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IVOIRE — IVRAIE


etc. Il est certain que les Hébreux ne travaillaient pas euxmêmes l’ivoire employé dans les maisons royales, mais qu’on s’adressait aux artistes phéniciens, experts en toutes sortes d’arts et d’industries. — 3° Amos, III, 15, annonce que les « maisons d’ivoire s périront avec tout le luxe des grands, qui ont maison d'été et maison d’hiver. Le même prophète maudit encore les grands d’Israël, qui s'étendent sur des « lits d’ivoire », c’est-à-dire sur des divans incrustés d’ivoire, pour se livrer à de scandaleux festins. Am., vi, 4. Le divan était chez les grands un

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191. — Ivoire gravé assyrien. Divinité ailée. Grandeur nature. British Muséum.

meuble d’apparat qu’ils aimaient à décorer luxueusement de matières précieuses et d’ivoire. Piaule, Stich., II, ii, 54 ; Horace, Sat., II, vi, 103. — 4° Dans sa prophétie contre Tyr, Ézéchiel compare cette ville à un vaisseau dont les bancs sont faits de buis incrusté d’ivoire. Ézech., xxvii, 6. Le buis est un bois dur qui se prête fort bien à des incrustations de cette nature. Virgile, Mneid., x, 137, parle aussi de « l’ivoire qui. brille incrusté dans le buis par l’artiste ». Cf. Buis, 1. 1, col. 1968. Le même prophète ajoute que Tyr faisait le commerce avec les marchands de Dedan ou Dadan, voir Dad&n 1, t. ii, col. 1202, et que, par l’intermédiaire de ces Arabes, la cité échangeait ses produits contre « des cornes d’ivoire et de l'ébène » provenant de beaucoup d’iles, c’est-à-dire de beaucoup de

pays asiatiques baignés par la mer. Ezech., xxvii, 15. Les Phéniciens ouvraient ensuite l’ivoire brut et le revendaient aux Assyriens, aux Hébreux, et aux peuples divers qui composaient leur clientèle. — 5° D’après la Vulgate, Esth., i, 6, il y avait dans le palais de Suse des tentures soutenues par des anneaux d’ivoire. Cette matière était sûrement à l’usage des rois perses, comme elle l’avait été sous leurs prédécesseurs assyriens et chaldéens. Cf. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, p. 193. Mais, au lieu d’anneaux d’ivoire, le texte hébreu et les Septante parlent ici d’anneaux d’argent. — 6° La Vulgate mentionne encore des princes de Juda « plus rouges que l’ivoire antique », Lam., iv, 7, là où dans l’hébreu il est question de perles, penînim. Voir Corail, t. ii, col. 957, et Perles. Saint Jérôme, a sans doute songé aux ivoires que les anciens teignaient quelquefois en rouge. — 7° Parmi les marchandises qu’on apportait dans la grande Babylone, saint Jean mentionne toutes sortes d’objets en ivoire, xîv oxéïoç iÀeçàvrivov, oninia vasa eboris. Apoc, xviii, 12. H. Lesêtih ;.

    1. IVRAIE##

IVRAIE (grec : ïtïâvia ; Vulgate : zizania), plante nuisible qui croît dans les blés.

I. Description.

Herbe annuelle de la famille des graminées, comme le blé, le seigle et l’orge, mais en différant complètement par ses propriétés, puisqu’elle est vénéneuse. Les effets qu’elle produit sur l’organisme, comparés à ceux de l’ivresse, lui ont valu son nom vulgaire herbe-à-l’ivrogne ; pour la même raison Linné l’avait nommée Lolium temulentum (fig. 192). Le danger de l’ivraie résulte surtout de ce qu’elle croit habituellement parmi les moissons et sous tous les climats. Car, si sa tige plus grêle et ses épillets latéraux pourvus d’une seule glume à la base permettent de distinguer assez aisément la plante complète, il n’en est pas de même malheureusement pour les graines isolées. Elles se confondent avec celles des céréales au moment de la récolte, et leur mélange avec le bon grain communique des qualités malfaisantes à la farine, au pain et même aux boissons fermentées qui en proviennent. Leur absorption est suivie de nausées, de vertige, de délire ; enfin la mort même peut survenir, quand la dose a été trop forte. Toutefois les conséquences de l’empoisonnement sont rarement aussi graves, parce que la dessiccation et surtout la cuisson détruisent en partie le principe toxique de l’ivraie. Celui-ci réside essentiellement dans un alcaloïde, la témuline de Hoffmeister, agissant sur le système nerveux, et associé à divers corps gras auxquels seraient dus les accidents des organes digestifs.

L’existence d’une espèce dangereuse parmi les graminées a été longtemps une énigme inexplicable, car on sait que cette famille est une des plus naturelles pour l’ensemble de ses caractères et qu’elle renferme, par ailleurs, les plantes les plus estimées pour la haute valeur nutritive de leurs graines, formant ainsi, de temps immémorial, la base de l’alimentation chez tous les peuples civilisés. On se demandait dès lors si les mauvaises qualités de l’ivraie tenaient à sa nature propre ou si elles ne. devaient pas être plutôt attribuées à la contamination de ses tissus par un organisme étranger. Or cette dernière hypothèse vient d'être pleinement confirmée par des observations récentes. On a reconnu, d’abord, que plusieurs céréales avariées, telles que le seigle, avaient déterminé les mêmes effets toxiques que l’ivraie, or l’analyse de ces grains de seigle devenu enivrant décelait un champignon microscopique, nommé Endoconidium temulentum par MM. Prillieux et Delacroix. L’identité des symptômes produits conduisait à admettre l’analogie des causes. C’est ce que vient d'établir positivement M. Guérin en constatant la présence de filaments d’origine mycélienne dans la graine de l’ivraie, sur le pourtour de l’albu-