Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/777

Cette page n’a pas encore été corrigée
1499
1500
JESUS-CHRIST


le Sauveur est venu réaliser. — c) Quant à l’idée que Notre-Seigneur aurait lui-même adapté sa vie aux données des prophéties, afin de se faire passer pour le Messie, on ne peut s’y arrêter sérieusement. « Il n’est pas au pouvoir d’un homme de choisir son lieu de naissance, de naître à Bethléhem plutôt qu’à Rome ou ailleurs, de naître de la race d’Abraham, de la tribu de Juda, de la maison de David, de paraître au temps marqué par Jacob, par Daniel et par Aggée, de faire des miracles, d’obtenir la foi d’une grande partie du genre humain, de se faire adorer dans le monde, de ressusciter après sa mort, d’être glorifié comme le Dieu tout-puissant et éternel ; et cela, parce que c’était prédit ! » Freppel, Saint Justin, Paris, 1869, p. 390. — d) Il ne reste donc qu’une explication possible de l’accord qui existe entre les prophéties et la vie du Sauveur ; c’est que Dieu, qui a inspiré les prophètes, a réglé l’existence de Jésus-Christ de telle façon qu’elle répondît exactement au programme qu’il en avait tracé à l’avance. Il suit de là en toute rigueur que Jésus-Christ est l’envoyé de Dieu, le Messie promis. — e) En rigoureuse exégèse, on peut tirer des prophéties une conclusion plus décisive encore. Plusieurs d’entre elles en effet attribuent la divinité au Messie promis. Il est écrit au Psaume ii, 7 : « Jéhovah m’a dit : Tu es mon Fils, je t’engendre aujourd’hui. » Il ne s’agit pas là d’un fils adopté, comme quand il est question de Salomon, II Reg., vii, 14, mais d’un fils engendré, yâlad, par conséquent d’un fils de la même nature que celui qui l’engendre. Le Psaume xlv (xliv), 4, 8, célèbre un héros qui est le Messie et auquel il donne le nom de Dieu. Isaie, vii, 14, appelle le Fils de la Vierge Emmanuel, « Dieu avec nous, » et ailleurs, IX, 6, plus directement encore, lui attribue le nom de Dieu. Des différentes descriptions de la Sagesse, en laquelle on reconnaît le Messie futur, on peut aussi conclure que ce Messie aura tous les caractères de la divinilé. Prov., viii, 22-31 ; Sap., vii, 24-26 ; Eccli., xxiv, 1-31, etc. Cf. Scheeben, Handbuch der kalholischen Dogmatik, Fribourg, 1875, t. ii, p. 522. C’est du reste en faisant appel aux textes prophétiques de l’Ancien Testament que l’auteur de l’Épitre aux Hébreux, I, 3-13, établit la divinité du Sauveur. Suivant la coutume de son temps, il allègue même en faveur de cette thèse certains textes qui n’ont pas ce sens littéral, mais qui n’en avaient pas moins force probante pour les Juifs auxquels il s’adressait. Il va de soi que ces textes se rapportent toujours en quelque manière à Jésus-Christ, autrement le Saint-Esprit n’en aurait pas inspiré l’application. — f) Il ne paraît pas cependant que Notre-Seigneur ait voulu établir sa divinité personnelle par les textes prophétiques. Ce qu’il veut prouver par les Écritures, c’est la divinité de sa mission. S’il renvoie les Juifs aux écrits sacrés et à Moïse, Joa., v, 39, 46, c’est uniquement pour démontrer qu’il est venu « au nom du Père », Joa., v, 43, qu’il est son envoyé authentique, réalisant dans sa personne et dans sa vie tout ce qui a été annoncé par les anciens prophètes. La conclusion principale et inattaquable à tirer de l’accomplissement des prophéties est donc celle-ci : Jésus-Christ est le Messie envoyé de Dieu.

Prophéties faites par Jésus-Christ.

Notre-Seigneur

a annoncé lui-même à l’avance et avec une extrême précision, un certain nombre de faits qu’on ne pouvait prévoir humainement et qui se sont accomplis de point en point. Ces faits sont les suivants : — 1. Sa passion, avec ses principales circonstances : la part qu’y prendra le sanhédrin, Matth., xvi, 21 ; xvii, 12 ; xx, 18 ; Marc, viii, 31 ; x, 33 ; Luc, ix, 22 ; la trahison de Judas, Joa., vi, 71 ; xiii, 26 ; Matth., xxvi, 21-25 ; Marc, xiv, 18-21 ; Luc, xxii, 21, 23 ; l’abandon par les Apôtres, Matth., xxvi, 31 ; Marc, xiv, 27 ; Joa., xvi, 32 ; le reniement de Pierre, Matth., xxvi, 33-35 ; Marc, xiv, 29-31 ; Luc, xxii, 34 ; Joa., xiii, 38 ; la comparution devant

les gentils, Matth. ; xx, 19 ; Marc, x, 33 ; Luc, ix, 44 ; xviii, 32 ; les outrages, les tourments et particulièrement la flagellation, Matth., xx, 19 ; Marc, x, 34 ; Luc, xvil, 25 ; xviii, 32 ; enfin la mort, et la mort sur la croix, Matth., xvi, 21 ; xvii, 22 ; xx, 19 ; xxi, 39 ; Marc, viii, 31 ; ix, 31 ; x, 34 ; Luc, ix, 22 ; xviii, 33, que le Sauveur appelle une « élévation » comme celle du serpent d’airain. Joa., iii, 14 ; viii, 28 ; xii, 32. Cf. P. Schwartzkopff, Die Weissagungen Jesu Christi von seinem Tode, Goettingue, 1895. — 2. Sa résurrection. Dès le début de sa vie publique, Notre-Seigneur se compare à un temple que l’on détruira, mais qu’il relèvera en trois jours. Joa., ii, 19. Il annonce que, comme Jonas qui fut trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre, il sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre, Matth., xii, 40 ; xvi, 4 ; Luc, xi, 29, 30, et qu’ensuite il reparaîtra ressuscité et vivant. L’expression trois jours et trois nuits n’implique nullement un espace de temps de trois fois vingt-quatre heures. Selon la manière habituelle de compter des Juifs, elle marque seulement trois journées, dont la première et la troisième peuvent n’être représentées que par quelques heures. Cf. Esth., iv, 16 ; v, 1 ; Tob., iii, 10, 12 ; I Reg., xxx, 12-13. Voir F. Baringius, De tribus diebus et tribus noctibus comnwrat. Christi m cord. terne, dans le Thésaurus de Hase et Iken, p. 220-227. Dans les passages où il prédit sa passion, le Sauveur ajoute qu’il ressuscitera le troisième jour. Matth., xvi, 21 ; xvii, 22 ; xx, 19 ; Marc, viii, 31 ; ix, 30 ; x, 34 ; Luc, ix, 22 ; xviti, 33. Cette prédiction était si connue que les princes des prêtres prirent des mesures en conséquence. Matth., xxvil, 63. — 3. Son ascension. Le Sauveur y fait allusion deux fois. Joa., vi, 63 ; vii, 34. — 4. La venue du Saint-Esprit. Notre-Seigneur l’annonce à ses Apôtres, Joa., xiv, 16, 26, et leur recommande, après sa résurrection, de ne pas quitter la ville avant qu’il ait été envoyé. Luc, xxiv, 49. — 5. Les destinées de l’Église, telles qu’elles sont décrites dans les paraboles sur le « royaume descieux », voir plus haut, col. 1494, et spécialement la promesse que les puissances de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, Matth., xvi, 18, toutes choses que l’histoire du monde.n’a cessé de vérifier jusqu’à ce jour. —6. La ruine de Jérusalem, Le Sauveur décrit l’événement près de quarante ans à l’avance, avec des détails qu’on ne pouvait humainement prévoir et qui se vérifièrent : l’apparition des faux messies, Matth., xxiv, 4, 5 ; Marc, xiii, 5, 6 ; Luc, xxi, 8 ; cf. Imposteur, col. 851 ; Josèphe, Ant. jud., XX, v, 1 ; vin, 6, 10 ; Bell, jud., II, xiii, 5 ; IV, iii, 14 ; VI, v, 2 ; les bruits de guerre et de révoltes, Matth., xxiv, 6 ; Marc, xiii, 7 ; Luc, xxi, 9 ; cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ix, 1 ; XX, iii, 3 ; v, 3, 4 ; Bell, jud., II, xii, 1, 2 ; les pestes, les famines, les tremblements de terre, Matth., xxiv, 7 ; Marc, xiii, 8 ; Luc, xxi, 11 ; cf. Famine, t. ii, col. 2175 ; Josèphe, Ant. jud., III, xv, 3 ; XX, ii, 5 ; v, 2 ; Bell, jud., VI, v, 3 ; Tacite, Annal., xiv, 27 ; xv, 22 ; les persécutions infligées aux Apôtres, Matth., xxiv, 9 ; Marc, xiii, 9 ; Luc, xxi, 12 ; cf. Act., iv, 3 ; v, 18, 27, 41 ; vi, 12 ; vii, 58 ; viii, 1 ; ix, 2 ; xii, l, 2 ; xiii, 50, etc. ; la prédication de l’Évangile dans le monde entier, Matth., xxiv, 14 ; Marc, xiii, 10 ; avant la ruine de Jérusalem, les Apôtres se dispersèrent en effet à travers le monde et y prêchèrent Jésus-Christ ; les Actes mentionnent spécialement les missions de saint Paul en Asie Mineure et en Grèce, et enfin sa prédication à Rome, Act., xxviii, 30, 31 ; l’abomination de la désolation dans le lieu saint, Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14, c’est-à-dire la présence autour de la ville sainte, Luc, xxi, 20, et dans Jérusalem même" des aigles idolâtriques de l’armée romaine, ce qui eut lieu quand Cestius Gallus, à la tête d’une armée de vingt-cinq à trente mille hommes, occupa à Jérusalem le quartier de Bézétha, puis hésita à donner l’assaut et se retira, Josèphe, Bell, jud., II, xix, 4-6 ; voir Abomination de la désolation, t. i, col. 70-