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GARIZIM


n’est antre chose que l’orifice d’une sorte de puits ou de citerne creusée dans le roc. Parmi les Samaritains, quelques-uns prétendent que ce serait-là l’ancien autel de leurs sacrifices ; d’antres croient que l’arche d’alliance s’est jadis reposée en cet endroit. À quelques pas au sud, ils vénèrent comme le lieu du sacrifice d’Abraham une sorte d’auge oblongue grossièrement taillée dans le roc. Pour eux, en effet, le Garizim est le mont Moria, dont la tradition générale fait plutôt la colline du temple à Jérusalem. Voir Moria. Enfin, à l’ouest, au nord et au sud de la vaste enceinte décrite plus haut, sont éparses ou accumulées sur le sol des ruines appelées Khirbet Lvza. En suivant la direction de plusieurs rues, qu’on distingue encore, on marche entre les débris d’une foule de petites maisons bâties avec des matériaux de moyen appareil. Une vingtaine de citernes recueillaient, avec la grande piscine que nous avons mentionnée, les eaux pluviales destinées aux besoins des habitants. Aucune source, en effet, ne coule sur le plateau de Garizim. Cette ville, d’ailleurs sans histoire, est. sans doute celle qu’Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 135, 274, mentionnent près de Sichem. j III. bistoire. — 1° Le Garizim apparaît pour la première fois dans la Bible à propos de la cérémonie si imposante des bénédictions et des malédictions, prescrite par Moïse, JDeut., xi, 29 ; xxvii, 12, et accomplie par Josué, viii, 33. Les tribus qui se placèrent, non pas évidemment sur le sommet, mais sur les premières pentes de la montagne, étaient Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Joseph et Benjamin. Deut., xxvii, 12. C’est de là également que Joatham, échappé seul au massacre de ses frères, fit entendre son magnifique apologue, pour reprocher aux habitants de Sichem d’avoir élu roi Abimélech. Jud., ix, 7. Le texte hébreu, très fidèlement suivi par les Septante et la Vulgate, porte bien ici : be-rô"s har-Gerizzîm, « [il se tint] sur le sommet du mont Garizim. » Mais il ne faut pas prendre ces mots à la lettre. Quelque puissance, en effet, que Joatham ait pu donner à sa voix, quelles que soient en cet endroit la pureté de l’air et ses propriétés acoustiques, il eût été impossible à l’orateur d’être entendu des Sichémites. On doit donc admettre qu’il gravit derrière la ville un point élevé de la montagne, d’où sa parole pût être saisie, d’où il pût lui-même se soustraire ensuite facilement à la vengeance d’Abimélech. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 156.

2° Longtemps après, les Samaritains, étrangers implantés en Palestine et regardés par les juifs comme idolâtres, avant été exclus par ceux-ci de toute coopération au rétablissement du temple de Jérusalem, résolurent de se bâtir à eux-mêmes un sanctuaire, qui fût le centre de leur culte et de leur nationalité. Ils choisirent pour cela le mont Garizim. Suivant Josèphe, Ant. jud., XI, vii, 2 ; viii, 1-4, ce monument aurait été construit sous le règne d’Alexandre le Grand. Jaddus, fils du grand prêtre Jean et son héritier dans le souverain nontificat, avait un frère nommé Manassès, à qui Sanahallète, satrape de Samarie, avait donné sa fille en mariage, espérant par cette alliance se concilier toute la nation juive. Mais à Jérusalem, les membres du conseil ne purent souffrir que le frère du grand prêtre, devenu l’époux d’une femme étrangère, participât au sacerdoce. Ds finirent par lui enjoindre de divorcer ou de cesser ses fonctions. Jaddus lui-même, cédant à l’indignation générale, écarta de l’autel Manassès, qui alla trouver son beau-père, en lui disant qu’il aimait mieux consentir à une séparation douloureuse que de renoncer à ses droits au sacerdoce. Sànaballète lui promit alors, s’il maintenait son union, non seulement de lui conserver sa dignité, mais encore de le faire parvenir au souverain pontificat, et, avec le consentement du roi Darius, de .bâtir sur le Garizim un temple semblable à celui de Jérusalem. Manassès, ébloui par ces promesses, resta

auprès de son beau-père, et fut suivi par beaucoup d’Israélites et même des prêtres engagés dans des mariages analogues, auxquels le satrape fournit de l’argent, des terres et des maisons. Cependant Alexandre, vainqueur de Darius, s.’avança alors en Syrie et Vint mettre le siège devant Tyr. Sànaballète, pour se ménager les bonnes grâces du conquérant, lui amena des auxiliaires et lui exposa le désir de son gendre Manassès, frère de Jaddus, grand prêtre des Juifs, de construire un temple sur les terres soumises à son autorité. Il lui représentait habilement que la réalisation d’un pareil projet lui serait très utile, parce que c’était diviser la nation juive, qui, unie, pourrait songer à la révolte, comme sous là domination assyrienne. Alexandre se laissa persuader, et Sànaballète bâtit aussitôt un temple sur le mont Garizim, et Manassès fut investi du souverain pontificat. Tel est en résumé le récit de Josèphe. Mais plusieurs critiques font remonter la fondation de ce monument à une soixantaine d’années auparavant, s’appuyant sur le IIe livre d’Esdras, xiii, 28, où il est dit qu’un des fils du grand prêtre Joïada fut exilé par Néhémie pour avoir épousé une fille de Sanaballat le Horonite. Ce dernier était gouverneur de Samarie pour le roi de Perse. Est-il donc probable qu’il y ait eu, à deux époques différentes, deux satrapes de Samarie de même nom et ayant chacun pour gendre un prêtre juif ? D’un autre côté, selon Barges, Les Samaritains de Naplouse, Paris, 1855, p. 118, « le récit de Josèphe est en contradiction avec la tradition des Samaritains d’après laquelle leur temple, construit primitivement par Josué, ruiné ensuite par l’armée de Nabuchodonosor, roi d’Assyrie, aurait été restauré, au retour de la captivité, par Samballat ou Sanaballat, chef de leur nation. Cf. Chronicon Samaritanum arabice conscriptum cui titulus est Liber Josue, Leyde, 1848, p. 216, 298, 314. Il est clair que cette tradition se trompe quand elle fait Sanaballat contemporain de Zorobabel, avec lequel elle semble le confondre ; mais il est, selon toutes les apparences, le même personnage, que le Sanaballat du livre de Néhémie, lequel se montra si hostile aux Juifs revenus de l’exil. »

3° Le Garizim est nommé, II Mach., v, 23, pour représenter le territoire des Samaritains. Comme les Syriens se défiaient de cette nation remuante, qui ne tenait guère moins que les Juifs à sa religion et à ses coutumes, Antiochus Epiphane mit à- la tête des troupes chargées , de la maintenir dans l’obéissance des officiers sans pitié, tels qu’Andronique, qui commandait la garnison établie sur la montagne. Le même roi, voulant profaner le temple de Garizim comme celui de Jérusalem, le fit appeler « temple de Jupiter l’Hospitalier ». II Mach., VI, 2. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 5, prétend que ce fut à la demande des Samaritains eux-mêmes que leur temple fut dédié à Jupiter Hellénien. Le même auteur, Ant. jud., XIII, ix, 1, nous apprend qu’il fut détruit par Jean Hyrcan, l’an 132 avant Jésus-Christ, après avoir duré deux cents ans. Cependant les termes dont il se sert : « Il arriva que ce temple fut dévasté (littéralement, devint désert), » ne veulent pas dire qu’il fut renversé de fond en comble avec l’enceinte sacrée qui l’entourait. Celle-ci put être épargnée, du moins en partie ; le sanctuaire seul, comme ayant été profané par le culte de Jupiter Hellénien, dut être traité avec plus de rigueur. L’an 36 de notre ère, sous le gouvernement de Ponce Pila te, un imposteur attira, par de fallacieuses promesses, une foule de Samaritains sur le Garizim. Mais le gouverneur romain, craignant une sédition, fit occuper par ses. troupes les abords de la montagne, et il y eut un grand nombre de tués ou de prisonniers.

4° Suivant la Chronique des Samaritains, Adrien, , ayant rasé Jérusalem, passa à Naplouse, où il ordonna de tuer tous les Samaritains partout où l’on en rencontrerait. Ensuite il bâtitsur leGarizim un village [qarîyèh} auquel il donna le nom de son père César, et construisit