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JÉRÉMIE (LIVRE DE)


mêmes événements. An surplus tous les critiques reconnaissent dans ces chapitres le style de Jérémie ; pour expliquer cette ressemblance de style, les critiques qui rejettent l’authenticité de ces chapitres, sont forcés de soutenir que l’auteur s’est appliqué à imiter le style de Jérémie. — 3° Aces arguments généraux contre les chapitres x, 1-16, xxx-xxxi et xxxiii, on ajoute des arguments de détail. On prétend 1. que l’exhortation à éviter l’idolâtrie, x, 1-16, et la rédaction du jfr. Il en chaldéen supposent un auteur vivant à l’époque de l’exil. — Il est aisé de répondre que l’exhortation à fuir l’idolâtrie n’était pas seulement de mise à l’époque de l’exil ; elle convenait aussi à l’époque antérieure, car même à cette époque le peuple s’était rendu coupable d’actes idolâtriques. Cf. Jer., xliv, 16-25. Pour ce qui concerne la rédaction en chaldéen du J. 11, on pourrait tout au plus conclure que ce passage est une interpolation, ce qu’ont soutenu bien des commentateurs ; mais il est plus simple de dire que c’est une espèce de parenthèse due à Jérémie lui-même, qui devait savoir quelques mots de chaldéen ; la forme’areqâ’se rencontre dans les inscriptions araméennes sur des poids de Ninive (vine siècle avant J.-C) ; cf. Corpus inscr. sem., II, I, n. 1, 2, 3 etc. ; en mandéen ; cf. Noldeke, Handaische Gramrnatik, Halle, 1875, p. 73 ; et dans les inscriptions découvertes à Sendjerli, près d’Alep, et datant du viiie siècle avant Jésus-Christ. Cf. D. H. Muller, Die àllsem. Inschriften von Sendschirli, 1893, p. 41, 54 ; Noldeke, dans la Zeilschrift der deutschen Morgent dndischen Gesellschaft, 1893, p. 96 ; Driver, Introduction, p. 255, en note. — 2. La ressemblance de style entre Jérémie, x, 1-16 et quelques passages d’Isaie n’a pas lieu d’étonner ; si les considérations sur la vanité des idoles se trouvent aussi dans la seconde partie d’Isaie, Is., xl, 19-22 ; xli, 7-29 ; xliv, 9-20 ; xlvi, 5-7 ; la cause en est que le même sujet et les mêmes circonstances provoquent les mêmes raisonnements et les mêmes réflexions. — 3. On ne peut pas invoquer davantage la différence de phraséologie par rapport au reste de Jérémie ; car des idées différentes expliquent très bien une manière différente de parler ; de plus s’il y a des différences, il y a aussi des ressemblances ; par exemple, x, 15, ’et paqâd, « le temps de la visite. » Jer., vi, 15 ; viii, 12 ; xlvi, 21 ; xlix, 8 ; l, 27, 31 ; li, 18.

il. chapitres xxx-xxxi, xxxiii. — 1° On y trouve l’expression, Jer., xxx, 10, « mon serviteur, » qui est familière à la seconde partie d’Isaie. — Elle se trouve aussi dans d’autres endroits de l’Ancien Testament : elle était assez connue à cette époque ; de plus Jérémie a pu l’emprunter à Isaie, sans qu’il soit nécessaire d’attribuer ces fragments à Isaïe lui-même. — 2° Jérémie parle avec une certaine prédilection des prêtres et des lévites. Jer., xxxi, 14 ; xxxiii, 18, 22. — Pour le faire il suffisait de connaître le Deutéronome, xvii, 9-20, et Jérémie le connaissait. — 3° Quant à la ressemblance de style avec la seconde partie d’Isaie, elle n’est pas plus frappante ici que dans d’autres passages où Jérémie imite les prophètes qui l’ont précédé ; dans ces passages Jérémie a donc pu imiter Isaie.

m. chapitres xxrn-zxix. — 1° On allègue contre ces chapitres la forme abrégée de certains mots qu’on y rencontre. — Ce n’est pas là un fait isolé ; la double forme : pleine en i.n>, et abrégée en n> se trouve dans d’autres passages du livre de Jérémie ; ainsi par exemple, forme abrégée, xxi, 1 : Malkîyâh, ! $efanyàh ; xxvi, 18 : Mikâydh ; xxxv, 3 : Ya’âzanyâh ; xxxvi, 4 : Nêrydh. De plus Osée, 1, 1, et Amos, 1, 1, écrivent en forme abrégée les noms des rois qu’Isaïe, i, 1, écrit en forme pleine ; dira-t-on pour cela qu’Osée., i, 1, et Amos, i, 1, sont apocryphes ? — 2° Si Jérémie dans ces chapitres s’appelle « le prophète », Iian-nàbî, xxviii, 5, 6, 10 ; xxix, 1, etc., la chose se comprend aisément : en effet dans ces chapitres Jérémie traite des machinations des faux prophètes ; il peut

donc énoncer par contraste son vrai titre, son titre, pour ainsi dire, officiel. — 3° Le fragment xxvii, 7, 1621 manque ou se lit différemment dans les Septante. Cela est vrai, mais provient d’un fait particulier dont nous hous occuperons plus loin, à savoir : la double recension des prophéties de Jérémie. Qu’il suffise de faire observer ici que, pour rejeter ce fragment parce qu’il manque dans la recension alexandrine, il faudrait prouver que le recenseur massorétique l’a ajouté de sa propre main. Cornely, Introductio specialis, t. ii, p. 401. iv. chapitres l-li. — 1° Ces chapitres contiennent des prophéties contre Babylone d’une parfaite exactitude : c’est la seule raison pour laquelle ils sont rejetés. On y voit des vaticinia post eventum, parce qu’on affirme l’impossibilité du miracle et de la prophétie, ce qu’il faudrait démontrer. De plus, si l’objection valait pour ces deux chapitres, il faudrait rejeter pour les mêmes motifs, xxv, 11-14 ; xxvii, 7, 22 ; xxix, 10 ; xxxiii, 14-26 ; xxxix, 1-2, 4-13, qui contiennent des prophéties très exactes. — 2° Il n’est pas impossible que ces prophéties soient de la quatrième année du règne de Sédécias, c’est-à-dire de l’an 593 ; elles supposent, il est vrai, la destruction du Temple, L, 28 ; LI, 11, 51 ; que les Juifs souffrent en exil pour leurs péchés, l, 4-5, 7, 33, li, 34-35 ; et que Jéhovah est prêt à leur pardonner et à les délivrer, l, 20, 34 ; li, 33 b, 36 ; mais le prophète en parlant ainsi, se sert de ce qu’on appelle le passé ou le présent prophétique, qui consiste à regarder comme passés ou présents des événements futurs ; ce fait se constate chez tous les prophètes. — 3° De ce que Jérémie, xxvii-xxix, combat les faux prophètes qui annonçaient la chute prochaine de Babylone, tandis que, l-li, l’auteur lui-même l’annonce, on ne peut pas conclure que ces deux derniers chapitres ne sont pas le point de vue de Jérémie, car et la situation et le but sont différents dans xxvii-xxix, Jérémie combat les faux prophètes, et veut que le peuple n’ait aucune confiance en eux, tandis que dans l-li c’est lui-même qui annonce ces lugubres événements. De plus ces prophéties ont été faites à des époques différentes, au moins en partie : xxvii, 1-11, au temps du roi Joakim ; xxvii, 12-xxix, sous Sédécias ; le but est aussi différent : dans un cas il annonce la captivité, dans l’autre la délivrance : « c Quelle contradiction y a-t-il à admettre, comme le veut l’indication chronologique du texte, que, dans la même année, la quatrième de Sédécias, Jérémie ait, en deux circonstances différentes, parlé de la durée encore longue de l’empire de Babylone, et affirmé que cet empire serait détruit ? Ces deux vérités devaient nécessairement se rencontrer dans ses oracles. En énonçant la première, il prémunissait ses concitoyens, déportés à Babylone en même temps que le roi Jéchonias, contre tout ce qui aurait pu aggraver leur situation. En énonçant la seconde, il faisait briller l’espérance dans le lointain et montrait qu’il fallait avoir confiance dans la bonté divine. Cette double pensée fait tout le fond de ses prophéties : les Babyloniens, vainqueurs des Juifs coupables, seront eux-mêmes vaincus, et Israël, châtié et repentant, reviendra dans sa patrie. Voudrait-on lui faire un reproche de ce qu’en un endroit il appuie sur l’une de ces vérités plutôt que sur l’autre ? » Trochon, Jérémie, p. 1213. — 4° On ne saurait dire non plus que le ton joyeux et satisfait avec lequel l’auteur annonce la délivrance de la captivité ne convient pas à Jérémie qui avait été traité avec égards par Nabuchodonosor après la prise de Jérusalem, Jer., xxxix etc., qui, même en Egypte, regardait encore le roi de Babylone comme l’instrument de la Providence, Jer., xliii, 10-13 ; xliv, 10 ; car les cas sont différents et différentes aussi les fins ; quand il se réjouit de la-délivrance, Jérémie s’en réjouit comme de la fin des châtiments de ses compatriotes, et comme du pardon accordé par Dieu à leurs iniquités ; au contraire quand il parle de Nabuchodonosor comme accomplis-