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IVRAIE — IVRESSE


men. La pénétration se fait dans la plante an moment de sa floraison, par la base de l’ovaire ; le nucelle est d’abord contaminé, puis la réserve interne de matières nutritives au voisinage immédiat des cellules formant l’assise-à-gluten. Quant à l’embryon lui-même, il reste indemne, ce qui explique pourquoi la jeune plante qui en naît, bien que sortie d’une graine infectée, reste saine pendant toute la première phase de sa vie végétative, jusqu’au moment où sa propre floraison l’expose à une nouvelle invasion du parasite. La présence de cet organisme étranger chez le Lolium temulentum parait si constante que l’auteur de cette découverte n’hésite pas à y voir un fait d’association normale ou de symbiose. Il en serait de même aussi pour deux espèces voisines, lés Lolium arvenseet linicola, qui, du reste, ne sont considérées par plusieurs que comme de pures variétés du précédent. Ces trois types, rendus vénéneux par suite de la cohabitation d’un champignon, forment en tous cas un groupe des plus naturels dans le genre Lolium, caractérisé par la longueur de la glume basilaire, qui atteint le sommet de l'épillet. Chez toutes les autres espèces, où la glume reste plus courte, l’infection semble très rare et accidentelle, d’où il résulte qu’elles peuvent être employées sans danger dans l’alimentation des animaux. Une d’entre elles constitue même l’un des fourrages les plus précieux, et se cultivé communément désignée sous le nom de ray-grass par l’agriculture, le Lolium perenne. — Voir P. Guérin, Sur la présence d’un champignon dans l’ivraie, dans le Journal de botanique, 1898, p. 230 ; Prillieux, Maladie des plantes agricoles, 1897.

IL Exégèse. —, L’identification du ÇiÇàviov (pluriel, ÇiÇâvia) n’offre aucune difficulté : c’est bien le nom de l’ivraie, non pas de provenance grecque (le iiom grec de cette plante était alpa, d’où le latin sera, Plin., H. N., i 19C. — L’ivraie. xviii, 44), mais sémitique. On

peut comparer le p’n, zônîn

du Talmud, le ^y^zeouân arabe que l’on fait dériver de ^U, zan, « nausée. » Le nom viendrait à cette plante de l’effet qu’elle produit : la graine en effet donne des vomissements, une sorte d’ivresse, des convulsions qui vont parfois jusqu'à la mort. Pline, fl. N., xviii, 44. C’est de là que vient le nom latin populaire ebriaca qui a fait notre mot ivraie. Elle n’est mentionnée que dans un seul endroit de la Sainte Écriture, dans S. Matth., xui, 24-30, 36-43. Les caractères de la plante indiquée dans la parabole conviennent d’ailleurs parfaitement à l’ivraie. Tant qu’elle est en herbe, cette graminée se confond avec le blé : il faut une très grande attention pour pouvoir les distinguer. C’est ce que remarque saint Jérôme, Comment, in Matth., xiii, 26, t. xxvi, col. 94. Mais quand l'épi a poussé, rien de plus facile. Matth., xiii, 26. Mais si la méprise est alors aisée à éviter, il n’est pas sans difficulté d’arracher l’ivraie sans déraciner le blé en même temps, tant les

tiges des deux plantes sont souvent mêlées, et leurs racines enchevêtrées. Matth., xiii, 29. Au contraire, lorsque, à l'époque de la moisson, la faucille a coupé les tiges, rien de plus facile que de séparer l’ivraie. Matth., xiii, 30. Quant au fait de l’ennemi qui vient, durant la nuit, semer l’ivraie dans le champ nouvellement ensemencé, il n'était pas inouï en Orient comme en Occident. Cette façon de se venger devait même être assez fréquente, puisqu’elle a été prévue dans le code pénal des Romains. Mais il n'était pas nécessaire d’une main ennemie, que la croyance populaire était disposée à voir dans ces accidents, car certaines conditions de la température produisaient ordinairement tout le mal. L’ivraie est très répandue en Orient, et en particulier en Palestine. Thomson, The Land and the Booh, in-8°, Londres, 1885, p. 421. L’enseignement de la parabole se dégage facilement : du reste le divin Maître a pris la peine d’en donner lui-même l’explication à ses apôtres. Matth., xiii, 36-43. Nous y voyons le pouvoir laissé ici-bas au démon pour éprouver les hommes, la juxtaposition des bons et des méchants dans la destinée terrestre de l'Église, et leur séparation, à l'époque du jugement final.

E. Levesque.

    1. IVRESSE##

IVRESSE (hébreu : Sikkdrôn, de Mkar, « enivrer, » d’où Hkhôr et Mkkor, « ivre ; » (ar'âlâh, l’ivresse qui fait tituber, de râ'al, « tituber, » d’où ra’al, « titubation » par ivresse ; yain, « viii, » cause prise quelquefois pour l’effet ; Septante : (j18r(, d’où (jsfl-itov, « ivre ; » xpaiitâXi) ; Vulgate : ebrietas, d’où ebrius, « ivre ; » crapula), état de celui qui a bu à l’excès des boissons fermentées.

I. L’ivresse proprement dite. — 1° Les exemples. — Noé fut le premier à s’enivrer, mais son ivresse fut involontaire, parce qu’il ne connaissait pas les effets du vin. Gen., ix, 21-24. Les deux filles de Lot enivrèrent leur père pour commettre ensuite l’inceste avec lui. Gen., xix, 32-35. Le riche Nabal était ivre quand sa femme Abigaïl vint le retrouver après son heureuse intervention auprès de David, et elle dut attendre jusqu’au lendemain matin pour pouvoir lui parler. I Reg., xxv, 36, 37. Voir Nabal. — Pour cacher son adultère avec Bethsabée, David enivra le mari de cette dernière, Urie, mais ne réussit pas à obtenir ce qu’il désirait. II Reg., xi, 19. — Ela, roi d’Israël, s’enivrait à Thersa quand Zambri vint le tuer. III Reg., xvi, 9. — Rénadad, roi de Syrie, faisait de même sous sa tente. III Reg., xx, 16. — Holopherne dormait sur son lit du sommeil dé l’ivresse quand Judith le décapita. Judith, xiii, 4, 19. — Quand Ptolémêe, gendre de Simon Machabée, voulut s’emparer du pouvoir à sa place, il l’attira avec ses fils dans la forteresse de Doch, les enivra et les massacra. I Mach., xvi, 16. — Isaïe, v, 11, 22, parle de ces buveurs qui, dès le matin, courent aux liqueurs enivrantes et s'échauffent encore par le vin bien avant dans la nuit, pleins de bravoure pour boire et de vaillance pour mêler les liqueurs fortes. Il cite les propos que tient un de ces ivrognes : « Venez, je vais chercher du viii, nous boirons les liqueurs fortes, nous recommencerons demain et bien mieux encore ! » Is., lvi, 12. — Saint Paul mentionne les ivresses nocturnes des païens. I Thess., v, 7.

Les effets.

Sous l’influence de l’ivresse, le trouble

saisit l’esprit et se manifeste par l’incohérence des paroles. Aussi Héli, à première vue, croit-il à l’ivresse d’Anne, qui ne fait que remuer les lèvres sans se faire entendre. I Reg., i, 13, 14, — Au jour de la Pentecôte, lorsque les Apôtres se mettent à parler sous l’action de l’Esprit-Saint, les Juifs étonnés disent qu’ils sont ivres. Act., ii, 15. — Après ce trouble viennent l'étourdissement et la titubation. Zach., xii, 2 ; Is., ii, 17, 22. Les phénomènes 'les plus répugnants se produisent ensuite : « Ils" chancellent dans le viii, les boissons fortes leur donnent des vertiges… Toutes les tables sont pleines de vomissements, d’ordures (fig. 193) : il n’y a plus de place. > Is., xxviii, 7 ; Jer., xlvui, 26. Un lourd sommeil succède