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GALILÉE


vue dogmatique et non au point de vue politique ou stratégique, ils divisent la Galilée en trois parties : « La Galilée supérieure (pays montagneux), au delà de Kefar Hananyah (Kefr’Andn), pays où l’on ne trouve pas de sycomores ; la Galilée inférieure (pays de plaine), en deçà de Kefar Hananyah, qui produit des sycomores ; enfin, le cercle de Tibériade (pays de vallées). » Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 178. Ils mettent ainsi plus haut que Josèphe la ligne de démarcation entre les deux divisions de la province.

Description.

La Galilée est ainsi déterminée, du

côté du sud, par une ligne qui, partant du Carmel, suit le bord septentrional des monts de Samarie, et forme un arc de cercle dont l’extrémité orientale aboutit aux environs de Béïsân et au Jourdain. Du côté de l’est, elle a pour limites le fleuve sacré et les deux lacs de Tibériade et de Mérom. Au nord le Nahr el-Qasimiyéh, ou « fleuve de la séparation », constitue une barrière toute naturelle. Enfin du côté de l’ouest, la plaine côtière s’allonge comme une bordure plus ou moins large entre les monts galiléens et la Méditerranée. Notre description se bornera à la région montagneuse qui donne en somme le vrai relief du pays. Pour la plaine, voir Esdrelon, t. ii, col. 1945.

La Galilée, dans son ensemble, est un système montagneux qui peut être considéré comme le prolongement du Liban. Cependant elle comprend deux massifs distincts, de niveau et d’aspect différents, qui ont justement servi de base à la division bien connue en Haute et Basse Galilée. En suivant les Talmuds, qui nous semblent avoir mieux que Josèphe indiqué la limite entre les deux, tirons une ligne de Saint-Jean d’Acre à l’extrémité nord du lac de Tibériade, et nous rencontrerons une vallée, appelée Medjdel Kérutn, courant de l’ouest à l’est, et située à 250 mètres au-dessus de la Méditerranée. Les montagnes qui la dominent au nord sont sensiblement plus élevées que celles du sud ; l’enchevêtrement des collines et des vallées donne au premier groupe une physionomie que n’a pas le second. Nous avons donc là un trait physique suffisamment caractérisé pour établir une démarcation entre les deux parties de la province.

Le massif septentrional est un vrai labyrinthe de hauteurs, dans lequel on peut cependant distinguer immédiatement au-dessus de la ligne transversale que nous venons de tracer, une arête principale de trois sommets, le Djebel Adâthir (1025 mètres), le Djebel Djarmuk (1198 mètres) et le Djebel Zabud (1114 mètres). Ce faite, avec ses prolongements, forme quatre bassins inégaux, dont trois à l’est et un à l’ouest, bien qu’en réalité il-y ait deux versants méditerranéens et deux jordaniens. Vers le sud-est, plusieurs torrents descendent des monts de Safed à la côte nord-ouest du lac de Tibériade. Plus haut, les ouadis s’en vont dans la direction de l’est, aboutir au Jourdain ou au lac Houléh. Mais, au-dessus du Djebel Hadiréh, un versant se dirige vers le nord pour tomber dans le Nahr el-Qasimiyéh, vers le coude que fait ce fleuve en se rendant à la Méditerranée. A l’ouest, se profilent transversalement ou obliquement des chaînons tourmentés, rattachés entre eux par des contreforts latéraux. À douze kilomètres sud-est d’Iskandérounéh, le Tell Bêlât atteint 750 mètres, et, plus bas, le rebord de Terschiha est à 632 mètres. Sur ce versant, les rivières arrêtées jadis dans les cavités des entrecroisements, ont rompu cette barrière, et quelques marais seulement indiquent aujourd’hui pendant les pluies la place des anciens lacs. De nombreux ouadis descendent de la montagne et viennent déchiqueter la côte méditerranéenne. Les principaux, en allant du nord au sud, sont les ouadis el-Humraniyéh, eUEzziyéh, el-Qurn, le nahr Mef’schukh et le nahr Sémiriyéh. Des sentiers raides, parfois taillés en escaliers et d’une ascension pénible, courent le long de ces chaînons du groupe sep tentrional. Les flancs abruptes sont néanmoins boisés, parfois tapissés de vignes, et portant des terrasses successives soutenues par de gros murs. Du sein de ces broussailles, au milieu d’épais fourrés de chênes verts, d’arbousiers et de caroubiers, surgissent aux yeux de l’explorateur des arasements de murs d’enceinte, de tours et de maisons, des décombres de villes ou de forteresses, perchées comme des nids d’aigles sur des cimes élevées, des vestiges de temples, de synagogues et d’églises. Le roc est percé de tombeaux, de citernes, de magasins souterrains, de pressoirs. Il y a là des ruines de toutes les civilisations, depuis l’époque chananéenne jusqu’à la domination des croisés.

Les monts de la Basse Galilée, moitié moindres de hauteur, atteignent à peine 600 mètres dans leurs plus hauts points. Les principaux sommets sont : le Djebel el-Kummanéh (570 mètres), le Djebel Tur’dn (541 mètres) et le Djebel et-Tur ou Thabor (562 mètres). Ces chaînons méridionaux sont plus symétriquement orientés sur leurs deux versants et entourent quelques hautes plaines. La plus importante est celle de Battaûf, marécageuse à l’est, mais très fertile, longue de 14 à 15 kilomètres, et large de près de 4 kilomètres, à 150 mètres au-dessus de la mer, et entre des montagnes qui la dominent de 350 à 400 mètres. Plus bas, au pied sud du mont Tour’ân, est une vallée du même nom, longue de 8 kilomètres, sur 1 kilomètre et demi de large, également fertile. À l’ouest, le versant méditerranéen forme un double bassin, celui du Nahr Na’man (l’ancien Bélus), dont les branches principales sont les ouadis Schaïb, eUHalazun, ’Abilîn, et celui de l’ouadi el-Malek, affluent du Cison ou Nahr el-Muqatta. A’l’est, Vouadi er-Rabadiyéh et l’ouadi el-Har)iâm descendent au lac de Tibériade. Enfin, dans les directions sud-est, sud et sud-ouest, d’autres torrents s’en vont vers le Jourdain ou ses affluents, et vers le Nahr el-Muqalta. Les villages, encore plus nombreux autrefois qu’aujourd’hui, s’élèvent dans les vallées, sur le penchant ou sur le sommet des montagnes. Celles-ci étaient jadis cultivées jusqu’au plateau supérieur. On voit encore s’étager sur leurs pentes des plantations d’oliviers et de figuiers, ou des bouquets de térébinthes et de chênes, ou des fourrés de lentisques et de houx.

La Galilée se rattache au Liban, on peut dire comme la racine à l’arbre. Et c’est à cette dépendance qu’elle doit en partie la fertilité qui la met, aujourd’hui encore, bien au-dessus de la Samarie et de la Judée. Le Liban, en effet, emmagasine l’humidité que lui envoient" les vents d’ouest saturés des vapeurs de la mer ; il tient en réserve les neiges de l’hiver, et dispense jusque dans ses racines les trésors amassés en son sein. De là viennent, avec des pluies un peu plus abondantes, les nombreuses sources qui arrosent la contrée. Avec cela, la température est douce sur la côte, chaude dans la vallée du Jourdain, et toujours fraîche dans la montagne. L’air y est vivifiant. Autrefois surtout, forêts, prairies, champs cultivés, plaines couvertes de blé et d’orge, jardins, vergers, vignobles, fontaines, lacs et rivières, cités nombreuses et prospères, donnaient à cette région un aspect aussi varié qu’attrayant. Les bénédictions de Jacob et de Moïse, relatives aux tribus du nord, Gen., xlix, 13, 14, 20, 21 ; Deut., xxxiii, 18, 19, 23, 24, font allusion à ces richesses. Au I er siècle de notre ère, ce petit coin de la Palestine était ravissant. La description que nous en a laissée Josèphe, Bell, jud., III, iii, 2 ; x, 8, en fait une véritable merveille. Douceur du climat, beauté de la nature, fécondité inépuisable du sol, tout y était réuni. Le lac de Tibériade surtout était l’orgueil de la contrée. Incessamment animé par les barques des pêcheurs, il offrait sur ses bords la végétation la plus abondante et des arbres de toutes les essences. La fertilité de la Galilée n’est pas moins vantée par les Talmuds. « Le pays de Nephthali, dit celui de Babylone.