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JÉSUS-CHRIST


avoir été beaucoup plus considérable. On comprend cette réserve du Sauveur. À Jérusalem, la prédication de l'Évangile ameutait contre elle tous les préjugés, toutes les passions et toutes les haines, par le fait même que Jésus-Christ ne répondait nullement à l’idée arbitraire et fausse que les docteurs juifs s'étaient faite du Messie. Même avec les membres du sanhédrin les mieux intentionnés, comme Nicodème, l’enseignement du divin Maître devait prendre un tour dogmatique et s'élever à une hauteur qui ne lui permettait plus de garder la forme simple et populaire indispensable à une doctrine destinée au monde entier et à tous les temps. Les docteurs de Jérusalem représentaient une élite intellectuelle et religieuse avec laquelle Notre-Seigneur devait compter, puisqu’il fallait que sa doctrine soutint l’assaut de toutes les forces de la raison humaine ; mais cette élite ne se retrouverait pas communément en face des prédicateurs de l'Évangile. Les simples et les ignorants formaient la grande masse de l’humanité : à eux convenait la doctrine du Sauveur telle qu’il la prêchait en Galilée. Il n'était donc pas nécessaire qu’il s’attardât dans des milieux cultivés comme Jérusalem ; il suffisait qu’il y parût et y expliquât clairement sa pensée. De plus, l’opposition des Juifs imposait à son enseignement une allure polémique dont ne s’accommodait guère la sérénité habituelle de l'Évangile. Enfin, et c’est là une raison de toute gravité, dès que NotreSeigneur commença à enseigner publiquement, les autorités religieuses de Jérusalem, se sentant incapables de lui tenir tête sur le terrain de la doctrine et des miracles, en vinrent de suite aux violences et aux tentatives de meurtre. Dans ces conditions, les séjours du Sauveur en Judée et à Jérusalem ne pouvaient être que rares et rapides. Encore n’y vint-il qu'à l'époque des grandes fêtes, quand les Galiléens s’y trouvaient en nombre, et chaque fois il opéra un grand miracle qui, en lui conciliant la faveur d’une bonne partie de la population, lui fit rencontrer en elle une protection contre les menées de ses ennemis. L’irrésistible puissance de sa volonté, maîtresse des hommes et des événements, se servait de ces précautions naturelles pour arriver à ses fins. Cf. Azibert, Étude historique sur les huit derniers mois de la vie publique de N.S., Paris, 1895.

V. Sa manière de vivre.

Un certain nombre de traits épars dans les récits évangéliques permettent de se faire quelque idée des relations habituelles et de la vie journalière de Notre-Seigneur pendant le cours de son ministère public, au moins en Galilée.

I. ses DELATIONS.

Avec sa mère.

Marie n’apparaît que rarement. 1. Aux noces de Cana, elle intervient

pour avertir son divin Fils que le vin va manquer. Jésus lui fait entendre qu’il agira au moment opportun et l’appelle « femme », terme qui n’a rien que d’honorable en hébreu, et dont il se servira encore au Calvaire. Joa., xix, 26. Elle comprend si bien sa pensée qu’elle recommande aux serviteurs de faire tout ce qu’il leur dira. Joa., ii, 1-11. L’attitude du Sauveur est ici pleine de déférence pour sa mère. Voir J. Bourlier, Les paroles de Jésus à Cana, dans la Revue biblique, 1897, p. 405-422. — 2. Quelque temps après le sermon sur la montagne, un jour que Notre-Seigneur venait de répondre aux pharisiens qui l’accusaient de chasser les démons par Béelzébub, une femme s'écria dans la foule : « Heureuses les entrailles qui vous ont porté, les mamelles qui vous ont allaité ! » A cette évocation du souvenir de sa mère, Jésus répondit : « Bien plus heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent ! » ajoutant ainsi à la louange de celle qui était sa mère par nature l'éloge plus délicat de celle qui, entre tous ses auditeurs, comprenait et gardait le mieux sa parole. Luc, xi, 27, 28. — 3. Le mêmejour, pendant qu’il enseignait à l’intérieur d’une maison, on lui dit : « Voici dehors votre mère et vos frères qui vous cherchent. »

II reprit, en désignant ses disciples qui l'écoutaient : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la pratiquent. » Matth., xii, 46-50 ; Marc, iii, 31-35 ; Luc, viii, 19-21. Cette seconde maternité appartenait encore à Marie plus qu'à tout autre. La sainte Vierge n’apparaît plus dans l'Évangile jusqu’au jour de la passion du Sauveur. Il est probable qu’elle accompagnait habituellement son divin fils, quand il cheminait avec ses disciples et les saintes femmes. Aux grandes fêtes, elle ne dut pas manquer de le suivre à Jérusalem. Voir Marie, mère de Jésus.

Avec ses parents.

Le Sauveur avait à Nazareth

des cousins qui sont appelés ses « frères », voir Frères, t. ii, col. 2403-2405, et des cousines qui sont appelées ses « sœurs *. Matth., un, 55, 56 ; Marc, vi, 3. À part Jacques le Mineur, Simon et Jude, qu’il s'était attaches en qualité d’apôtres, la plupart de ses autres parents ne paraissent guère avoir compris sa mission. Un jour que, dans une maison, il était entouré d’une telle foule qu’il ne pouvait sortir pour prendre son repas, les siens vinrent le prendre en disant très irrespectueusement : « Vraiment, il est fou ! » Marc, iii, 21. À Nazareth, on ne les vit pas prendre parti pour le Sauveur méconnu et maltraité. Luc, iv, 28, 29 ; Matth., xiii, 57 ; Marc, vi, 3. Avant la fête des Tabernacles, ils lui conseillèrent d’aller en Judée pour se manifester et opérer ses prodiges, au lieu d’agir en cachette, c’est-à-dire en Galilée, loin du centre intellectuel et religieux qui pouvait consacrer la réputation d’un homme. Il est vrai qu'à la Pâque précédente le Sauveur n'était pas monté à Jérusalem. Joa., vu, 1. Saint Jean remarque que « ses frères ne croyaient pas en lui », ce qui signifie que, tout en reconnaissant la réalité de ses miracles et la célébrité que lui valait son enseignement, ils ne le regardaient ni comme Messie, ni comme Fils de Dieu. Joa., vii, 2-7.

Avec ses Apôtres.

Notre-Seigneur les choisit luimême et travailla à leur formation. Ce choix n’eut lieu

qu’au bout d’une année, après la seconde Pàque ; jusquelà, les futurs Apôtres restèrent au rang des disciples. Voir Disciples, t. ii, col. 1440. Ils accompagnaient partout le divin Maître, et, outre les enseignements communs à tous, ils reçurent souvent des instructions ou des explications particulières. Matth., xiii, 10, 36 ; Marc, vu, 17 ; ix, 27, etc. Voir Apôtre, t i, col. 784. NotreSeigneur eut parfois à souffrir de la lenteur de leur esprit, Matth., xv, 17 ; xvi, 9, 11 ; Marc, vi, 52 ; vii, 18 ; vm, 17, 21 ; Luc, xviii, 34, et même de leur indiscrétion. Matth., xvi, 22, 23 ; xx, 20-22 ; Marc, viii, 32, 33 ; x, 35-39. 4° Avec les saintes femmes.

À partir de la seconde

année de son ministère public, Notre-Seigneur fut accompagné dans ses courses apostoliques par de saintes femmes, Marie-Madeleine, Jeanne, femme de Chusa, intendant d’Hérode, Susanne, « et beaucoup d’autres, qui le servaient avec leurs propres ressources. » Luc, vm, 1-3. Leur rôle était donc bien déterminé ; pendant que le Sauveur et ses Apôtres parcouraient la Galilée, sans pouvoir songer ni au gîte, ni à la nourriture, ces femmes dévouées pourvoyaient à tout à leurs propres dépens, avec une charité aussi discrète que généreuse. Parmi celles que ne nomme pas saint Luc, il faut sans doute ranger en première ligne la Vierge Marie. À Marie de Béthanie se joignait aussi sa sœur Marthe. Pendant le dernier voyage de Galilée, les deux sœurs donnèrent l’hospitalité au Sauveur et à ses Apôtres dans une maison qu’elles possédaient en ces parages. Luc, x, 38-42. En Judée, sur le chemin d'Éphrem à Jéricho, la mère des fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'était jointe au cortège du Sauveur. Matth., xx, 20, 21. Les saintes femmes se retrouveront pendant la passion et après la résurrection. 5° Avec les enfants.

Le Sauveur témoigne aux

enfants une prédilection marquée. Il aime à les bénir, Matth., xix, 13-15 ; Marc, x, 13-16 ; Luc, xviii, 15-17, et à recommander qu’on les imite et qu’on les respecte