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ITALIENNES (VERSIONS) DE LÀ. BIBLE


de Léon X, il prit part au complot de Luigi Âlamanni contre le cardinal Jules de Médicis (1522), le futur Clément VII ; mais la conspiration ayant été découverte, il prit la fuite, et se retira en France. Il retourna à Florence en 1527, après la chute du pouvoir des Médicis. Il revenait imbu des idées de la réforme ; il ne cessait , de parler contre le clergé et le catholicisme, de telle sorte que les Huit de la Seigneurie durent le mettre au ban du domaine florentin. Cf. Varchi, Storia fiorenlina, 1. vin. Il alla habiter chez ses frères imprimeurs, à Venise, où l’on jouissait alors d’une liberté de presse et de pensée, presque sans bornes ; là, il se donna tout entier aux études philosophiques et littéraires, entra en relations avec les hommes de lettres de Venise, parmi lesquels se distinguait alors le fameux libelliste et comédien Pierre Arétin. Avec les presses de ses frères, il publia plusieurs ouvrages ; mais ce qui l’a rendu célèbre, c’est surtout sa nouvelle version de la Bible. Il l’avait commencée du temps qu’il demeurait à Florence, vers 1528 ; mais il en avait conçu sans doute le projet en France. Quoi qu’il en soit, C’est à Venise seulement qu’il put la continuer, l’achever et l’imprimer, afin de propager en Italie la pensée de la réforme, comme Luther l’avait fait en Allemagne.

Le Nouveau Testament sortit le premier des presses de Lucantonio Giunti, en 1530, précédé d’une lettre dédicatoire au cardinal de Mantoue, Ercole de Gonzaga : Il Nuovo Testamento di Cristo Jesu Signoree Salvador nostro, di greco nuovamente tradotto in lingua toscana per Antonio Brucioli. Épigraphe : Predicate l’evangelo (Marco xvi). À la fin : impresso in Vinegia… nel niese di maggio 1530. Il fut réimprimé en 1532 et 1536 (Anvers, au lieu de Venise), en 1544 (dédié à la duchesse de Florence, Éléonore de Tolède), en 1548 (dédié au cardinal de Ferrare, Hippolyte d’Esté), en 1550 (à Lyon), en 1552 (dédié au cardinal de Tournon, archevêque de Lyon), etc. — En 1531, le même célèbre imprimeur florentin publia la version des Psaumes, par Brucioli : Psalmi di David nuovamente dalla Hebraica yerità tradotti in lingua toscana per A. B. Réimprimés plusieurs fois après (l'édition de 1534 est dédiée à Alphonso d’Avalos d’Aquino, marchese del Vasto), L’année d’après, la Bible entière dans la nouvelle traduction on toscan, sortit des mêmes presses, avec une lettre dédicatoire d’Antoine Brucioli à François I er, roi de France : La Bibbia, quale contiene i Sacri libri del V. T. Tradotti nuovamente da la hebraica verità in lingua toscana per A. B. Coi divini libri del N. T. Tradotti di greco in lingua toscana pel medesimo, in-f°. Cette version fut réimprimée plusieurs fois, les années suivantes ; le traducteur enrichit' son ouvrage de notes et de commentaires, qui furent publiés dans les éditions de 1540 à 1545. Voir I. Carini, dans le Manuale Biblico, t. i, p. 291-298, la description détaillée de plusieurs de ces éditions, avec ou sans commentaires. On fit aussi des éditions séparées des livres des Proverbes (1533), de Job (1534), de l’Ecclésiaste (1536), d’Isaïe (1537), du Cantique (1538, peut-être après quelques éditions), des Actes et de l’Apocalypse (1537), des Évangiles des dimanches et des fêtes (1539), des Épitres de saint Paul (1541-1558), de l'Épitre aux Romains (1545). La Bihle de Brucioli, avec ou sans commentaires, fut donc reproduite fréquemment, en partie ou en entier, dans la première et aussi dans la seconde moitié du xvie siècle, particulièrement durant la vie de l’auteur. Mais fut-elle véritablement Une version directe de l’hébreu ou du grec, comme le veulent les titres des éditions ? Il est probable que Brucioli a eu en France, à Lyon, et particulièrement à Florence et à Venise, l’occasion d'étudier les langues sacrées ; Florence était un centre de la culture grecque en Italie ; tandis que Lyon et Venise étaient peut-être les villes d’Europe les plus, fréquentées par les Juifs et leurs rabbins. En effet, l' Arétin, son ami, lui écrivait en

1537 qu’il était « un homme sans égal dans la connaissance des langues hébraïque, grecque, latine et chaldéenne », De même, le célèbre bibliothécaire de la Laurentienne, Bandini, le dit « homme d’un grand talent et savant dans plusieurs langues ». On peut ainsi justifier, jusqu'à un certain point, le témoignagne provenant de Brucioli lui-même, qu’il a traduit la Bible d’après le grec et l’hébreu. J’ai dit « jusqu'à un certain point », parce que Richard Simon, Histoire critique des versions da N. T., c. xl, a constaté que cet ouvrage ne dénotait pas une profonde connaissance de ces langues : au contraire, cette version dépend souvent d’une manière servile de la traduction interlinéaire de Santé Pagnino, . faite sur le texte hébreu et publiée en 1528, et de celle d'Érasme pour le grec du Nouveau Testament. Il semble donc que Brucioli n’avait de ces langues qu’une connaissance superficielle, et il dut ainsi s’aider de préférence des versions littérales contemporaines. On parle d’un rabbin, Élie, qui lui servit d’interprète pour traduire d’une façon exacte quelques passages de l’Ancien Testament. Cf. E. Comba, Storia délia riforma in Italia^ Florence, 1881, t. i, p. 524. En somme, Brucioli fit une œuvre plus protestante que catholique. Cela ressort clairement du caractère même de sa version, qui contrairement aux autres versions, jusque-là publiées en Italie, était directement tirée des textes originaux, sans tenir compte de là Vulgate latine, et par cela même elle reste si attachée à la lettre hébraïque, qu’elle devient obscure, et n’a presque aucune valeur littéraire. Mais ce qui révèle ericore plus l’intention protestante de cet ouvrage, c’est le large commentaire théologique que Brucioli y ajouta dans plusieurs éditions après 1540 ; ici la façon de parler et de penser du christianisme, du culte extérieur et de la Bible, né diffère presque en rien du langage des réformateurs. Même les lettres dédicatoires trahissent quelquefois l’idée de l’auteur, par exemple celle qu’il adresse en 1540 à Renée de France, duchesse de Ferrare, élève de Calvin et ouvertement favorable à la réforme. Il né faut donc pas s'étonner si Brucioli fut regardé, même par ses amis, comme un hérétique et un luthérien, et si après sa mort il fut condamné comme tel par plusieurs historiens. Cependant, jamais il n’abandonna la communion de l'Église catholique, il dédia maintes éditions de son ouvrage à des Cardinaux ou à des archevêques, et en 1551 il fit même présenter saBible au pape. Cf. Lettere di diversi scritte all’Aretino, t. ii, p. 412 ; t. v de l'édition avec commentaires, 1542. On ne connaît pas la date précise de sa mort. Sa version ne pouvait manquer d'être condamnée par l'Église. Elle figure dans l'édition de l’Index du pape Paul IV, publiée en 1559 par le célèbre imprimeur Antoine Blado. Jusqu’alors les éditions' de cette traduction avaient été nombreuses et très répandues dans la haute Italie ; après l’interdiction, on cessa de l’imprimer. Néanmoins, en 1562^ une nouvelle édition parut à Genève, pour l’usage des protestants italiens réfugiés dans cette ville. Elle avait été corrigée et retouchée par Filippo Rustici, de manière à en supprimer les hébraïsmes trop durs, qui la rendaient obscure et presque inintelligible : La Biblia… nuovamente trad. in lingua volgare… con moite et utili annotazionie figuree carte, etc. Quanto al N. T. è stato rivedutoe ricorretto… con una semplice dichiaratione sopra l’Apocalisse. Stanxpato appresso Francesco flurone, l’anno m.d.lxii, petit in-f ».

II. autres rBasiorrs du xvp. siècle. — Le contrecoup de la réforme luthérienne et la réaction catholique produisirent un certain nombre de versions totales ou partielles de la Bible en Italie. Il en parut plusieurs au xvie siècle, plus ou moins dépendantes de celle de Brucioli.'Une nouvelle version de toute la Bible parut à Venise en 1538, par le Père Santé Marmochino, des frères prêcheurs. Ce dominicain demeurait à Florence dans le célèbre couvent de Saint-Marc, et jouissait -