Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/716

Cette page n’a pas encore été corrigée
4377
1378
JÉRUSALEM


a fini par enfermer dans sa triple enceinte. Au moment où nous la quittons, elle a atteint des limites qu’elle ne dépassera plus au cours de sa longue histoire. La richesse de ses monuments fait revivre sa gloire d’autrefois, sous Salomon. À part le Temple, qui sera décrit en son lieu, nous avons essayé de la reconstituer à ses différents âges, dans ses lignes essentielles. Dans cet ensemble de collines, de maisons, de palais, bientôt un seul point fixera les regards du monde, d’un monde nouveau. Ce n’est pas le Temple, qui va disparaître pour toujours, mais un petit monticule entouré de jardins, près d’une des portes de la ville, le Golgotha. Marqué du sang de la Rédemption, il restera un instant enseveli sous les ruines de la cité déicide, mais pour ressusciter daus la gloire, comme Celui qui voulut y réaliser les figures de l’Ancien Testament et en faire le berceau de la Nouvelle Alliance.

III. Histoire.

Jérusalem tient une telle place dans la vie du peuple hébreu, que son histoire complète serait presque l’histoire du peuple lui-même. Nous n’avons à rappeler ici que les événements qui la concernent directement. Après avoir, dans les pages précédentes, résumé les principales phases de son passé au point de vue archéologique, il ne nous reste qu'à consigner les faits les plus mémorables qui se sont accomplis dans son sein. L’ordre que nous suivrons sera le même.

I. de l’omginb À la capti virÉ. — 1° Avant David. — A quelle époque et par qui fut fondée Jérusalem ? L’histoire ne nous le dit pas. Josèphe, Bell, jud., VI, x, en attribue la première origine à Melchisédech, qui, après y avoir dressé un autel, changea le nom primitif de Salem, SdXujioc, en celui de Jérusalem, 'IspoirtiAUjia, ou « la sainte Solyme ». Nous avons là, sans doute, l'écho d’une tradition ancienne, mais elle semble aussi fragile que l'étymologie qu’elle vient appuyer. Saint Jérôme, Epist. Lxxiii, t. xxii, col. 680, la rejette et soutient que la ville dont Melchisédech était roi se trouvait dans les environs de Scythopolis ou Bethsan (aujourd’hui Bétsâri). Il ne nie pas, cependant, que Jérusalem ait été anciennement appelée Salem. Cf. Epist. Lxxiri, t. xxii, col. 677. Un certain nombre d’exégètes partagent l’avis du saint docteur. D’autres pensent, malgré ces autorités, que le récit de la Genèse, xiv, 18, nous transporte bien à Jérusalem, sans pour cela en assigner la fondation à celui qui en était le prêtre-roi, à Melchisédech. Voir Salem. De l'époque d’Abraham à la conquête israélite, l'Écriture garde le silence sur la cité chananéenne. Une découverte très importante faite en Egypte, à Tell el-Amarna, en 1887, a en partie comblé cette lacune. Les lettres assyriennes qu’on y a trouvées nous montrent que, vers 1400 avant l'ère chrétienne, par conséquent avant l’exode des Hébreux, Urusalim comptait déjà parmi les principales villes du midi de la Palestine. Elle avait à ce moment pour gouverneur Abd-kiba, vassal du pharaon Amenhotep, de la dixhuitième dynastie. Le préfet se plaint auprès de son suzerain des incursions d’un certain peuple nommé les Jfabiri, peut-être les Hébreux, qui ont poussé l’audace jusqu'à assiéger Jérusalem. Il demande des secours avec instance. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, lettres 179-185, p. 302-315 ; H. Zimmern, Palûstina um dos Jahr 1400 vor Chr. nach neuen Quellen, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1890, t. xiii, p. 138-142 ; Fr. Hommel, Die altisrælitische Ueberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, Munich, 1897, p. 155-160. Jérusalem était donc alors, comme le pays de Chanaan, tributaire de l’Egypte, soumise au gouvernement égyptien. Cf. A. J. Delattre, Le pays de Chanaan, province de l’ancien empire égyptien, dans la Revue des Questions historiques, 1896, t. lx, p. 5-94. Voir Palestine.

Lorsque les Hébreux entrèrent dans la Terre Promise,

D1CT. DE LA BIBLE.

la ville qu’ils devaient rendre si célèbre était au pouvoir d’une peuplade chananéenne, les Jébuséens, et s’appelait Jébus. Voir Jébus, Jébuséens, col. 1208, 1209. Le roi était Adonisédech, » le seigneur de la justice, » dont le nom, par la forme et le sens, rappelle celui de Melchisédech, « roi de justice. » Effrayé de la prise de Jéricho, de Haï, de la défection des Gabaonites, sentant déjà la menace de l’invasion, ce prince voulut opposer une digue au torrent dévastateur. Il fit une alliance avec les rois d’Hébron, de Jérimoth, de Lachis et d’Eglon, et vint mettre le siège devant Gabaon, pour la châtier et tout à la fois empêcher les autres villes de suivre son exemple. Mais Josué, prévenu à temps, délivra les assiégés et mit à mort le chef de la ligue avec ses confédérés. Jos., x, 1-27 ; xii, 10. Malgré celle délaite, les Jébuséens défendirent valeureusement leur cité, qui échappa au pouvoir des Israélites et servit de limite aux deux tribus de Juda et de Benjamin. La ligne frontière passait, en effet, au sud, par la vallée de Hinnom, laissant la ville à la seconde de ces tribus. Jos., xv, 8, 63 ; xviii, 28. Voir Benjamin 4, et la carte, t. i, col. 1589. Cette circonstance explique comment les deux voisins se la disputèrent après la mort de Josué. Juda l’attaqua une fois avec succès, il s’en empara, passa les habitants au fil de l'épée et la livra aux flammes. Jud., i, 8. Cependant, les Jébuséens restèrent en possession de leur citadelle, sur la colline de Sion, et habitèrent avec les enfants de Benjamin. Jud., i, 21. Leur nombre même s’accrut tellement que Jérusalem pouvait être appelée « la ville d’une nation étrangère ». Jud., xix, 12.

Sous David.

La cité demeura donc entre les

mains des Jébuséens pendant tout le temps de la domination des Juges et durant le règne entier de Saûl. Mais David, devenu maître de tout Israël, voulut en faire sa capitale. Avec son coup d'œil de soldat et d’administrateur, il jugea tout de suite le parti qu’il pouvait tirer de cette place, qui, par sa position et ses avantages naturels, semblait désignée pour être le boulevard politique et religieux de la nation. Voir plus haut, col. 1320, 1321. C’est lui qui, en somme, peut être appelé le vrai fondateur de Jérusalem. Mais il fallait déloger les habitants de leur forteresse, et ce n'était pas chose facile. Ceux-ci avaient une telle confiance dans la force inexpugnable de Sion (voir plus haut Topographie ancienne, col. 1352), que, lorsqu’ils virent le jeune roi s’approcher avec une armée considérable, ils répondirent à son audace par une orgueilleuse moquerie : les aveugles et les boiteux suffiraient pour défendre les remparts. Ils se repentirent bientôt de leur insolence. David, irrité de cette insulte, opyiaOsi ;, dit Josèphe, Ant jud., VIII, m, 1, promit de nommer général en chef de toute l’armée celui qui, le premier, escaladerait la forteresse et terrasserait le Jébuséen. CefutJoab qui obtint la récompense. Sion tomba entre les mains de David, qui en fit sa résidence, sa « cité ». II Reg., v, 6-9 ; I Par., xi, 4-7. C’est la première fois qu’apparaît dans l’histoire ce nom mémorable de Sion, qui représentera bientôt et dans la suite des siècles la demeure de Dieu sur la terre.

Le premier soin du conquérant fut d’entourer sa ville, c’est-à-dire la colline sud-est, de solides murailles qui la reliaient à la citadelle. Mais l'événement qui marquait si heureusement les débuts du jeune prince eut son retentissement chez les peuples voisins. Iliram, roi de Tjr, envoya bientôt à David une ambassade, avec des bois de cèdre et des ouvriers pour lui bâtir un palais. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1. La demeure royale, élevée sur une des terrasses d’Ophel, devenait une nécessité pour recevoir la famille toujours croissante du fils d’Isaï. II Reg., v, 13-16 ; I Par., iii, 5-9 ; xiv, 3-7. Jérusalem était désormais la capitale du royaume de plus en nlus affermi ; elle allait devenir le centre religieux de la nation en recevant l’arche d’alliance. Le roi

III - 44