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JÉRÔME

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les particularités d’un idiome aussi éloigné de lui que l’hébreu, et l’on peut "dire que souvent la latinité de saint Jérôme a gardé très appréciable la marque de l’idiome hébraïque. S il est aisé aujourd’hui de relever dans la version de saint Jérôme des faiblesses et des inexactitudes, qui appellent la rectification, il serait injuste d’oublier qu’il fut le premier à ouvrir la voie, que l’œuvre qu’il entreprit était vraiment considérable et que les ressources dont il disposait ne peuvent pas entrer en comparaison avec celles que l’érudition contemporaine fournit à nos travaux.

II. commentaires.

Les traités de saint Jérôme sur l’Écriture se divisent en deux catégories, les commentaires originaux et quelques autres traduits d’Origène.

Commentaires originaux.

De 386 à 387, saint Jérôme

commenta plusieurs épîtres de saint Paul, celles aux Galates, aux Éphésiens, à Tite et à Philémon. — 1. Par son étendue et la profondeur de l’interprétation, le commentaire sur l’épître aux Galates est une des œuvres capitales de saint Jérôme. Ce fut l’explication assez étrange qu’il donne de la discussion de saint Paul avec saint Pierre, Gal., ii, 11-14, qui lui attira une vive polémique avec saint Augustin. Jérôme pense que la controverse entre les deux apôtres fut une scène concertée d’avance. Contre cette interprétation qui, en fait, est peu vraisemblable et n’a guère rallié de suffrages, l’évêque d’Hippone protesta vigoureusement. — 2. Le traité sur l’épître aux Éphésiens fut écrit très rapidement, et saint Jérôme nous apprend qu’il lui arriva parfois d’aboutir à un total de mille lignes par jour ; inlerdum per singulos dies usque ad numerum mille versuum pervenire. Aussi relève-t-on, dans le commentaire, des défaillances de doctrine. Si, d’une part, saint Jérôme combat énergiquement, Eph., i, 4, l’opinion d’Origène sur la préexistence des âmes, de l’autre, il laisse passer sans critique un certain nombre de théories franchement origénistes. Cf. Eph., i, 21 ; v, 29, etc.

— 3. Très court et très hâtif est également le commentaire sur l’épître à Tite, qui fut de même composé en peu de temps. De ce commentaire le passage le plus célèbre est celui où saint Jérôme admet, à propos du ch. I, 5, qu’aux temps apostoliques les termes presbyter et episcopus ne désignaient qu’une seule et même dignité. Dans son étude sur {’Organisation des églises chrétiennes jusqu’au milieu du iiie siècle (Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1888, t. ii, p. 305), le P. De Smedt a examiné cette thèse de saint Jérôme. En rapprochant l’opinion exprimée dans le commentaire sur l’épître à Tite d’autres passages, surtout du Dialogus contra luciferianos, 9, t. xxiii, col. 164, 165, le P. De Smedt a pu conclure très justement que sur le point en question les idées de saint Jérôme n’étaient pas nettement arrêtées. — 4. Dans le commentaire sur l’épître à Philémon, saint Jérôme défend l’authenticité de cette épître que d’aucuns prétendaient insignifiante, trop restreintee d’intérêt trop minime pour être digne de l’Apôtre. La grande preuve d’authenticité qu’il donne est que Marcion lui-même a admis cette lettre ; quant aux preuves intrinsèques qu’il ajoute, elles sont assez faibles. — 5. En 389-390, saint Jérôme achève le commentaire sur l’Ecclésiaste, commencé à Rome sur les sollicitations de Blésilla. C’est le premier des commentaires bibliques sur l’Ancien Testament où saint Jérôme affirme son originalité et s’aflranchit des opinions des anciens exégetes. Sans s’attacher à aucune autre autorité, il traduit et explique, d’après le texte original, la version des Alexandrins, sauf dans le cas où elle s’éloigne trop du texte primitif. Rarement il a tenu compte des traducteurs grecs Aquila, Symmaque ou Théodotion. Sans doute, à cause de l’abus de l’explication allégorique, saint Jérôme ne semble pas avoir donné de l’Ecclésiaste une interprétation rigoureuse. — 6. Quelques années après ce travail, en 392, saint Jérôme mit la main à des commen taires sur les prophètes. Il commença par Nahum, t. xxv, col. 1231-122 ; Michée, ibid., col. 1151-1230 ; Sophonie, ibid., col. 1337-1387 ; Aggée, ibid., col. 1387-1416, et Habacuc, ibid., col. 1273-1335. L’interprétation allégorique domine dans ces commentaires, et les critiques verbale et historique ont trop peu de part aux explications de saint Jérôme. Néanmoins, surtout dans les traités sur Sophonie et Habacuc, il se rencontre bon nombre d’observations très fondées et qui constituent encore aujourd’hui d’excellents témoignages de l’ancienne tradition juive et chrétienne. C’est dans le commentaire sur Sophonie, i, 15, t. xxv, col. 1353-1354, que se lit la page célèbre sur la ruine de Jérusalem, l’une des plus éloquentes qu’ait écrites saint Jérôme. — 7. Le commentaire sur Jonas fut composé vers 395-396 et dédié àChromatius. Ce travail donna lieu à une correspondance entre saint Augustin et saint Jérôme, Ep. 104, 112, 131, t. xxii, col. 831, 916, 1124 : l’évêque d’Hippone y loue le solitaire de Belhlèhem d’avoir nettement établi le dogme du péché originel. — 8. À la même époque, parut le commentaire sur Abdias. Il semble que saint Jérôme a, deux fois, entrepris ce travail, car dans la préface, il dit : In adolescentia mea provocatus ardore et studio Scripturarum allegorice interpretatus sum Abdiam prophetam cuius historiam nesciebam, t. xxv, col. 1097. Sa première manière ne semble pas avoir complètement disparu, car le commentaire sur Abdias qui parut vers 395, dédié à Pammachius, n’est nullement exempt d’explications arbitraires et fantaisistes. — 9. Saint Jérôme préluda à l’explication du prophète Isaie par une étude sur les dix visions ou Onera (e. xiii-xxiii), dans lesquelles Isaie prédit la ruine de Babylone, de Moab, de Damas, de l’Egypte, etc. Ce travail fut plus tard repris et inséré tout entier sans aucune modification dans le commentaire sur Isaie ; il en forme le livre V. Dans ce traité aussi, l’interprétation historique laisse beaucoup à désirer et la fantaisie s’est trop souvent donné libre cours. Le commentaire complet sur Isaie parut entre 408 et 410, c’est le plus important et le plus étendu des commentaires sur l’Ancien Testament ; il est divisé en dix-huit livres. L’explication est complète et approfondie, tant en ce qui concerne les interprétations personnelles qu’en ce qui a rapport à l’exposé des opinions des devanciers. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait point encore de-ci de-là quelques abus d’interprétation allégorique, mais, en général, le sens littéral est bien saisi et, à diverses reprises, l’auteur signale, avec un rare bonheur, la force et la beauté du texte hébreu. — 10. Nous avons réuni les observations à présenter sur les deux commentaires d’Isaie, mais avant l’achèvement de cette œuvre, en 398, ~relevant d’une grave maladie qui avait duré douze mois, saint Jérôme, sur la prière d’Eusèbe de Crémone, dicta en quinze jours un commentaire surl’Évangilede saint Matthieu, t. xxvi, col. 15-218. Voici comment il caractérise lui-même cette œuvre : Historicam interpretationem. .. digessi breviter, et interdum spiritualis intelhgentix flores miscui, perfeclum opus reservans in posterum. Ce travail trop hâté, comme l’atteste l’histoire de sa composition, ne semble pas absolument à l’abri des critiques qui ont été dirigées contre lui. Cf. Zockler, Hieronymus, p. 213-214. Toutefois, il n’est pas impossible d’interpréter en bonne part certaines expressions parfois un peu étranges. Voir R. Simon, Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, p. 215. — 11. Les commentaires sur Zacharie, Malachie, Amos, Osée et Joël virent le jour en 406. Le premier, divisé en trois livres, est dédié à Exupère de Toulouse : c’est une des œuvres les moins réussies de saint Jérôme, qui n’a guère contribué à éclaircir les obscurités du texte de Zacharie. Dans lecommentaire sur Malachie, il y a surtout à relever l’opinion émise, dans la préface, que ce prophète ne serait autre qu’Esdras, à rencontre de l’idée d’Origène, qui se