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JÉRÉMIE (LIVRE DE)

sant les desseins de Dieu, il énonce simplement un fait : « On prétend encore que Jérémie, qui partout ailleurs est l’ami des Chaldêens, n’a pu se poser ici comme leur ennemi et prédire leur destruction. Mais s’il a annoncé leurs succès, s’il a prophétisé leur conquête de Jérusalem et la ruine de sa patrie, ce n’est nullement par affection pour Babylone. Il n’a agi que comme messager de Dieu. C’est le cœur serré et plein de tristesse, qu’d prédit cet acte nécessaire de la vengeance divine, seul moyen d’expier les péchés d’Israël ; mais cette mission reçue de Dieu l’empêche-t-elle d’aimer sincèrement sa patrie ? Non, il ressent une profonde indignation à la vue des cruautés que les Chaldêens exercent contre ses compatriotes. Il annonce souvent que Babylone sera punie à cause de sa cruauté, de son orgueil, de son idolâtrie. » Trochon, Jérémie, p. 13.

5° Nous ne nous arrêterons pas à discuter l’objection tirée de la différence de style et de langue, car, comme Je fait remarquer Hitzig, « cet oracle offre de nombreuses traces de son authenticité, et il y a de sérieuses raisons pour le conserver : l’usage de mots particuliers, l, 6 ; n, l, 3, 7, 14, 45, 55 ; les figures employées, li, 7, 8, 34, 37, aussi bien que le style, L, 2, 3, 7, 8, 10, spécialement dans des tours de phrase tels que li, 2, la conclusion, li, 57, le dialogue introduit sans aucune formule préparatoire, Li, 51 ; tout révèle Jérémie d’une manière frappante, et ce résultat est confirmé par la date chronologique. » Dans Trochon, Jérémie, p. 12. Pour ces objections, cf. Driver, Introduction, p. 266-267, et pour d’autres de moindre importance, Cornely, Inlrod. spec, t. ii, p. 399-400.

V. Chapitre lii.

On rejette ce chapitre parce qu’on le regarde comme une addition supplémentaire de IV Reg., xxiv, 18-xxv. — Mais la ressemblance entre ces deux fragments est facile à expliquer, puisque très probablement Jérémie est l’auteur de III et IV Reg. — Néanmoins nous reconnaissons que ce chapitre présente une réelle difficulté : « Le chapitre lie se termine (ꝟ. 64) par ces paroles : « Jusqu’ici les paroles de Jérémie. » Il s’ensuivrait que Jérémie n’est pas l’auteur de ce récit historique qui aurait été ajouté en supplément à son Livre. Il est certain que le style en est différent. Le nom de Joiachin est différent de celui qui est employé par le prophète dans les autres endroits où il le mentionne. Seb. Schmidt a supposé que les membres de la grande synagogue avaient emprunté ce chapitre au IVe Livre des Rois et l’avaient ajouté ici. Selon Grotius, les chefs des exilés à Babylone auraient écrit ce chapitre pour en faire comme une Introduction aux Lamentations qui suivent les prophéties. » Trochon, Jérémie, p. 13, 14.

VI. Intégrité.

Un grand nombre de critiques soutiennent que beaucoup de passages ont été ajoutés sous prétexte que plusieurs d’entre eux ne se trouvent pas dans les Septante, que d’autres sont des répétitions de passages antérieurs, ou bien qu’ils brisent l’enchaînement du récit ou contiennent des idées étrangères à Jérémie.

Les passages interpolés sont pour Kuenen :
xvi, 1415 ; xvii, 19-27 ; xxix, 16-20 ; xxx, 10-11, 22-24 ; xxxi, 3537 ; xxxiii, 2-3 ; il regarde comme douteux, ix, 23-24, 25-26 ;
xlviii est en partie interpolé particulièrement dans les j). 40-46 ; 40° », 41 b ; 45-47. Cf. Driver, Introduction, ^. 273 ; Stade, dans la Zeitschrift fur die alttest. Wissenschaft, 1883, p. 15, 16.

Les deux derniers auteurs qui se sont occupés de Jérémie, Cornill et Giesebrecht, suivent Kuenenj et ajoutent d’autres interpolations, comme : i, 3 ; iii, 17-18 ; xv, 11-14 ; xvi, 14-16 ; xvii, 12, 19-27 ; xxi, 11-12 ; xxiii, 19-20 ; xxx, 10-11 ; 22-24 ; xxxi, 10-14, 35-37 ; xxxii, 1>>, 2° -5, 17-23 ; xxxiii, 2-3, 11°>, 1426 ; XL vi, 27-28 ; —dans xxvil, Cornill rejette le ꝟ. 7 et une grande partie de 19-22, tandis que Gigsebrecht ne rejette que le ꝟ. 7 ; dansxxix, Cornill omet, 2, 16-20, 223J, tandis que Giesebrecht conserve 16-20. Il est vrai que le texte de Jérémie n’est pas actuellement dans un ordre parfaitement naturel et régulier ; il a subi des dérangements et des déplacements comme le prouve la comparaison du texte des Septante avec le texte hébreu, mais fl n’est nullement établi que les passages attaqués par Kuenen et ses imitateurs soient des interpolations. Voir Driver, Introduction, p. 273.

VII. Canonicité.

La canonicité du livre de Jérémie a été toujours admise sans hésitation. Les preuves en faveur de cette canonicité sont :

1° L’insertion au canon juif : le livre de Jérémie se trouve dans le double canon juif : palestinien et alexandrin ; c’est dire que les Juifs l’ont toujours mis au nombre de leurs écrits sacrés ; voir Canon, t. ii, col 137-143.

2° La tradition juive : constatée par Daniel, ix, 2, et par II Par., xxxvi, 20-21 où il est dit que Dieu avait prédit par la bouche de Jérémie, la captivité de 70 ans à Babylone et le retour en Palestine. Cf. Josèphe qui appelle Jérémie le « prophète », Ant. jud., X, v, 1.

3° La tradition chrétienne : contenue dans le Nouveau Testament ; Notre-Seigneur et les Apôtres citent souvent Jérémie comme auteur inspiré ; voir plus haut : V, col. 1272, et Rom., ix, 20 ; I Cor., i, 31 ; II Cor., vi, 18.

4° La tradition ecclésiastique : l’Église a toujours mis Jérémie au nombre des Écritures canoniques. Voir Canon, t. ii, col. 143-167.

VIII. Texte du livre.

I. texte original.

Le texte original du livre de Jérémie est l’hébreu, mais un hébreu mélangé de mots et de tournures étrangers, en particulier d’aramaismes ; on y trouve des formes de date récente par exemple : ii, 22 : borif pour bar, « alcali végétal ; » — xi, 16 : hâmûlâh pour hâmôn, « frémissement ; » — xxxvii, 15 : sofêr pour sotêr, « juge ; » — XL, 2 : le pour indiquer un objet proche ; — XI, 2, et passim : ’al pour’él. — On y trouve aussi des formes d’origine habylonienne, par exemple : ii, 22 : niktâm,

li, 23 : sâgân ; — LI, 28 : péhâh ; — lii, 4 ; dâyêq ;

— d’autres formes irrégulières, comme : iii, 4 : qârâ’lî pour la 2 « personne du féminin ; — iii, 22 : ’âj.ânû ; — xiii, 19 : hôgelo( ; — xx, 11 : ’âtî pour’itî ; — xxv, 3 : ’askêm comme hiphil ; — xxvi, 9 : nibêld ; — xlvi, 8 : ’obiddh. Cf. Knobel, Jeremias Chaldaizans, Breslau, 1831, p. 3, 32. — Le texte hébreu est en général bien conservé ; cependant on constate qu’il a subi quelques altérations, et il est possible de rétablir en certains cas la leçon originale, par exemple, v, 28 : lo yaslihû pour : ve’yaslîhû, « ils ne prospérèrent pas ; » Septante : oùx £xpivav ; Peschito : lu’têrso ; Vulgate ; non direxerunt ; — xi, 15 : lîdidâfl pour Udîdî, « à mon aimée ; » Septante : r ? ]Ya7tïi|iÉvr) [*ou ; Peschito : Jiàbybfy ; Vulgate : dilectus meus ; — ibid. : ’âsefâh pour’âiôfâh ; Septante : èîioïï)<je ; Vulgate : fecil ; ibid. : han-nedârim pour hâ-rabbîm, « vœux ; » Septante : zifjxi’; — ibid. : ya’âbîrû pour ya’abrû ; Septante : àosXoùatv ; Peschito : ne’brôn ; Vulgate : auferent ; — xv, 14 : ve ha’âbâdli pour ve’ha âbarfi, « je réduirai en esclavage ; » Septante : xataSouXûato ; Teschito : v’sê’bdêk ; — xxi, 14 : 6t’’âréyhà, pour be’ya’erâh, « dans ses villes ; » Pes ; chito : bqorêyh ; — xxv, 38 : hêréb pour hârôn, « glaive ; » Septante : (iaj(ac’pa ;  ; — Ibid. : Yehôvâh pour ha’yônâh, « le Seigneur ; » Peschito : mryô’; Vulgate : Domini, à la fin du $. ; — xxvii, 1 : Sidqiâhû pour Yehôyâqim, <i Sédécias ; » Peschito : Sdôqyo’; — xxviii, 8 : û’ie’râ’âb pour û’ie’râ’âh, « à la faim ; » Vulgate : et de famé ; — xxxiii, 16 : ve’zéh semô pour ve’zèh, « et ceci son nom ; » Peschito : vehnô Smêh ; Vulgate : et hoc est nomen ;

xlii, 12 : ve’nhamfî pour ve’riham, « et j’aurai pitié ; » Septante : y.ai èXevîaw ; Peschito : ve’ârhêmkôn ; Vulgate : et miserebor ; — Ibid. : ’dsîb pour hêsib, « je vous ferai revenir ; » Septante : Imaiptyta ; Peschito : ve’ûtêbkôn ; Vulgate : habitare vos faciam ; — xlvi, 15 : nos hâf pour : nishaf, « s’enfuit Apis ; » Septante : Spuyev [àisb ao>] 6 T Aitt ;  ; — li, 1 : Kasdim pour lêb qâmaï « les Chaldêens ; » — li, 41 : bâbél pour sêsak.