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JACOB


Jacob, le terme de ses pérégrinations, le lien où il achèverait paisiblement ses jours comme son père Isaac et son aïeul Abraham. Gen., xxxv, 27. Une fois encore il se trompait et lui-même, par son affection trop marquée pour Joseph, fournit à ses autres enfants l’occasion de commettre une faute qui devait empoisonner son existence et avoir pour conséquence de l’éloigner à jamais du pays de Chanaan. La jalousie causée par cette préférence avait en effet dégénéré en haine. Cette haine, dont Jacob ne voyait que trop les indices, sans toutefois s’en, plaindre ouvertement, Gen., xxxvii, 4, 11, s’accrut encore lorsque Joseph raconta naïvement à ses frères deux songes qui semblaient présager sa future élévation au-dessus d’eux. Il les avait d’ailleurs indisposés par les rapports défavorables qu’il avait déjà faits à son père contre les désordres des enfants de Bala et de Zelpha. Gen., xxxvii, 2-11. Leur animosité les porta enfin à se débarrasser de lui par un crime. Un jour Jacob, qui avait envoyé Joseph vers Sichem pour prendre des nouvelles de ses frères et de leurs troupeaux, vit arriver, au lieu de Joseph dont il attendait le retour, des hommes porteurs d’une robe ensanglantée qui lui dirent : « Nous avons trouvé cette robe : voyez si c’est ou non celle de votre fils. » Voir Joseph. Jacob reconnut aussitôt dans ce vêtement la tunique de Joseph et crut qu’une bête féroce l’avait dévoré. Il déchira ses habits et se livra à une douleur que ne purent adoucir les consolations des siens : « Je veux, disait-il, descendre en pleurant vers mon fils dans le scheôl. » Gen., xxxvii, 12-14, 32-35. Jacob avait alors environ cent sept ans, et Joseph en avait seize d’après la Vulgate. Les autres versions et l’hébreu lui en donnent dix-sept. Gen., xxxvii, 2.

V. Jacob en Egypte ; ses dernières années ; sa prophétie ; sa mort ; sa sépulture. — Vingt-deux ans après la disparition de Joseph, une grande famine sévit en beaucoup de pays et se fit sentir pareillement en Chanaan. Jacob apprit qu’on pouvait se procurer du blé en r.gypte ; il y envoya ses fils pour en acheter, ne gardant près de lui que le plus jeune, Benjamin. Or, lorsqu’ils revinrent auprès de lui avec le blé qu’ils avaient acheté, ils lui apprirent que l’intendant du royaume, à qui ils avaient dû faire connaître, pour répondre à ses questions, l’existence de Benjamin, exigeait qu’ils le lui amenassent ; en attendant, il retenait Siméon comme otage. Le vieux patriarche déclara qu’il ne laisserait point partir Benjamin, et longtemps il résista aux in* stances de ses enfants, ne pouvant se résoudre à ce sacrifice. Il finit cependant par se rendre aux prières de Juda, ou plutôt il céda à la nécessité, car la provision de froment était épuisée, et il permit que Benjamin descendit avec ses frères en Egypte. Il leur remit à leur départ des présents de toute sorte pour le gouverneur. Gen., xli, 56 ; xlii, 1-5 ; 29 ; xlhi, 15.

C’était la dernière épreuve par laquelle Dieu voulait faire passer son serviteur. Tandis que Jacob avait toujours l’âme troublée par la douleur de la perte de Joseph, que cette séparation renouvelait, et par ses craintes sur le sort de Benjamin, Gen., xlii, 36 ; xlhi, 6, 9, 14, ses fils revenaient tous sains et saufs. Us lui apportaient une nouvelle aussi inattendue qu’elle était heureuse : Joseph n’était point mort ; ce gouverneur de l’Egypte si redouté, c’était lui-même. Il priait son père de venir sans retard dans la terre des pharaons avec toute sa famille, et le roi de son côté joignait son invitation à celle de son ministre. Jacob n’en pouvait croire ses oreilles ; il était comme un homme qui se réveille à peine et ne comprend pas ce qu’on lui dit. Mais il dut bien se rendre à l’évidence, quand il vit les riches présents que lui envoyaient le pharaon et Joseph, de l’argent, des vêtements, du froment, des ânes et des ânesses, avec les chariots qui devaient servir à le porter lui, ainsi que les femmes et les enfants et tout le bagage. Et alorc son âme commença à « revivre » et il dit : « Mon

fils Joseph vit encore, cela me suffit ; j’irai et je le verrai avant de mourir. » Gen., xlv, 9-28.

Le départ paraît s’être effectué sans retard selon le désir de Joseph, Gen., xlv, 9, mais ce ne fut pas assurément sans que Jacob éprouvât des hésitations et des inquiétudes sur cette émigration. Cf. Gen., xlvi, 3. Elle paraissait opposée aux desseins de Dieu qui avait si souvent répété à Abraham, à Isaac et à lui-même la promesse de donner à leur postérité cette terre de Chanaan qu’il allait maintenant abandonner. Il savait d’ailleurs que Dieu avait autrefois défendu à Isaac de descendre en Egypte. Gen.. xxvi, 1. Ces considérations avaient peut-être fait naître dans son cœur le désir et l’espérance d’obtenir un éclaircissement divin. Arrivé à Bersabée, à la frontière même de la Palestine, il s’arrêta pour immoler des victimes au Dieu de son père Isaac. Le Seigneur répondit aux secrets désirs de son cœur et, l’appelant la nuit dans une vision, il lui dit : « Je ouis Dieu, le Dieu de ton père ; ne crains point, descends en Egypte, je te ferai père d’un grand peuple en ce pays. Moi-même, j’y descendrai avec toi et moi-même je t’en ramènerai lorsque tu en reviendras. » Et afin que Jacob comprît bien que ce n’était pas de son vivant qu’il reviendrait en Chanaan, le Seigneur ajouta : « Joseph te. fermera les yeux de ses mains. » Rassuré par cette vision, le patriarche reprit son chemin et arriva en Egypte avec toute sa famille. F. Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 572-574 ; F. Keil, Comment, on the Pcntateuch, Edimbourg, 1872, t. i, p. 369-374.

Joseph averti par Juda, que Jacob lui avait envoyé pour le prévenir de son arrivée, vint en toute hâte dans la terre de Gessen, à la rencontre de son père, et se jeta dans ses bras en pleurant, tandis que celui-ci lui disait : « Je mourrai content, maintenant que je t’ai vu. » Joseph donna ensuite à ses frères des instructions sur ce qu’ils devaient dire au pharaon, afin de le déterminer à les établir dans la terre de Gessen, et les choses réussirent en effet comme il l’avait souhaité. Gen., xlvi, 28 ; xlvii, 6. Ce point réglé, ce fut le tour de Jacob d’être présenté au roi par Joseph. Il le bénit en entrant et en sortant, et lorsque le prince lui demanda son âge : « Les jours de mon pèlerinage sont de cent trente ans, petits et mauvais. » Le patriarche se retira ensuite avec ses fils dans la terre de Gessen, où l’affection de Joseph lui assura, en ce temps de famine générale, l’abondance de toutes choses et une existence tranquille et heureuse pendant les dix-sept années qu’il vécut encore. Gen., xlvii, 7-13.

Parvenu à l’âge de cent quarante-sept ans et se sentant près de mourir, il appela Joseph auprès de lui et lui fit promettre avec serment de ne point l’ensevelir en Egypte, mais de faire transporter son corps dans la terre promise à ses pères pour y reposer à côté d’eux dans le même tombeau. Joseph le lui jura, Gen., xlviii, 27-31. Le texte sacré donne à entendre que Jacob tomba malade peu de temps après. Joseph se rendit auprès de lui avec ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob s’assit sur son lit et, après avoir rappelé les promesses que Dieu lui avait faites à Béthel sur l’avenir de sa race, il déclara à Joseph qu’il voulait faire siens Manassé et Éphraïm et les rendre participants, à l’égal de ses propres fils, des effets de ces promesses. C’était là un suprême témoignage d’affection à sa chère Rachel dont il raconta une dernière fois la mort et la sépulture à Éphrata. Il bénit ensuite solennellement les deux fils de Joseph en plaçant sa main droite sur Éphraim le plus jeune et la gauche sur l’aîné Manassé, non point par mégarde et à cause que ses yeux s’étaient affaiblis, mais parce que Dieu lui révélait que si les destinées de Manassé devaient être grandes, Éphraïm occuperait une place plus glorieuse dans le futur peuple d’Israël. Le patriarche prédit ensuite à Joseph que Dieu ramènerait sa race dans la terre de ses pères. Gen., xlviii, 1-22. Jacob bénit eDfia