il indique même son séjour de trois jours et trois nuits au tombeau comme devant être le signe incontestable de sa mission. Matth., xii, 39, 40 ; Luc, xi, 29. — 2° Les Juifs ont parfaitement compris que Notre-Seigneur avait promis de ressusciter au bout de trois jours. Aussi prirent-ils toutes les pré cautions commandées par la prudence humaine pour s’assurer contre toute intervention des disciples. Matth., xxvii, 62-66. La mort du Sauveur avait du reste été constatée par le centurion, Marc, xv, 44, et le sépulcre, taillé dans le roc vif, Matth., xxvii, 60, ne se prêtait à aucune effraction souterraine. Ces circonstances ruinent les hypothèses qu’on a faites soit d’un enlèvement du corps, soit d’un retour à la vie de celui qui n’était pas mort quand on l’ensevelit. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. ii, p. 111-118, 535541. — 3° La résurrection se produisit au temps marqué. Les gardes placés près du tombeau furent les premiers témoins des phénomènes merveilleux qui l’accompagnèrent. Le sanhédrin les paya libéralement pour dire que les Apôtres avaient enlevé le corps. Matth., xxviii, 11-15. Si cette accusation eût été fondée, les Apôtres auraient été poursuivis sans délai et les gardes auraient été sévèrement punis pour avoir sommeillé au lieu de veiller. — 4° Les quatre Évangélistes racontent différentes apparitions du Sauveur. On a voulu mettre leurs récits en contradiction les uns avec les autres, supposer, d’après ceux-ci, que les apparitions n’ont eu lieu qu’en Galilée, d’après ceux-là, qu’il ne s’en est produit qu’à Jérusalem, etc. Cf. Rohrbach, .Die Berichte uberdievuferstehungJesu Christi, Berlin, 1898. Nous avons vu plus haut, col. 1478, que les quatre récits peuvent se combiner sans grande difficulté et sans qu’on ait à tourmenter les textes. Cf. Fleck, Sanctorum quatuor Evange-Uorum concordia, Rixheim, 1881, p. 173-178. Il est vrai qu’avant sa mort le Sauveur avait dit à ses Apôtres qu’après sa résurrection il les précéderait en Galilée, Matth., xxvi, 32 ; Marc, xiv, 28, que les saintes femmes reçoivent l’ordre de dire aux disciples et à Pierre que Jésus ressuscité les précédera en Galilée, où ils le verront, Matth., xxviii, 7 ; Marc, xvi, 7, et qu’enfin le Sauveur répète personnellement le même avis. Matth., xxviii, 10. Il est également vrai que saint Matthieu ne parle pas des apparitions aux Apôtres à Jérusalem, et que saint Marc ne mentionne les apparitions d’Emmaus et du cénacle que dans sa finale contestée par plusieurs. Mais saint Matthieu exclut si peu les apparitions de Jérusalem, qu’après avoir rapporté les paroles de l’ange aux saintes femmes : « Voici qu’il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez, » il raconte immédiatement l’apparition dont Jésus les favorisa sur le chemin. Matth., xxviii, 7, 9. Quand il dit ensuite que les onze disciples s’en allèrent en Galilée, a sur la montagne que Jésus leur avait marquée, » Matth., xxviii, 16, ne suppose-t-il pas une apparition précédente dans laquelle le Sauveur leur a assigné ce rendez-vous particulier sur la montagne ? Ces mentions de la Galilée dans les récits de la résurrection s’expliquent d’ellesmêmes. On voit que Jésus n’apparaît à Jérusalem qu’aux Apôtres et peut-être à un petit nombre de disciples.il a ses raisons four ne se montrer qu’en Galilée à la grande masse de ses disciples restés à peu près fidèles. Il le leur fait donc dire par les saintes femmes, et Pierre est averti nommément, parce qu’en sa qualité de chef déjà reconnu, il aura à transmettre cet avertissement à tous les intéressés. — La distinction entre deux traditions différentes sur le fait de la résurrection, l’une galiléenne, représentée par saint Matthieu et par saint Marc (moins sa finale), qui ne « connaissent » que les apparitions en Galilée, l’autre hiérosolymitaine, représentée par saint Luc et saint Jean, qui « connaissent » des apparitions à Jérusalem, n’a donc qu’un fondement spécieux. Pour que la conclusion négative fût logique, il faudrait établir au préalable que « connaître » et « raconter » sont une même chose, que saint Matthieu et saint Marc n’ont rien connu au delà de ce qu’ils ont raconté, et que, parmi tant d’épisodes ayant trait aux manifestations du divin ressuscité, les Évangélistes étaient obligés soit de tout raconter, soit de s’en tenir