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JÉSUS-CHRIST


enseignement si substantiel et si élevé. Sans nul doute, le Sauveur qui était né Juif vivait suivant les usages de sa nation, parlait la langue de son pajs, prêchait dans un milieu tout israélite et exerçait son ministère dans un cadre palestinien, au sein d’une nature qui a sa physionomie originale et très nettement caractérisée. Il fallait qu’il s’imposât tout d’abord aux hommes de son temps. Aussi ceux qui parlaient sa langue et vivaient de sa vie devaient-ils trouver à son enseignement un charme et une saveur qu’il n’a pas été permis aux autres hommes de goûter. Luc, iv, 22. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, scientifiques et littéraires, trad. Bernhardt, Paris, 1858, p. 149-152. Un caractère trop impersonnel eût été un obstacle au succès de la doctrine auprès des contemporains qu’il fallait gagner les premiers. Néanmoins, indépendamment de cet intérêt particulier que la parole du divin Maître devait avoir pour ses compatriotes, elle garde pour tous les hommes de tous les temps des charmes tels que les esprits les plus simples en ont l’intelligence et en gardent un souvenir vivifiant, tandis que les esprits cultivés s’y passionnent et n’en peuvent mesurer ni l'élévation, ni la profondeur. Cela tient en grande partie à la forme si claire et si familière que Notre-Seigneur a bien voulu donner à sa divine doctrine. L'Évangile, il est vrai, a ses obscurités. Les unes tiennent à notre propre ignorance des choses du temps où il a été prêché. Les autres sont voulues. Il y a certains enseignements qui ne sont pas destinés à tous, mais ne concernent que des âmes privilégiées. Notre-Seigneur en avertit alors ses auditeurs : « Qui a des oreilles pour entendre, entende. » Matth., xi, 15 ; xiii, 9, 43 ; Marc, IV, 9, 23 ; vii, 16 ; Luc, viii, 8 ; xiv, 35. « Tous ne comprennent pas cette parole, comprenne qui pourra. » Matth., xix, 11, 12. « Qui lit, comprenne. » Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14. Il ne suit nullement de là que NotreSeigneur ait eu une doctrine ésotérique, à la manière de certains philosophes de l’antiquité qui réservaient leur enseignement à quelques initiés. Le Sauveur parlait pour tous les hommes. S’il prenait parfois à part ses disciples pour leur expliquer ses paraboles ou leur faire des révélations que la masse du peuple n'était pas alors en état de porter, ce n'était pas pour qu’ils fissent de ces vérités un trésor caché. « Ce que vous avez entendu à l’oreille, prêchez-le sur les toits, » Matth., x, 27, leur commandait le divin Maître. Aussi peut-il dire en toute vérité au grandprêtre : k J’ai parlé publiquement au monde, j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le Temple où tousse réunissent, je n’ai rien dit en secret. » Joa., xviii, 20. D’autre part, on n’a pas davantage le droit de conclure que tout ce qui a été dit par le Sauveur a été consigné dans les Évangiles. Rien n’autorise à le prétendre. Saint Jean, xx, 30 ; xxi, 25, dit positivement le contraire en ce qui concerne ses actes : il y a toute probabilité que cette affirmation doit s'étendre aussi aux paroles, et que si d’autres Évangélistes avaient été suscités par Dieu après les quatre premiers, ils auraient pu nous transmettre des discours du divin Maître qui resteront à jamais ignorés. Il ne faut donc pas s'étonner que certaines pensées et certaines prescriptions du divin Maitre ne nous soient parvenues que par voie de tradition. Cf. Curci, Lezioni sopra i quattro Evangeli, t. v, p. 173 ; Lescceur, JésusChrist, Paris, 1888, p. 31-48. — Sur les paroles attribuées à Notre-Seigneur et conservées en dehors des Évangiles canoniques, voir A. Resch, Agrapha, Leipzig, 1889 ; Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien, Leipzig, 1893 ; A<5f* 'Ihi<to3, Sayings of Our Lord discovered and ediied by B. P. Grenfell and A. S. Hunt, Londres, 1897 ; A. Harnack. Uber die jûngst entdekten Spr « cve/esM, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; Revue biblique, 1897, p. 501-515 ; 1898, p. 129 ; Batiffol, Les Logia du papyrus de Behnésa, dans le IV' Congres scient, internat, des catholiques, Fribourg, 1897, II » sect., p. 103117.

Enseignement par paraboles.

Ce qui par-dessus

tout rend l’enseignement de Notre-Seigneur éminemment concret, intelligible, populaire et attachant, c’est l’emploi qu’il fait de la parabole. Voir Parabole. Rien ne saisit mieux l’esprit que ce petit récit pittoresque, emprunté aux réalités ordinaires de la vie et, par comparaison, servant d’illustration aux idées supérieures. Les antiques peintures de la vallée du Nil nous expliquent, bien mieux que tous les textes, les mœurs des anciens Égyptiens Les paraboles jouent un rôle analogue par rapport aux doctrines évangéliques. Représentant des scènes qui se produisent sans cesse dans tous les pays, elles portent avec elles et leur propre explication et celle de la doctrine dont elles sont comme l’enveloppe. Ordinairement, ce sont des récits, d'étendue plus ou moins longue, dont la signification est ensuite transposée du fait raconté à l’idée qu’il s’agit de faire comprendre et retenir. Plus rarement le récit porte sa morale en luimême, sans qu’il soit besoin d’en faire l’application à un autre ordre d’idées. C’est le cas des paraboles du bon Samaritain, du riche insensé, du pauvre Lazare, du pharisien et du publicain. Les paraboles ne se lisent que dans les synoptiques ; saint Jean n’en transcrit aucune, bien que Notre-Seigneur en ait raconté plusieurs à Jérusalem même. On comprend que le quatrième Évangéliste, qui ne reproduit guère que les discussions dogmatiques du Sauveur avec les Juifs, ne soit pas revenu sur des enseignements plus populaires, déjà consignés dans les trois Évangiles antérieurs. Le nombre précis des paraboles est seulement de vingt-neuf, si l’on s’en tient aux paraboles proprement dites, en laissant de côté les allégories et les simples comparaisons.

1. Les paraboles évangéliques.

Elles se présentent en trois groupes bien distincts. — Premier groupe de paraboles. — Il comprend huit paraboles, se rapportant toutes au « royaume des cieux », par conséquent à la société nouvelle que Jésus-Christ travaille à fonder et qui, après la Pentecôte, deviendra l'Église. Ces paraboles sont les suivantes : 1° le semeur, Matth., xiii, 1-23 ; Marc, iv, 1-20 ; Luc, viii, 4-15, se rapportant au travail de la prédication évangélique plus ou moins fructueux, suivant les dispositions des âmes sur lesquelles il s’opère ; — 2° le froment et l’ivraie, Matth., xiii, 24-30, révélant l’effort tenté par la puissance du mal pour dénaturer l'œuvre du semeur ; — 3° le grain de sénevé, Matth., xiii, 31-32 ; Marc, iv, 30-32 ; Luc, xiii, 18-19, marquant le développement que prendra la société nouvelle ; — 4° le Jevain, Matth., xiii, 33 ; Luc, xiii, 20-21, symbolisant l’influence salutaire du « royaume des cieux » au milieu de l’humanité ; — 5° la semence qui croît d’elle-même, Marc, iv, 26-29, signifiant les progrès futurs de l'Église, par la seule grâce invisible de Dieu ; — 6° le trésor caché, Matth., xiii, 44, qui est la grâce du royaume des cieux à laquelle il faut tout sacrifier ; — 7° la perle précieuse, Matth., xiii, 45-46, dont la signification est la même ; — 8° enfin la seine, Matth., xiii, 47-49, qui indique dans l'Église le mélange des bons et des méchants, jusqu’au triage qui se fera au jugement. Ces paraboles sont assignées par saint Matthieu à la période du ministère public qui suivit le sermon sur la montagne.

Second groupe de paraboles. — Elles sont rapportées par saint Luc dans le récit du dernier voyage en Galilée et en Pérée. Elles portent sur les conditions requises pour faire partie du « royaume des cieux ». Yoici ces paraboles : 1° le bon Samaritain, Luc, x, 25-37, nécessité de la charité effective envers le prochain, même ennemi ; — 2° le serviteur sans miséricorde, Matth., xviii, 23-35, obligation de pardonner les injures ; — 3° l’hôte nocturne, Luc, xi, 5-8, efficacité de la prière instante adressée à Dieu ; — 4° le riche insensé, Luc, xii, 16-20, folie de celui qui ne songe qu'à l’acquisition des biens terrestres ; — 5° le figuier stérile, Luc, xiii, 6-9, résistance à la grâce ; — 6° les invités au festin, Luc, xiv, 16-24,