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JÉRÉMIE (LIVRE DE)


mêmes prophéties furent de nouveau écrites avec quelques additions. Jer., xxxvi, 32. On peut admettre que ce rouleau contenait, à l’exception de quelques gloses ajoutées plus tard, I, 1-2, 4-19 ; n-vi ; vii-ix, 26 ; x, 17-25 ; xi, 1-8 ; xi, 9-xii, 6 ; xxi, 11-xxii, 19 ; xxv ; xlvi-xlix ; le troisième serait indiqué par I, 3, et embrasserait les prophéties faites durant les 17 années suivantes, jusqu’à la prise de Jérusalem, à savoir : xiii ; xii, 1-10 ; xxii, 20xxiii, 8 ; xxiii, 9-40 ; xxiv ; xxx-xxxiii (dans sa plus grande partie) ; xlix, 34-39 ; li, 59-64° ; quant à xivxvii ; xviii-xx, ils pourraient à la rigueur avoir fait partie du second rouleau ; mais ces prophéties ont pu être ajoutées au troisième stade ; au quatrième stade on aurait ajouté les prophéties relatives aux événements arrivés en 586 av. J.-C. ; à savoir : xxxviii, 28 b ; xxxix, 3-14 ; xl-xliv ; on ne sait s’il faut rapporter à ce stade les récits biographiques, xxvi ; xxxv ; xxxvi ; xlv (relatifs au règne de Joakim) ; xxvii-xxix ; xxxiv ; xxxviixxxviii, 28° ; xxxix, 15-18 (relatifs à Sédécias) ; au cinquième, non complété par une seule main, appartiendraient : x, 1-16 ; l-li, 58 ; xxxix, 1, 2, 4-13 (les fꝟ. 12, 4-10, abrégés de IV Reg., xxiv, 1, 3, 4-12) ; lu (appendice historique extrait de IV Reg., xxiv, 18 et sq.), et des gloses disséminées çà et là. Driver, Introduction, p. 270-271.

2° Les exégètes reconnaissent généralement qu’il n’y a pas unité absolue dans les prophéties de Jérémie, comme du reste dans la plupart des livres prophétiques. Ces livres sont des recueils d’oracles, et non une composition littéraire faite d’un seul jet ; mais il n’en existe pas moins dans le livre de Jérémie une unité relative. On y remarque en effet l’unité de sujet : Les talmudistes avaient déjà enseigné que toute la prophétie de Jérémie a pour objet la « dévastation » comme celle d’Isaie la « consolation ». Il y aurait de l’exagération à prendre cette affirmation à la lettre, car assez souvent Jérémie parle d’espérance et laisse entrevoir un avenir meilleur aux Juifs affligés, mais elle contient une part de vérité. Jérémie est le « prophète de la justice divine ». Sa mission est de « faire connaître aux Juifs les jugements de Dieu contre toute la malice de ceux qui l’ont abandonné », Jer., i, 16 ; « il est établi sur les nations et les royaumes pour arracher et détruire, pour perdre et dissiper, pour bâtir et planter, » Jer., i, 10 ; la justice divine remplit toutes ses prophéties ; elle en est comme le commencement et la fin ; il ne se lasse pas de démontrer que le peuple choisi et comblé de tant de bienfaits de la part de Dieu a mérité la ruine finale par l’abus qu’il a fait de la longanimité divine et par ses nombreuses rechutes. Cette idée de la justice divine gouverne les récits et les oracles de Jérémie et leur imprime un véritable caractère d’unité. Cornely, Inlroductio spéciale, t. ii, p. 374.

IV. Ordre du livre.

Quant à l’ordre suivi parle prophète dans son recueil, c’est un ordre logique et non un ordre chronologique, comme le montre le tableau suivant des indications chronologiques :

m, 6 : « dans les jours de Josias. » xxi, 1 : au temps de Sédécias (une des dernières années),

xxiv, 1 : après la déportation de Jéchonias par Nabu chodonosor.

xxv, 1 : « la quatrième année de Joakim. » xxvi, 1 : « au commencement du règne de Joakim. » xxvii, 1 : « au commencement du règne de Joakim »

(lire de Sédécias, ꝟ. 3, 12).

xxviii, 1 : « la quatrième année de Sédécias. » xxix, 2 : « après la déportation de Jéchonias. » xxxii, 1 : « la dixième année de Sédécias. » xxxiii, 1 : au temps de Sédécias.

xxxiv, 1 : id.

xxxv, 1 : « dans les jours de Joakim. »

xxxvi, 1 : « la quatrième année de Joakim. » xxxvii, 1 : au temps de Sédécias.

xxxviii, 1 : id.

xxxix, 1 ; « la neuvième année de Sédécias. »

XL, 1 : après la déportation du peuple en Chaldée. xlv, 1 : « la quatrième annçe de Joakim. » xlvi, 2 : id.

xlix, 34 : « au commencement du règne de Sédécias. » lu, 31 : « la trente-septième année de la transmigration de Joakim. »

Voici, d’après M. Le Hir, les principes qui auraient présidé à l’ordre adopté dans le recueil des prophéties de Jérémie. « On a longuement disserté, dit-il, et avec des résultats bien divers sur les causes de ce dérangement dans l’ordre des pièces… Sans vouloir prendre parti dans cette controverse, j’aimerais mieux penser que le hasard n’y est pour rien, mais que deux principes ont présidé à l’arrangement des chapitres ; car d’abord on a suivi souvent l’ordre des matières en joignant ensemble les prophéties qui se rapportaient au même objet ou à des objets analogues ; une étude attentive du texte ne permet pas d’en douter ; secondement, là où cet ordre ne parait pas, on peut supposer que les pièces ont été disposées selon l’ordre des lectures publiques qui se faisaient dans les synagogues. Tel chapitre convenait mieux à telle fête, à tel anniversaire, à telle saison de l’année. D’après ce point de vue, qu il est impossible de constater historiquement, mais qu’on peut admettre comme une hypothèse vraisemblable, nous aurions dans les prophéties de Jérémie un livre de leçons disposées selon l’ordre liturgique, où l’on s’est écarté de l’ordre chronologique toutes les fois que les besoins de joindre ensemble des oracles analogues ou les autres nécessités du culte l’ont eiigë. » Le Hir, Les trois grands prophètes, Paris, 1877, p. 234-235. On peut se rendre compte, au moins en partie, à l’aide de ces principes, des différences qui existent dans l’ordre des chapitres entre le texte hébreu et le texte grec, et dont il sera question plus loin.

V. Authenticité.

Jamais on n’a contesté ni mis en doute l’authenticité du livre de Jérémie en général. Elle est attestée par le témoignage de l’Ecclésiastique : xlix, 8 ; cf. Jer., xx, 1-4 ; xxxvi, 26 ; xxxvii, 11-14 ; Eccli., xlix, 9 ; cf. Jer., i, 5, 10 ; — de Daniel : ix, 2 ; cf. Jer., xxv, 11-12 ; xxix, 10 ; — d’Eadras : I Esd., i, 1 ; cf. Jer. xxv, 11-12 ; cf. aussi II Par., xxxvi, 22 ; — et du Nouveau Testament : Matth., ii, 17-18 ; cf. Jer., xxxi, 15 ; Matth., xxi, 13 ; cf. Jer., vii, 11 ; Matth., xxvii, 9 ; cf. Jer., xviii, 20 ; xix et passim ; Heb., viii, 8-9 ; cf. Jer., xxxi, 31-32 ; Heb., x, 16 ; cf. Jer., xxxi, 33. — Mais tout en reconnaissant l’authenticité de la majeure partie de Jérémie, certains critiques nient ou contestent l’authenticité de quelques chapitres, que nous allons examiner successivement.

I. chapitres x, i-16 ; xxx-xxxi ; xxxiii. — Ils attribuent ces chapitres à celui qu’ils appellent le Deutéro-Isaie. Voir Isme, col. 959. — 1° D’après eux, le prophète Zacharie, viii, 7-8, cite Jérémie, xxx, 7-8, 33 (texte hébreu), et suppose, viii, 9, que l’auteur à qui il fait ses emprunts est son contemporain. — Mais cet argument repose sur une fausse interprétation de Zach., viii, 9 ; car dans ce passage il n’est pas question de citations d’écrits, mais de discours oraux tenus par des prophètes de son temps ; quant à Zach., viii, 7-8, ce ne sont pas des citations ; ces versets sont formés de membres de phrases qu’on trouve dans les prophètes antérieurs, mais le groupement en est dû à Zacharie lui-même. — 2° On ne peut pas alléguer que ces chapitres se relient tous ensemble et contiennent des prédictions qui rappellent la seconde partie d’Isaie ; car l’enchaînement de ces chapitres n’est pas un fait isolé dans la Bible ; s’ils rappellent les prédictions de la seconde partie d’Isaie, c’est que l’objet est le même ; parfois différents prophètes ont prédit les