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JÉSUS-CHRIST


c’est la puissance de Dieu s’eierçant sur les âmes pour les éclairer, les racheter, les sanctifier et les sauver. Cette puissance n’agit pas sur les âmes comme elle agit dans le monde matériel, où tout lui obéit sans résistance possible ; elle réclame la foi, le consentement et le concours de ces âmes, dont elle respecte la liberté jusqu'à s’interdire de la léser, même pour assurer leur salut. Une royauté de cette nature ne peut donc s'établir que peu à peu, à mesure que les âmes mieux éclairées lui donnent leur adhésion. Aussi, quand NotreSeigneur commence à prêcher l'Évangile, il ne dit pas : Voici le royaume de Dieu, mais : « Le royaume de Dieu approche. » Matth., IV, 17 ; x, 7 ; Marc, i, -15 ; Luc, x, 9, 10. Il n’y a pas de grandeurs temporelles à ambitionner dans ce royaume. Matth., xx, 21-28 ; Marc, X, 37-45. Ses sujets sont les pauvres, les persécutés, les obéissants, Matth., v, 3, 10, 19 ; Luc, vi, 20, ceux qui sont humbles et petits comme des enfants. Matth., xviii, 3 ; xix, 14 ; Marc, x, 14 ; Luc, xviii, 16. Ce ne sont pas des qualités passives que réclame le Sauveur, mais des vertus actives, le renoncement plus ou moins complet aux jouissances et aux richesses, Matth., xix, 12, 23, 24 ; Marc, x, 23, 24, et surtout l’accomplissement de la volonté du Père. Matth., vii, 21. C’est une nouvelle vie à laquelle il faut renaître. Joa., iii, 3, 5. Dans ces conditions, Notre-Seigneur peut dire : « Le rojaune de Dieu est au-dedans de vous, » èv-rôç û[iwv, Luc, xvii, 21 ; il réside dans les âmes, et un certain nombre d'âmes, disséminées au milieu du peuple d’Israël, ont déjà accueilli ce rojaume. Il faut le chercher avant toute autre chose. Matth., VI, 33 ; Luc, xii, 31. Depuis que JeanBaptiste a commencé à annoncer l’approche du règne de Dieu, de violentes oppositions se sont dressées contre lui, Matth., xi, 12 ; les scribes et les pharisiens, loin de l’accepter pour eux-mêmes, ont tout fait pour empêcher les autres de le reconnaître. Matth., xxiii, 13. Néanmoins il se propage. Il y a même des membres du sanhédrin qui l’attendent, Marc, xv, 43, et des scribes qui ne sont pas loin du royaume de Dieu, Marc, xii, 34, tandis que, par la pénitence et le changement de vie, les pécheurs, les publicains et les courtisanes y entrent de suite et en grandnombre. Matlh., xxi, 31 ; Luc, xiii, 29. Extérieurement, le règne de Dieu se manifeste par l’expulsion des démons, Matth., xii, 28 ; Luc, xi, 20, et par la prédication qu’en font les Apôtres et les disciples du Sauveur. Luc, ix, 2, 60. Voilà donc un royaume qui diffère radicalement du royaume de la terre, par son origine, Joa., xviii, 36, par ses moyens d’action, par son but. — 2. Le royaume de Dieu, par sa nature même, est un royaume toujours en formation. Il ne sera définitivement établi que quand le Sauveur aura complètement accompli sa mission. Luc, ix, 27. Mais sans cesse les disciples du Seigneur auront à répéter sur la terre : « Que votre règne arrive, » Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2, non seulement dans l’autre vie, mais en ce monde même, où le nom de Dieu doit être sanctifié et sa volonté accomplie comme au ciel. Pour mieux expliquer ce qu’il entend par ce royaume, Notre-Seigneur se sert de paraboles, dont il donne ensuite l’explication à ses Apôtres, parce que ceux-ci doivent être initiés aux « mystères du royaume des cieux », pour pouvoir travailler utilement à sa propagation. Matth., xiii, 11 ; Luc, viii, 10. L'élément constitutif de ce royaume spirituel, c’est la vérité, à laquelle Jésus est venu rendre témoignage, Joa., xviii, 37, et la grâce, qui donne aux âmes une vie surnaturelle. La vérité et la grâce sont comme une semence, qui ne produit que selon les dispositions des âmes qui la recueillent. Matth., xiii, 1-23. Quand cette semence est jetée, l’ennemi du bien, Satan, vient aussi jeter la sienne, d’où mélange de bons et de mauvais dans le royaume des cieux ; le triage des uns et des autres ne se fera utilement qu'à la moisson, au jugement. Matth., xiii, 24-30 ; Marc, iv, 26-29. Le royaume des cieux,

d’abord semblable à une petite graine, doit se dévelop- 1 per et devenir un grand arbre. C’est aussi un levain qui exerce son action sur toute la pâte. Matth., xiii, 31 35. Ces comparaisons sur le royaume des cieux donnent l’idée d’une société animée par un souffle divin, destinée à comprendre dans son sein toute l’humanité, renfermant par conséquent un mélange d'âmes bonnes et mauvaises, et se développant d’une manière continuelle, puisque chaque génération humaine lui fournit un nouveau contingent à conquérir. Bien que spirituel, ce royaume n’est pas invisible ; il doit brillera tous les veux comme la lampe placée sur le candélabre. Marc, iv, 21, 22 ; Luc, viii, 16, 17. Enfin, Notre-Seigneur donne à Pierre les clefs du royaume, Matth., xvi, 19, c’est-àdire la puissance à exercer dans ce royaume. Voir Clef, t. ii, col. 802, 803. Il ajoute que toutes les décisions de Pierre seront ratifiées dans les cieux, c’est-à-dire par Dieu lui-même. Le royaume des cieux ainsi décrit n’est autre que l'Église. Voir Église, t. ii, col. 1600. Les Juifs se croyaient tout droit à être les maîtres dans ce royaume : il leur sera ôté et passera à d’autres hommes qui sauront le faire fructifier. Matth., xxi, 43. La masse des Juifs aura d’ailleurs vis-à-vis de ce royaume une singulière attitude que le Sauveur caractérise prophétiquement dans plusieurs autres paraboles. La société religieuse issue de l’ancienne loi sera incapable d’apporter le moindre remède aux maux de la pauvre humanité blessée, comme le prêtre et le lévite qui passent sans s’arrêter devant la victime des brigands sur le chemin de Jéricho, Luc, x, 31, 32, comme le riche qui re&le insensible à la misère du malheureux Lazare. Luc, xi, 19-21. Appelés les premiers à prendre part au festin messianique, les Juifs dédaigneront de venir et se laisseront substituer les gentils, Luc, xiv, 17-24 ; Matth., xxii, 310, qu’ils mépriseront comme le pharisien méprisait le publicain, Luc, xviii, 11-14, et dont ils seront jaloux comme le fils aîné qui murmure de l’accueil fait par le père au jeune prodigue repentant, Luc, xv, 25-32, et comme les ouvriers de la première heure, qui se plaignent du salaire accordé aux derniers venus. Matth., xx, 9-15. Bien plus, comme les vignerons homicides, ils voudront accaparer pour eux-mêmes le rojaume des cieux et croiront y réussir en mettant à mort le Fils du Père qui vient pour le fonder. Matth., xxi, 37-40 ; Marc, xii, 1-9 ; Luc, xx, 13-16. Tous ces traits prophétiques se sont vérifiés au cours des temps, et, du vivant même des Apôtres, le rojaume des cieux n’a pas eu d’ennemis plus acharnés que les Juifs. Act., iv, 1-7 ; v, 17-24 ; vi, 1215 ; vii, 56-59 ; viii, 1 ; xii, 1-4 ; xiii, 45-50 ; xiv, 18 ; xvii, 5-8 ; xviii, 12 ; xxi, 26-36 ; xxiii, 12-21, etc. — 3. Le royaume des cieux établi sur la terre a son prolongement sans fin dans l’autre vie. Luc, xxiii, 42. C’est là en effet qu’après le triage, le bon grain sera recueilli. Matth., xiii, 30. Notre-Seigneur l’appelle le royaume de son Père, Matth., xxvi, 29 ; " Marc, xiv, 25 ; Luc, xxii, 16-18, et il y convie ses serviteurs fidèles. Luc, xxii, 29, 30. Ce sera le royaume définitif, dont celui de la terre n’est que la préparation, dont l’inauguration triomphale suivra le jugement final, Luc, xxi, 31, et qui deviendra la possession des vrais serviteurs de Dieu. Matth., xxv, 34.

La vie surnaturelle.

1. Ce n’est pas seulement

une société que Notre-Seigneur vient constituer, c’est une vie nouvelle qu’il communique aux âmes. « En lui est la vie, et cette vie est la lumière des hommes. » Joa, , I, 4. Il veut que par lui on ait la vie et que cette vie abonde. Joa., x, 10. Il ne s’agit évidemment pas de la vie naturelle, que les hommes possédaient avant sa venue et qui, après lui, n’a pas différé de ce qu’elle était auparavant. C’est une vie spirituelle, dans laquelle il faut entrer par une nouvelle naissance, Joa., iii, 3-8, et dont lui-même est la source, jaillissante jusqu'à la vie éternelle. Joa., iv, 13, 14. Pour obtenir cette vie, il est nécessaire d’avoir la foi en Jésus Christ, qui seul peut