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JÉREMIE


de Péluse, dans la Basse-Egypte ; les autres s’installèrent à Taphnès, à Migdol, à Memphis, et en général dans le pays du Sud (Phaturès). Jer., xliv, 1. C’est sur cette terre étrangère que le prophète prononça ses derniers oracles. Jer., xliii, 8-13. il reprit avec énergie l’idolâtrie des Juifs. Jer., xliv. — On ne sait rien d’absolument certain sur ses derniers jours. Une tradition chrétienne rapporte qu’il fut lapidé à Taphnès même par les Juifs irrités. Tertullien, Adv. Scorp., viii, t. ii, col. 137 ; Pseudo-Épiphane, De vitis Prophetarum, t. xliii, col. 400 ; S. Jérôme, Adv. Jovin., ii, 37, t. xxiii, col. 335. DansHeb., xi, 37, les commentateurs voient une allusion à la mort de Jérémie.

VI. Caractère de Jérémie.

Il serait difficile de trouver un caractère à la fois plus beau, plus magnanime et plus simple que celui de Jérémie. Son âme reflète toutes les tendresses et les émotions. Jérémie nous apparaît dans ses écrits profondément pieux, pénétré du sentiment de sa faiblesse et de son impuissance. Le cours des tristes événements dont il fut témoin l’afflige et l’émeut au suprême degré. Pourtant par tempérament il était pacifique, et avait horreur de la lutte et du combat ; il se serait plu dans la solitude et le silence. Les péchés, les égarements de son peuple et les malheurs qui en seront la conséquence, le remplissent de tristesse et d’amertume ; aussi fait-il les plus grands efforts pour le ramener dans la bonne voie ; mais ses efforts sont inutiles. — Si le sentiment de sa faiblesse rendait Jérémie craintif et timide, la conscience de sa mission prophétique le remplissait d’un courage capable de braver tous les dangers. Lorsque Dieu lui ordonne de parler et d’annoncer ses volontés au peuple, il est comme transformé, et rien ne l’arrête : ni les menaces, ni les insultes, ni les supplices, ni les grands, ni les petits, ni les rois, ni le peuple ne peuvent l’empêcher de remplir la mission qu’il a reçue d’en haut ; c’est un mur d’airain qui résiste à tous les assauts et à toutes les attaques. Jer., i, 18 ; xv, 20.

VII. Place de Jérémie parmi les prophètes.

Par sa vie, Jérémie fut la figure même de Jésus-Christ, surtout de ses souffrances et de sa passion. C’est pourquoi l’Église, dans sa liturgie, n’a pas craint d’appliquer à Notre-Seigneur un certain nombre de passages qui se rapportent directement au prophète lui-même. Le plus connu de ces passages est Jer., xi, 19 b : « Mettons du bois dans son pain, et arrachons-le de la terre des vivants. »

— De plus il a prophétisé en termes clairs et précis l’œuvre du Messie, l’établissement d’une « nouvelle alliance » que, le premier parmi les prophètes de l’Ancien Testament, il a appelée de ce nom. Jer., xxxi, 31. Cf. Heb., viii, 8, où l’auteur traduit : testamentum novum, « nouveau testament. » — Enfin Jérémie a dessiné les caractères de cette nouvelle alliance ; le trait distinctif de la nouvelle loi consistera dans les dispositions intérieures ; elle ne sera pas gravée sur des tables de pierre, mais inscrite dans le cœur de l’homme. Jer., xxxi, 33.

VIII. Gloire de Jérémie après sa mort.

Autant Jérémie avait trouvé de contradicteurs pendant sa vie, autant il devint populaire après sa mort. Son nom devint sympathique et cher à tout le peuple, surtout depuis la captivité jusqu’à la venue de Jésus-Christ, lorsque la prophétie des 70 ans, Jer., xxv, 11 ; xxix, 10, fut devenue un oracle de consolation. II Par., xxxvi, 21 ; Dan., ix, 2 ; I Esd., i, 1. L’Ecclésiastique, xlix, 8, 9, et le IIe livre des Machabées, xv, 14, font de lui le plus grand éloge.

— Dans l’ordre de classement adopté par les Talmudistes de Babylone, Jérémie occupe le premier rang, et passe même avant Isaie. — Enfin, dans le Nouveau Testament, les Juifs frappés des prodiges opérés par Jésus-Christ, expriment leur étonnement et leur admiration en disant, Matth., xvi, 14, qu’il est Jérémie ou quelqu’un des anciens prophètes. Saint Grégoire de Nazianze l’appelle « le miséricordieux » : "Iepeiiîav <7U|iiua8^, Carm., H, 285, t. xxxvii, col. 1585 ; saint Isidore de Péluse l’ap pelle « le plus affligé des prophètes ». Epist., 298, t. lxxviii, col. 356.

IX. Autres écrits attribués a Jérémie.

Outre les prophéties et les Lamentations, on a aussi attribué à Jérémie le Ps. cxxxvi ; on a pensé également qu’il aurait composé avec Ézéchiel le Ps. lxxiv. Le second livre des Machabées, II, 1, parle des : « Descriptions de Jérémie le prophète ; » il est difficile de savoir ce qu’il faut entendre par là. C’est dans cet écrit qu’il était raconté que Jérémie avait caché dans une caverne du mont Nébo le tabernacle et l’arche d’alliance. II Mach., ii, 5. Une opinion plus fondée attribue à Jérémie le troisième et le quatrième livres des Bois. Il faut y ajouter la lettre de Jérémie. Bar., vi. V. Ermoni.

    1. JÉRÉMIE (LE LIVRE DE)##


9. JÉRÉMIE (LE LIVRE DE). I. CARACTÈRE DU LIVRE. — Le livre de Jérémie est un recueil de prophéties, faites à différentes époques et dans un intervalle d’à peu près 40 ans ; elles se rapportent à des objets bien différents, mais le recueil, sans avoir le caractère d’une composition d’une seule venue, a cependant un ordre logique. Nous trouvons dans le livre de précieux renseignements sur l’histoire de sa composition. Nous lisons au chapitre xxxvi que, dans la 4° année du règne de Joakim, Jérémie fit un recueil de ses prophéties. Dieu lui ordonna d’écrire dans ce volume toutes les paroles qu’il lui avait dites. Jérémie appela. Baruch, fils de Nérias, et lui dicta tous les discours que le Seigneur lui avait tenus. Une année entière paraît avoir été consacrée à ce travail. Lorsque la rédaction eut été achevée, Baruch lut au peuple assemblé pour une fête tout ce qu’il avait écrit. Cette lecture impressionna beaucoup le peuple, et Michée, fils de Gamarias, alla annoncer cet événement aux princes réunis ; les princes ordonnèrent à Baruch d’apporter le livre et de le leur lire ; frappés de cette lecture, après avoir ordonné à Baruch de se cacher, ils annoncèrent au roi ce qui venait de se passer ; à son tour le roi se fit lire le livre, et irrité ordonna de le jeter au feu. Mais Jérémie fit écrire une seconde fois tout le volume détruit, en y ajoutant de nouvelles prophéties, et à la suite de ces é énements Jérémie prononça de nouveaux oracles. On peut donc affirmer que le recueil fut complété à l’époque où Jérémie résidait à Maspha auprès de Godolias, ou pendant son séjour en Egypte. Cette seconde partie de la collection contenait naturellement toutes les prophéties qui racontent tout ce qui est arrivé depuis la 5’année de Joakim.

II. Division du livre.

Il s’ouvre par un prologue,

1. et se divise en quatre parties : 1. Béprobation et condamnation d’Israël à cause de ses péchés, n-xvil ; —

2. Confirmation de cette réprobation, xviii-xix ; —

3. Exécution de la sentence, xx-xlv ; — 4. Prophéties contre les peuples étrangers, xlvi-li. — Le recueil se termine par un appendice historique, lu. — Pour d’autres divisions, cf. Kilber, Analysis biblica, édit., Tailhan, in-8°, Paris, 1856, t. i, p. 395422 ; Trochon, Jérémie, in-8°, Paris, 1878, p. 7-10 ; Cornely, Introduclio specialis, in-8°, Paris, 1887, p. 375.

prologue, i. — Ce prologue raconte la vocation de Jérémie au ministère prophétique ; il a été choisi dès le sein de sa mère pour accomplir les ordres de Dieu et annoncer aux hommes ses volontés, ꝟ. 4-8 ; — le Seigneur le consacre, ꝟ. 9, et lui notifie sa mission ; elle consiste à arracher et détruire, perdre et dissiper, bâtir et planter, j>. 10 ; — il lui dévoile l’avenir en général sous deux figures symboliques : 1° une branche d’amandier (Vulgate : virgam vigilantem), ꝟ. ll b ; 2° une chaudière bouillante, ꝟ. 13>> ; cette chaudière bouillante, ce sont les ennemis qui doivent fondre sur Israël du côté de l’Aquilon, jr. 14-16 ; — enfin Dieu lui promet secours et protection contre ses ennemis, ꝟ. 17-19.

PREMIERE PARTIE : RÉPROBATION D’iSBAEL, II-XVII. —