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4407 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

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tiles, fussent-elles oiseuses. L’étude des sources véritables de la théologie : Écriture Sainte, Pères et Conciles, était manitestement insuffisante. Pierre d’Ailly, Gerson, Nicolas de Clémangis avaient bien prolesté, mais sans résultat appréciable. Un siècle après eux, Jean Major subissait encore la tyrannie de la routine. Devant l’hérésie menaçante, il fallut bien réformer l’enseignement et rendre à l’exégèse la place qu’elle avait perdue dans les études théologiques. Jean Clichtoue donna le branle qui fut suivi par Jean Gagnée, Jean Arborée et d’autres. Mais la méthode restait encore imparfaite. — Ce fut alors que Maldonat commença ses leçons au collège de Clermont, à Paris. Durant son premier cours, de 1565 à 1569, les Sentences restèrent encore la base <Je son enseignement, mais il suivait le texte assez librement et ne traitait pas les questions de la même manière que les autres. Il établissait les propositions qu’il jugeait véritables par des preuves tirées de l’Écriture, des Pères, des Conciles et des actes du saint-siège. Il se proposait constamment de réfuter le calvinisme. Dans son second cours, c’est-à-dire à partir de 1570, il abandonna les Sentences et exposa la théologie sur un plan nouveau dont toute la faculté subit l’heureuse influence. Cette’méthode devait bientôt recevoir sa consécration dans l’ouvrage du P. Petau sur les dogmes théologiques. Cf. J.-M. Prat, Maldonat et l’Université de Pans, au XVIe siècle, Paris, 1856 ; surtout livre II, chap. i et îv ; livre IV, ch. m ; Crevier, Histoire de l’université de Paris depuis ses origines jusqu’à l’année 1600, 1 in-8°, Paris, 1761, t. iii, p. 181. Dans un discours prononcé le 9 octobre 1571, à l’occasion de l’ouverture des cours, Maldonat s’explique lui-même sur la part qu’un étudiant en théologie doit faire à l’Écriture Sainte : « L’Écriture étant la principale des sources théologiques, pourrions-nous mieux commencer notre travail matin et soir qu’en exploitant ses richesses ? À mon sens, ceux qui laissent de côté l’Écri r ture, pour s’adonner exclusivement à l’étude de je ne sais quels auteurs, ne sont pas des théologiens. Ceux qui ne lui consacrent que la moindre et la dernière partie de leur temps, appelez-les théologiens, s’ils y tiennent ; pour moi, ce ne sont que des théologiens mal avisés et sans méthode. Voulez-vous suivre mon conseil 1 Une fois vos exercices de dévotion achevés, consacrez la première heure du matin à lire le Nouveau Testament, et la première du soir à lire l’Ancien. Si vous savez l’hébreu et le grec, lisez-les respectivement en hébreu et en grec. Vous y gagnerez du même coup d’acquérir des notions historiques et théologiques, et d’entretenir des connaissances linguistiques. Le reste de votre temps, employez-le à suivre les cours, à les repasser, à prendre vos notes, à disputer, à lire les auteurs, à rédiger des dissertations sur des points particuliers. Ces divers exercices renferment tout le programme de votre formation théologique. » Maldonah Opéra var. theol., Paris, 1677, t. i, p. 26-27.

III. LE CONCILE DE TRENTE ET LA CORRECTION DB

LA VULGATE. — Le concile de Trente donna une si heureuse impulsion aux études scripturaires que le siècle d’après marque parmi les plus brillantes époques de l’exégèse. Les jésuites comptèrent six des leurs parmi les théologiens de l’illustre assemblée. Cependant le P. Le Jay eut seul une part active à la préparation de cette quatrième session où on déclara l’authenticité de la Vulgate (18 avril 1546). Il était arrivé à Trente dès le commencement de décembre 1515, en qualité de procureur du cardinal Othon Truchsess, évêque d’Augsbourg. Lainez, Salmeron, Covillon, Canisius et Polanco ne vinrent que plus tard.

Le plus considérable des travaux bibliques exécutés au XVIe siècle est sans contredit l’édition corrigée de la Vulgate que le concile avait décidée dans son décret Insuper (Concil. Trid., sess. IV). On sait que cet important objet a occupé, avec plus ou moins d’activité, les ponti ficats de Pie IV, saint Pie V, Grégoire XIII, Sixte V, Urbain VII, Grégoire XIV, Innocent IX et Clément VIII (1559-1592). Dans la commission instituée par Pie IV et présidée plus tard par le cardinal Ant. Carafa, celle-là même qui, en 1587, édita l’Ancien Testament d’après les Septante, par manière de prélude à l’édition de la Vulgate, on voit figurer, à des moments divers, les PP. Emmanuel Sa, François Tolet et Robert Bellarmin. Voir le P. Couderc, S. i., Le vénérable cardinal Bellarmin, 2 in-8°, Paris, 1893. Grégoire XIII voulait leur adjoindre le P. Maldonat, mais celui-ci mourut à Rome, peu de jours après son arrivée (1583). Quand, sous le pontificat de Sixte V, le travail de revision fut mené avec le désir arrêté d’aboutir au plus tôt (1585-1590), François Tolet résidait au Vatican, où il fut pendant vingt-deux ans prédicateur pontifical, avant d’être élevé au cardinalat, ce qui n’eut lieu que sous Clément VIII (1593). Le pape avoua un jour à l’ambassadeur de Venise, Badoer, qu’il faisait lui-même ce travail de correction définitive et qu’il soumettait chaque feuillet, une fois terminé, au P. Tolet et à quelques augustins très forts en ces matières. Ceux-ci les revoyaient et les expédiaient ensuite à l’imprimerie. Devant les vues personnelles et inflexibles de Sixte V, le rôle des reviseurs se bornait le plus souvent à laisser passer. C’est bien ce que donne à entendre, en des termes manifestement exagérés, Olivarès, l’ambassadeur d’Espagne, quand il écrit à son maître Philippe II, le 7 mai 1590 : « Tolet pense que cette édition profitera plus aux hérétiques qu’aux fidèles. »

Il ne semble pas que Bellarmin se soit associé aux travaux de la première commission avant son retour du voyage qu’il fit en France, à la suite du légat Gætani, c’est-à-dire avant 1590. Douze ans plus tard (1602), dans une lettre à Clément VIII. il nous fait connaître son jugement sur l’œuvre et la méthode de Sixte V. « Votre Béatitude sait à quel danger Sixte V s’exposa lui-même et toute l’Église, lorsqu’il entreprit la correction des Saints Livres d’après les lumières de sa science particulière ; et je ne sais vraiment pas si jamais l’Église a couru un plus grand danger. » Tout le monde sait la part qu’eut Bellarmin dans la résolution prise par Grégoire XIV, en 1591, de mettre au pilon l’édition sixtine, parue l’année précédente, d’en retirer les quelques exemplaires déjà en circulation, et de reprendre à nouveau tout ce travail de revision. Il fut l’âme de la nouvelle commission constituée à cet effet, et qui, dans la villa de Zagarolo, sous’la présidence du cardinal Marc-Antoine Colonna, mena si rapidement le travail à bonne fin. Il était achevé vers le commencement d’octobre 1591 ; mais le 14 de ce même mois, Grégoire XIV venait à mourir. Clément VIII, élu le 30 janvier 1592, devait avoir la gloire de publier la correction définitive de la Vulgate. A cette fin il nomma un comité suprême, dont l’avis devait être sans appel ; il se composait des cardinaux Valier, Borromée et du P. Tolet. « Ceux-ci lui laissèrent tout le poids et la responsabilité de cetle affaire. Tolet avec son esprit juste et précis, son érudition vaste et sûre, sa science de la théologie et de l’exégèse, était, sans contredit, le plus capable de la conduire à bonne fin. » F. Prat, La Bible de Sixte V, dans les Études religieuses, t. l, p. 565 ; t. li, 1890, p. 35,. 205. Voici le billet du pape qui donnait à Tolet plein pouvoir en cette matière : « Clément VIII, pape. — Nous ordonnons d’imprimer cette édition de la Bible, d’après les corrections indiquées par la congrégation, Nous en remettant au jugement du P. François Tolet, de la Compagnie de Jésus, à qui Nous déléguons, à cet effet, Notre autorité. Pour la correction typographique, Nous la confions à la fidélité et au savoir du F. Ange Rocca, de l’ordre de Saint-Augustin. » C’est dans ces conditions que l’édition définitive de la Vulgate, dite Sixto-Clémentine, parut le 9 novembre 1592. Sa Præfatio ad lectorem, qui est de Bellarmin, confesse loyalement