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JÉHOVAH (NOM)


Observations. — Col. 1. — On n’a pas tenu compte du nom de Jéhovah quand il fait partie des noms théophores, ni de certains noms propres symboliques où Jéhovah entre comme élément, tels que Yehovâh ir’eh, Gen., xxii, 14 ; Yehôvdh nissi, Ex., xvii, 15 ; Yehôvâh sidqdtî, Jer., xxiii, 6 ; xxxiii, 16. Cf. Jud., vi, 24 ; Ezech., xlviii, 35. Voir col. 1244. — Col. II. — Quand’Ëlôhïm est à l’état construit, par exemple dans la locution Yehôvâh’ëlôkêka, « Jéhovah ton Dieu, » les deux noms sont comptés séparément. Dans l’expression Yehôvâh’Ëlôhïm, le dernier mot a quelquefois l’article, I Reg., vi, 20 ; Neh., viii, 6 ; IX, 7 ; I Par., xxii, 1, 19 (hébreu) ; Il Par., xxxil, 16. — Col. III. — La locution’Adônaï Yehôvdh, caractéristique d’Ézéchiel et d’Amos, se trouve à l’état sporadique dans quatorze autres livres de la Bible. — Col. IV.

— On n’a compté que l’expression elliptique Yehôvâh sebd’ôt (ou has-sebà’vt, Am., ix, 5) ; l’expression régulière Yehôvdh’Èlôhê sebd’ôt, « Jéhovah, Dieu des armées, » est beaucoup moins usitée et se lit dans II Reg., v, 10 ; III Reg., xix, 10, 14 ; Jer., v, 14 ; xv, 16 ; xxxv 17 ; xxxviii, 17 ; xuv, 7 ; Am., rv._13 ; v, 14, 15, 16, 27 ; VI, 15. On trouve aussi Yehôvâh’Elôhê has-sebd’ôf avec l’article, Ose., xii, 6 (5) ; Am., iii, 13 ; vi, 14 ; et même la locution irrégulière Yehôvâh’tLlôhim sebd’ôt, Ps. lxxx, 20 ; lxxxiv, 9 ; lxxxix, 9 ; et sans Jéhovah. Ps. lxxx, 8, 15. Les noms divins employés dans ces exemples doivent être ajoutés aux listes ci-dessus. — Col. V. — Le mot composé Jéhovah-Adonaï ne se rencontre que dans Hab., m, 19 ; Ps. lxviii, 21 ; cix, 21 ; cxl, 8 ; cxli, 8. — Col. VI. — On peut constater que Vàh se trouve seulement dans les passages poétiques comme les Psaumes ; de plus dans Ei., xv, 2 (cantique de Moïse) ; xvii, 16 (sentence prophétique et rythmée contre Amalec) ; Is., xxvi, 4 (chant de triomphe) ; xxxviii, 11 (cantique d’Ézéchias). — Col. VII. — À rencontre des noms divins qui désignent exclusivement le vrai Dieu, Élohim est un nom commun et s’applique aussi aux fausses divinités. Il n’a pas été possible d’établir une distinction matérielle entre ces deux acceptions. Élohim, même désignant le vrai Dieu, est le plus souvent sans article ; il prend cependant l’article, sans changer de sens, environ 375 lois : très rarement dans les livres prophétiques (Isaie, 2 fois ; Jérémie, 2 fois ; Jonas, 6 fois ; Daniel, 5 fois) ou poétiques (Job, 3 fois ; Psaumes, 3 fois) ; beaucoup plus fréquemment dans le Pentateuque et les livres historiques, surtout les plus récents (IPar., 50 fois ; II Par., 54 fois), enfin dans l’Ecclésiaste, où il n’est employé sans article que 8 fois sur 40. — Col. VIII. —’El est usité au pluriel êlîm trois fois, Exod., xv, 11 ; Ps.xxix, l ; lxxxix, 7 ii a le sens de fort, d’après Mandelkern (Concordantise, p. 85)dans Gen., xxxi, 29 ; Deut., xxviii, 32 ; Ezech., xxxi, 11 ; Mich., ii, 1 ; Prov., iii, 27 ; II Esd., v, 5 ; et au pluriel, Job, xli. 17. Partout ailleurs, il signifierait Dieu (dieux au pluriel). Dansla Genèse, il convient de remarquer les épiphètes de’El, comme’El’éliôn, xiv, 18, 19, 20, 22 ; ’Êlro’i, xvi, 13 ; ’El’ôldm, xxi, 33 ; ’El Bêt’êl, xxxv, 7 ; ’El’èlôhê hrd’êl, xxxiii, 20 ; ’Êl’âbîka, xlix, 25. — Col. IX. —’Elôah usité surtout dans Job et, à l’état sporadique, dans onze autres livres, semble être un singuliergrammatical extrait d’Ëlôhîm, dont l’usageparait être plus ancien en hébreu. — Col. X. — Saddai est accompagné de’El ÇÊl-ïaàdaï) dans les passages suivants : î Gen., xvii, 1 ; xxviii, 3 ; xxxv, 11 ; xliii, 14 ; xlviii, 3 ; Ex., vi, 3 ; Ezech., x, 5 ; Job, viii, 5 ; xiii, 3 ; xv, 25.

II. Le nom ineffable.

Pour éviter de le prononcer, les rabbins l’appelaient « le Nom par excellence », ou le désignaient par des épithètes honorifiques : le nom’! unique, le nom glorieux et terrible, le nom caché et mystérieux, le nom de la substance, le nom propre, surtout le nom exposé ou séparé. Voir, sur ce dernier, Buxtorf, Lexicon, Bâle, 1639, col. 2432-2438. Ils l’appelaient aussi le nom écrit et non lu. Les dénominations en usage chez les Pères grecs font toutes allusion à cette

circonstance : ô’vojia appSyrov, Sppairrov, SXsxtov, atpBevy. TOV, àveXÇ(ivY)TOV, alla p piQTOV Y.3.1 p1)6î|VOt (ll| 8uvÔ(JLEVOV,

|iû<TTtxov. La défense de prononcer le nom de Jéhovah, en dehors de quelques cas très exceptionnels, est fort ancienne ; elle existait déjà probablement au temps des Septante qui traduisirent le tétragramme par l’appellatif K-Jpio ;  ; en tout cas, elle était en vigueur au début de notre ère, car Josèphe, racontant la révélation du Sinaï, se croit interdit de transcrire le nom divin. Ant. jud., II, xii, 4. On sait que les rabbins tirent l’interdiction de prononcer le tétragramme d’un passage du Lévitique, xxiv, 16, entendu dans un sens rigoriste : « Celui qui maudira (tpi) le nom de Jéhovah sera puni de mort. »

Or il se trouve que ip :, maudire, signifie aussi ponctuer, désigner distinctement. Paul de Burgos, ancien rabbin converti, dit que les prêtres seuls avaient le droit de proférer le nom ineffable quand ils bénissaient solennellement le peuple. De nomine divmo, q. xi, dans Critici sacri, Amsterdam, 1698, 1. 1, part, ii, p. 512-516. Mais divers passages du Talmud et de ses commentaires sont plus précis. Ils nous apprennent que le tétragramme n’était prononcé que par le pontife, quand il entrait dans le Saint des saints, au jour de l’Expiation, et par les. prêtres bénissant le peuple dans le sanctuaire, conformément à Num., vi, 23-27. Encore, si l’on en croit Philon, ne le prononçaient-ils pas à haute voix. Le temple une fois détruit, le nom ineffable ne fut plus prononcé du tout. Quelque somme qu’il lui offrît, Leusden ne put décider un juif très pauvre d’Amsterdam à le proférer. C’était d’ailleurs bien inutile, car les Juifs modernes n’en connaissent pas mieux que les autres la vraie prononciation. D’après une tradition rabbinique, on aurait cessé de le prononcer sous Siméon le Juste, et Maimonide pense que ce Siméon était contemporain d’Alexandre. Voir les textes dans Drusius, Tetragrammaton, 8-10, dans Critici sacri, 1. 1, part, ii, col. 339-342. Sur la défense en général, cf. Drach, Harmonie entre l’Église et la Synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 350-353, et note 30, p. 512-516.

III. Prononciation.

La lecture Jéhovah.

Elle

est due à une méprise. Les massorètes donnaient au tétragramme les voyelles du nom divin Adonai, pour avertir le lecteur de substituer Adonai au nom ineffable. On avait de la sorte 7rn> (car le scheva composé de

> : in n’est exigé que par la gutturale initiale). Par exception, quand Adonaï et mn> étaient joints ensemble, ils prêtaient au second les points-voj elles de D’n 1° ; ils

écrivaient donc rrn>, ce qui, lu matériellement, donne

Jéhovi ; et cette dernière prononciation a trouvé aussi des défenseurs. — On prétend généralement, mais à tort, que la prononciation Jéhovah ne remonte qu’à l’an 1520. Cette opinion^ qui est celle des ouvrages les plus au courant et les plus récents (Hastings, Dictionary of the Bible, 1899, t. ii, p. 199 ; Gesenius-Buhl, Handwôrterbuch, 13e cdit., 1899, p. 311) fut mise envogue par Drusius (Van der Driesche, 1550-1616) qui accusa formellement Pierre Galatin d’avoir imenté la fausse prononciation Jéhovah : Fagius (Bùchîein, 15011519) aurait d’abord suivi Galatin et ensuite la foule des érudits et des commentateurs. Cl. Drusius, Tetragranimaton, loc. cit., col. 344. Il est certain que tous les savants protestants du xvie siècle, sans excepter Bèze, et beaucoup d’écrivains catholiques, Cajetan à leur tête, prononcent Jéhovah ; il se peut que l’autorité de Galatin et de Fagius n’ait pas été sans influence ; mais il est faux que le plagiaire Galatin soit l’auteur de la prononciation Jéhovah. Il la donne au contraire comme connue et reçue de son temps. Cl. Arcana cathol. veritalis, Bari, 1516, I, x(il y a par erreur deux chapitres x, c’est le premier), p. 77. Plus tard, Drusius découvrit la lecture Jéhovah dans un théologien du début