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JÉHOVAH (THÉODICËE)


miséricorde dans lequel Dieu s’abaisse jusqu’à l’homme et l’homme aspire à être déifié. — 3. Ces manières de parler qui nous étonnent ne choquaient pas les prophètes ; on dirait qu’ils les recherchent de parti pris ; ils n’ont garde de les condamner : c’est dire qu’ils les trouvent inoffensives, même pour le vulgaire. Ils continuent à parler comme tout le monde parce qu’il ne leur vient pas à l’esprit qu’on puisse prendre à la lettre leurs métaphores. — 4. L’Esprit-Saint leur communiquait régulièrement la révélation au moyen d’images et de visions. Les prophètes décrivant ce qu’ils avaient vii, comme ils l’avaient vii, faisaient par suite un grand usage des figures. Ainsi s’expliquent Is., vi ; Jer., h ; Ezech., ii, etc. — 5. On peut ajouter avec quelques Pères que l’Ancien Testament étant la préparation du Nouveau, il convenait que Dieu y fût représenté tel qu’il devait se montrer plus tard en qualité de Dieu-Homme ; il préludait ainsi à l’incarnation. Comme on l’a dit ingénieusement (Hâvernick, Theol. des A. T., 1863, p. 60) : L’imperfection de l’Ancien Testament n’est pas dans l’abus des anthropomorphismes, mais dans l’absence de l’incarnation où l’anthropomorphisme atteint son comble.

v. saintbi’é de dieu. — Jéhovah, un et spirituel, est proclamé trois fois saint par les séraphins. Is., vi, 3. Il s’appelle le Saint par excellence, Job, vi, 10 ; Is., XL, 25 ; IIab..m, 3 ; ou le Saint d’Israël, dans Isaie, i, 4 ; v, 19, 24 ; x, 17, 20 ; xii, 6 ; xvii, 7 ; xxrx, 19, 23 ; xxx, 11, 12, 15 ; xli, 14, 16, 22 ; xliii, 3, 14 ; xlv, 11 ; XL vii, 4 ; xlviii, 17, etc. et aussi quelquefois ailleurs. Ps. lxxviii (lxxvii), 41 ; lxxxix (lxxxviii), 19. Dans le-Lévitique revient fréquemment cette formule : « Soyez saints, parce que je suis saint. » Lev., xi, 44, 45 ; xix, 2 ; xx, 26 ; xxi, 8. Enfin « il n’y a pas de saint pareil à Jéhovah ». I Reg., ii, 2.

— Par son étymologie, sainteté dit séparation (qôdéi de qâdaé). Appliqué aux choses, saint est opposé à « commun » (hôl), « impur » (tdmê’) et « profane » (hânêf) ; il se dit des objets consacrés à Dieu, destinés à son usage exclusif, tels que les vases servant au culte, les prémices et les offrandes, les sacrifices, ou entrant en relation spéciale ave<fDieu, comme le temple, l’endroit d’une théophanie, etc. ; il peut se dire aussi des hommes, en vertu d’une consécration extérieure ou d’un mandat qui les fait ministres ou instruments de Dieu. — En général, entendue des personnes, la sainteté implique une idée morale ; elle renferme la notion de pureté, mais la dépasse ; celui-là est saint qui est pur du péché. Dieu, étant infiniment séparé de tout ce qui est commun, impur et profane, est trois fois saint et la sainteté même. Le mal moral excite son courroux ; sa sainteté est comme une flamme qui consume le péché et le pécheur. Dans le langage de l’Écriture, Dieu se sanctifie, c’est-à-dire se montre saint quand il tire vengeance du crime, Is., XL, 25 ; Ezech., xxviii, 22 ; xxxviii, 16, 33, et aussi quand il accomplit ses promesses, Ezech., xxxvi, 23-25 ; Hab., iii, 3, ou fait éclater parmi les peuples ennemis d’Israël sa fidélité et sa justice. Il est clair que cette haine du péché, cette horreur de l’impureté, cette opposition à ce qui est contraire à l’ordre moral, qui sont les côtés négatifs de la sainteté divine, reposent sur une perfection absolue qui en constitue le côté positif. Mais parce que tous les attributs de Dieu se tiennent et se compénètrent, ce n’est pas une raison de les confondre et de concevoir la sainteté (qodes) comme identique à la majesté (kdbôd), ainsi que le font Kuenen, De Godsdienst, i, 339 et Duhm, Théologie der Prophelen, p. 169. Encore moins a-t-on le droit de prétendre, avec Schultz, AUtest. Théologie, 5e édit., 1896, p. 436, et plusieurs autres, que toute idée morale est étrangère à la sainteté divine.

vi. éternité de DIEU. — Jéhovah est en dehors et au-dessus du temps ; il se nomme l’être ou mieux mn>, ô <ov, « Il est, » celui dont on peut dire : Il est, dans un présent éternel. Exod., iii, 14. Le temps naît avec le monde le In princïpio de la Genèse en marque le pre mier instant ; mais auparavant Dieu existe, puisqu’il agit. Il n’est pas dit : Au commencement Dieu était ou fut, mais : « Au commencement Dieu créa. » Terre et cieux, tout passe, tout périt ; Dieu seul reste et reste le même : « Vous, Seigneur, vous ne changez pas (vëatfâh hou’), et vos années n’ont point de déclin. » Ps. Cil (ci), 27-28. Aussi Jéhovah jure-t-il par son éternité, Deut., xxxii, 40, car rien n’est plus immuable ; « de l’éternité à l’éternité il est Dieu. » Ps. xc (cxxxix), 2. Il est le premier et le dernier, Is., xl, 4, l’Ancien des jours, Dan., vii, 13, 23 ; avant lui, rien n’était, après lui rien ne sera, Is., xliii, 10 ; il est le roi éternel, Jer., x, 10 ; Lam., v, 19, aux yeux de qui « mille ans sont comme le jour qui vient de s’écouler ». Ps. xc (lxxxix), 4.

vu. immensité de DIEU. — Partout il voit les sacrifices qu’on lui offre, partout il entend les prières qu’on lui adresse. Il est avec les patriarches en Arménie, Gen., vin, 21, en Chaldée, Gen., xii, 1, en Mésopotamie, Gen., xxiv, 12, en Palestine, Gen., xxvi, 2, en Egypte, Exod., vi, 2. Sans doute il est présent d’une présence spéciale dans le paradis-terrestre où il crée l’homme, dans le ciel qui est son trône, dans le temple de Jérusalem qui est sa demeure, sur le propitiatoire de l’arche où il est assis entre les chérubins, dans la Palestine qui est son patrimoine. Approcher de ces lieux plus saints c’est paraître devant sa face ; s’en éloigner c’est fuir loin de sa face. Mais les écrivains sacrés ne sont pas dupes de cette figure. Écoutons Jérémie, xxiii, 23-24 : « Suis-je un Dieu de près seulement et non de loin ? dit le Seigneur. L’homme se cachera-t-il de manière à n’être pas vu de moi ? dit le Seigneur. Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? dit le Seigneur. » Aucune distance ne met ses ennemis à l’abri de sa vengeance. Am., ix, 2-3 ; Jer., xlix, 16 ; Abd., 4. Enfin le Psalmiste résume ces doctrines en style poétique. Ps. cxxxix (cxxxviii), 7-10.

Où irai-je loin de ton esprit ?

Où fuirai-je loin de ta face ?

Je monte au ciel ? tu es là.

Je m’abîme dans le scheol ? tu y es. Je prends mon essor vers l’Orient,

Je m’avance aux confins des mers :

Là aussi ta main me conduit,

Ta droite me soutient.

La belle prière de Salomon, lors de la dédicace du Temple, dit en prose la même chose. III Reg., viii, 2730.

VIII. TOUTE-PUISSANCE, OMNISCIENCE DE DIEU. — Ces

attributs sont affirmés dans divers passages de l’Écriture. Dieu sonde les reins et les cœurs, Ps. vii, 10 ; il ht au plus intime de l’homme, Prov., xv, 3, 11 ; xvii, 3 ; il connaît l’avenir, Is., xli, 22, 26 ; xlv, 19-21 ; point de secrets pour lui ; il sait tout. Jer., xvi, 17 ; xxiii, 24 ; Job, xxxiv, 21-22 ; Prov., v, 21. Ces idées trouvent une belle expression au Psaume cxxxix (cxxxviii), 6, où le prophète s’écrie :

Science prodigieuse qui me dépasse !

Science trop élevée pour que je l’atteigne !

— La puissance de Dieu, dans la pensée des écrivains sacrés, ne connaît pas plus de bornes que sa science. Le déluge, la destruction de Sodome, la sortie d’Égjpte, la conquête de Chanaan prouvent la force de son bras. Il est le maître de la vie et de la mort, Deut., xxxii, 39 ; Ose., xiii, 14 ; Is., lxvi, 9 ; le seul qui opère des merveilles, Ps. lxxii (lxxi), 18 ; cxxxvi (cxxxv), 4 ; qui fait tout ce qu’il lui plaît, Ps. cxv (cxin b), 3, sans que rien puisse lui résister, Job, xii, 14-16 ; car « sa parole ne remonte jamais vide ; toujours elle exécute son mandat et accomplit sa mission ». Is., lv, 11.

IX. DIEU CRÉATEUR, CONSERVATEUR, PROVIDENCE DU

monde. — Dieu, l’être infini, produit des êtres finis en dehors de lui. Le premier chapitre de là Bible nous montre