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GAZER

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place importante, et sa découverte de nos jours a été’l’une des plus intéressantes dans le domaine de la géographie biblique.

I. Nom.

Le nom hébreu Gézér se rattache à la racine ^gâzar, « couper. » On peut, avec F. Mûhlau et W. Volck, W. Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1890, p. 154, lui’donner le sens de « lieu coupé ou taillé à pic », qui convient bien à la colline ou tell dont nous parlons plus bas comme représentant l’ancienne ville. Quoi qu’il en soit de l’élymologie, c’est un fait remarquable que le nom a subsisté exactement sous la même forme depuis les origines les plus reculées jusqu’à nos jours. Il est écrit Gaz-ri, Ga-az-ri sur les tablettes de Tell el-Amarna, 163, 22 ; 177, 21 ; 180, 14 ; 183, 8 ; 204-206 ; 239, 43. Cf.H. Winckler, Die Thontafeln vonTellel-Amarna, Berlin, 1896, p. 288, 300, 306, 312, 328, 354. Sur la liste de Thotmès III, il occupe le

n° 104, avec la transcription : À ^ ^ï « =>, Qazir, j %. ^1 JkS, Qa-zirr. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, . p. 41 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmos III qu’on peut rapporter- à la Judée, extrait des Transactions of the Victoria Instituts, or philosophical Society of Great Britain, Londres, 1888, p. 16 ; W. Max Miiller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmàlern, Leipzig, 1893, p. 160. On l’a retrouvé sur une stèle de Ménéphtah, découverte en 1896 par Flinders Pétrie. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. ii, 1897, p. 436. La forme Gazer est devenue TaÇipa à l’époque des Machabées. C’est celle qu’on rencontre dans Josèphe, Ant. jud., VII, iv, 1 ; xil, 1 ; VIII, vi, 1 ; XIII, i, 3 ; îx, 2, bien qu’on lise TaSôpa, Ant. jud., . V, . I, 22, comme TaSapi ; dans Strabon, xvi, 759. Au temps d’Eusèbe etde saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue,

1870, p. 127, 244, le même nom de Gazara, TaÇâpot, existait encore. Sous les croisés, il fut transformé en Gisart, Mont Gisart, Mont Gissart, Mongisart, Mons Gisardus.Cî. Ch. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, 1. 1, p. 351-391. Enfin, depuis les anciens historiens musulmans jusqu’à nos jours, la

dénomination arabe.j^. Jpî, tell (colline de) Djézer, a maintenu l’exacte reproduction de l’hébreu. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 543, 600 ; G. Kampffmeyer, Alte Namen im heutigen Palàstina und Syrien, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 32.

H. Situation et description. — Voici les renseignements que nous fournissent la Bible et les autres documents historiques sur l’emplacement de Gazer. C’était une ville de la Palestine méridionale : dans l’énumération des cités royales prises par Josué, elle est mentionnée après Lachis et Églon, Jos., XII, 11, 12, de même que les tablettes de Tell el-Amarna en parlent avec Ascalon et Lachis. Cf. H. Winckler, Thontafeln von Tell el-Amarna, p. 307. Elle se trouvait, d’après Josèphe, Ant. jud., VII, iv, 1, à l’extrémité du pays philistin, et, d’après I Mach., xiv, 34, à la frontière du territoire d’Azot. Elle formait la pointe sud-ouest de la tribu d’Éphraïm, à l’ouest de Béthoron inférieur (Beit l Ur et-Tahta). Jos., xvi, 3. Voir Éphraïm 2, t. ii, col. 1874. Elle était à une journée de marche d’Adazer ou Adarsa (Khirbet Adaséh), localité située au nord de Jérusalem. I Mach., vii, 45. Enfin l’indication la plus précise nous est donnée par Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, p. 127, 244, qui nous disent que, de leur temps, Gazer était encore un bourg, x<op.Yi, appelé TaÇâpa, à quatre milles (près de six kilomètres) au nord de Nicopolis (aujourd’hui’Amuâs). Malgré - ces renseignements, dont le dernier est si net, malgré toutes les recherches des explorateurs, l’identification de cette ville resta un problème jusqu’en

1871. En désespoir de cause, la plupart des commenta teurs, se raccrochant à une ressemblance superficielle .des noms, placèrent Gazer à Yazur, village situé au sud-est et tout près de Jaffa. Cf. R. J. Schwarz, Dos lieilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 58 ; K. von Raumer, Palàstina, Leipzig, 1850, p. 172 ; d’autres le placèrent à El-Qubâb, qui se trouve dans la direction indiquée par Eusèbe et à peu près à la distance voulue d’Amouas. Cf. Van de Velde, Menioir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 315.

Il était réservé à un savant français, M. Clermont-Ganneau, de découvrir le véritable site de Gazer. En lisant certain chroniqueur arabe de Jérusalem, Moudjir-ed-Din, il remarqua la relation d’un incident qui eut lieu en Palestine en l’an 900 de l’hégire. Il s’agissait d’une escarmouche entre un parti de Bédouins pillards et un gouverneur de Jérusalem en tournée dans le district de Ramléh. Les cris des combattants, qui se pourfendaient au village bien connu de Khoulda ou Khouldéh, étaient distinctement perçus à un autre village appelé Tell el-Djézer, « la colline de Djézer. » Ce dernier nom était le correspondant exact de l’hébreu Gézér, surtout si l’on prononce l’arabe à l’égyptienne : Guézer. Bien que toutes les cartes fussent muettes sur cet endroit, l’existence n’en était pas moins démontrée de la façon la plus positive et corroborée par l’assertion d’un géographe arabe du xme siècle de notre ère, Yakoùt, qui cite ce Tell el-Djézer comme une place forte du district de Falestin, c’est-à-dire de Ramléh. Étant à portée de voix de Khoulda, il ne pouvait en être bien éloigné. M. Clermont-Ganneau, suivant cette piste sur le terrain, découvrit Gazer à environ cinq kilomètres au nord de Khoulda, tout près d’un’village figurant sur les cartes sous le nom &’Abou-Schauschéh. Il y constata l’emplacement d’une grande cité, présentant tous les caractères d’une ville forte et répondant à toutes les conditions requises. Cependant, le nom de ce Tell el-Djézer, conservé partous les habitants d’Abou-Shouschéh, qui en fait partie, était inconnu aux gens de Khoulda, leurs voisins. Cf. Ch. Clermont-Ganneau, La Palestine inconnue, in-18, Paris, 1876, p. 14-23. , Cette découverte, déjà solidement appuyée, demandait le renfort de quelque bon argument épigraphique, par exemple d’une inscription in situ contenant le nom de la ville. Quelques années plus tard, le savant explorateur eut la bonne fortune de trouver, sur l’emplacement même qu’il avait assigné à Gazer, une série d’inscriptions décisives justifiant admirablement ses vues théoriques. En 1874, au cours d’une mission archéologique que lui avait confiée la société du Palestine Exploration Fund, il découvrit, gravée sur le rocher, à 800 mètreS environ droit à l’est de Tell el-Djézer, une première inscription bilingue, en grands caractères grecs et hébreux, contenant ces simples mots, singulièrement significatifs dans leur laconisme : ’AXxiou, ^ti nnr, « limite de Gézer, de Alkios. » Ce nom judéo-grec, Alkios, au génitif, est vraisemblablement celui du magistrat, civil ou religieux, qui avait présidé à l’établissement de cette limite officielle, vers l’époque des Machabées, à en juger par la paléographie des caractères. L’identité de Gazer et de Tell el-Djézer était donc un fait bien acquis. Ce n’était pas tout cependant ; et les nouvelles découvertes de l’éminent professeur, fruit d’ingénieuses suppositions, jettent un jour trop singulier sur cette ville et les autres cités lévitiques pour ne pas les rapporter ici.

Frappé de ce fait que ce jalon épigraphique était normalement orienté par rapport au tell, M. Clermont-Ganneau en conclut que la limite dont il s’agissait devait * être une limite enveloppant la ville, et non pas simplement une ligne de démarcation passant, par exemple, entre deux territoires contigus ; dans ce dernier cas, on s’attendrait, en effet, à avoir la mention du second territoire : « Limite de Gézer et de… » Comme il est ici