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JÉSUS-CHRIST


préside au retour des exilés, est le petit-fils ou le petit-neveu du roi de Juda, Jéchonias, I Par., iii, 19 ; Matth., i, 12 ; il est réellement le chef de la nation, quoiqu’il ne soit qu’un simple gouverneur de province sous l’autorité du roi de Perse. Néhémie, qui vient ensuite, appartient vraisemblablement à la tribu de Juda, mais n’exerce qu’un pouvoir subordonné. Près de trois siècles plus tard, les Machabees régnent plus réellement pendant environ l’espace d’un siècle, mais ils sont de la tribu de Lévi. Enfin, en l’an 40, un étranger iduméen, Hérode, reçoit du sénat romain le titre de roi de Judée. Peu de temps après, le peuple juif achève de perdre son indépendance et cesse pour toujours de former un corps de nation. C’est à ce moment-là même que Jésus-Christ, fils de David, de la tribu de Juda, prend spirituellement, et pour toute la suite des siècles, le sceptre de son ancêtre. Les Juifs, avec les fausses idées qu’ils se faisaient d’un Messie conquérant, n’avaient pas compris la prophétie de Jacob dans son sens véritable. Ils n’en attendaient pas moins le Messie vers l’époque où il est venu en effet. — 2. La prophétie de Daniel, ix, 20-27, avait beaucoup plus de précision. Avant l’événement, il est vrai, elle pouvait prêter à quelque hésitation, mais cette hésitation se limitait à un champ très restreint. Si l’année exacte de l’apparition du Messie ne pouvait être déterminée, l’époque générale pouvait l’être avec certitude, à sept ou huit années près. Voir Daniel, t. ii, col. 1277-1282, et Revue biblique, 1892, p. 65-79 ; 1893, p. 439-440.

Les derniers livres inspirés.

Sans rien ajouter

d’essentiel aux anciennes révélations des prophètes, ces livres s’y référaient cependant et entretenaient ainsi la foi au Messie attendu. L’auteur de l’Ecclésiastique ne parle pas expressément de celui que l’on espère ; mais il est facile de reconnaître l’expression de l’attente générale dans les paroles de sa prière : « Renouvelez les prodiges, reproduisez les merveilles… Brisez la tête des chefs ennemis qui disent : Il n’y en a pas d’autre que nous ! Rassemblez toutes les tribus de Jacob… Remplissez Sion de vos oracles ineffables et votre peuple de votre gloire. Rendez témoignage à ceux qui sont vos créatures depuis le commencement et réveillez les prédictions publiées en votre nom ! » Eccli., xxxvi, 6-17. Il y a là un appel à l’intervention de Dieu de qui Israël attend la délivrance, comme l’ont promis les anciens prophètes. — Dans le livre de la Sagesse, la notion de la Sagesse personnelle s’inspire de la définition des Proverbes, vin, 22, et fait déjà pressentir le Logos de saint Jean. Sap., vii, 24-29. Mais surtout l’auteur sacré trace, des persécutions et de la mort du Juste, un tableau presque évangélique, qui montre le dessein de la Providence de ne pas laisser perdre de vue l’idée d’un Messie souffrant : « Que notre force soit la loi de la justice : ce qui est faible ne semble bon à rien. Traquons donc le juste, puisqu’il nous est inutile, qu’il est opposé à notre manière d’agir, nous reproche de violer la loi et nous fait honte avec les fautes de notre conduite. Il prétend posséder la science de Dieu et même s’appelle fils de Dieu. Il se fait le révélateur de nos pensées. Sa vue même nous est insupportable, parce que sa vie n’est pas comme celle des autres et qu’il se conduit tout autrement. Nous passons à ses yeux pour des êtres futiles, il s’abstient de notre manière de vivre comme d’une immoralité, préconise la fin des justes et se vante d’avoir Dieu pour père. Voyons donc si ce qu’il dit est vrai ; faisons l’épreuve de ce qui lui arrivera et nous verrons bien comment il finira. S’il est vraiment fils de Dieu, Dieu prendra sa défense et l’arrachera aux mains de ses adversaires. Infligeons-lui les outrages et les tourments, nous nous rendrons compte de sa constance et nous constaterons sa patience. Condamnons-le à la mort la plus honteuse ; on verra alors ce qu’il faut penser de ses discours. » Sap.* ii, 11-20. C’est, tracé au vif, tout le

programme des Juifs qui ont condamné et mis à mort leur Messie.

Les apocryphes juifs. — En dehors des livres inspirés, l’idée messianique se retrouve dans les écrits juifs ou d’inspiration juive dont la composition précède ou suit de près l’époque évangélique. Mais cette idée est complexe. Elle comprend un certain nombre de notions qui, de fait, se rattachent étroitement à l’œuvre messianique, et sont également formulées dans le Nouveau Testament. — 1. Des troubles et des désordres de toutes sortes se manifesteront d’abord dans le monde physique, le monde social et le monde moral. Apoc. Baruch., 70, 2-8 ; IV Esd., vi, 24 ; ix, 1-12, xiii, 29-31 ; Mischna Sota, ix, 15. Ces idées semblent s’appuyer sur Osée, un, 13, et Dan., xii, 1 (hébreu) : « Ce sera une époque de détresse telle qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe des nations jusque maintenant. » — 2. Elie apparaîtra ensuite comme précurseur. Eduioth, viii, 7 ; Baba mezia, i, 8 ; ii, 8 ; iii, 4, 5. Il est fait allusion à ce rôle d’Élie dans le Nouveau Testament. Matth., xvii, 10-12 ; Marc, ix, 10-12 ; Joa., i, 21-25. Voir Eue, t. ii, col. 1675-1676.

— 3. Alors viendra le Messie, pour remporter la victoire sur les puissances ennemies. Orac. Sybil., iii, 652-656 ; Psalm. Salom., xvii, 24-41 ; Philon, De prsemiu et pœnis, 16. On l’appelle « oint », ou « messie », Henoch, xlviii, 10 ; lii, 4 ; Apoc. Baruch., xxix, 3 ; xxx, 1, etc. ; Psalm. Salom., xvii, 36 ; xviii, 6, 8 ; Beracholh., i, 5 ; Sota, ix, 15 ; « fils de l’homme, » Henoch, xlvi, 1-4 ; xlviii, 2 ; lxix, 26, 27, etc. ; « élu, » Henoch, xlv, 3, 4 ; xlix, 2 ; li, 3, 5, etc. ; cf. Luc., xxiii, 35 ; « fils de Dieu, » Henoch, cv, 2 ; IV Esd., vii, 28, 29 ; xiii, 32, 37, 52 ; xiv, 9 ; « fils de David, » Psal. Salom., xvii, 5-23 ; IV Esd., xii, 32. En tous ces passages, il est nettement question d’un être individuel, d’un personnage qui sera un « roi saint », àyvbç ava£, venant fonder sur la terre un royaume immortel. Orac. Sybil., iii, 48-50, 652-656. Les livres juifs sont formels sur la personnalité du Messie. Ce n’est donc ni sur leurs interprétations, ni sur l’exégèse impartiale des textes bibliques qu’on peut s’appuyer pour soutenir que le « messie », le « fils de l’homme », etc., ne désignaient pour les auteurs sacrés que la nationalité israélite prise, collectivement. Cf. Daniel, t. ii, col. 1273 ; Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1890, t. ii, 1 « part., p. 595-598. On croyait d’ailleurs que le Messie apparaîtrait subitement, sans qu’on sût d’où il venait. Joa., vii, 27. Quant à l’idée d’un Messie souffrant, on ne la trouve que très exceptionnellement chez les auteurs juifs, et encore dans des écrits postérieurs à la prédication évangélique. Sanhédrin, 936, 98 a. Dans saint Justin, Dxalog. cuni Tryph., 89, 90, t. vi, col. 690, Tryphon confesse que le Messie doit souffrir, ainsi qu’il est clairement annoncé dans les Écritures ; il conteste seulement qu’il puisse souffrir sur une croix. Mais on peut dire que, dans les temps immédiatement antérieurs à Jésus-Christ, pas plus que durant sa vie, les Juifs n’ont jamais accepté l’idée que leur Messie pût souffrir. Cf. Wunsche, Yssûrê ham-màSiah oder die Leiden des Messias, Leipzig, 1870.

— 4. Le combat définitif sera livré aux puissances ennemies. Orac. Sybil., iii, 663 ; IV Esd., xiii, 33 ; Henoch, xc, 16. L’ennemi spécial du Messie doit être l’Antéchrist, Apoc. Baruch., 40, l’Armilus du Talmud. Buxtorf, Lexic. on chald. et talm., col. 221-224. — 5. Ces puissances seront anéanties. Assumptio Mosis, x ; Apoc. Baruch., xxxix, 7-xl, 2 ; lxxii, 2-6 ; IV Esd., xii, 32, 33 ; xiii, 37, 28, 35-38. — 6. Jérusalem sera renouvelée. Ce point de vue a sa raison d’être dans les anciennes prophéties. Is., uv, lx ; Ezech., xl-xl viii, Agg., ii, 7-9 ; Zach., ii, 617 (Vulgate, 1-13) ; cf. Apoc. Baruch., IV, 2-6 ; IV Esd., x, 44-59. Henoch, lui, 6 ; xc, 28, 29. — 7. Les dispersés d’Israël seront rassemblés. Psal. Salom., xi ; xvii, 34 ; IV Esd., xiii, 37-49. Cf. S. Jérôme, In Joël., iii, 7, t. xxv, col. 982. — 8. La Palestine sera le centre du grand