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ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE


moutier. Cf. les textes dans Berger (Bomania, 1891), p. 403. Des ressemblances, des parallélismes plus on moins clairs se rencontrent aussi en comparant les textes français avec l’italien de l’Ancien Testament, sans compter le Psautier. Toutefois on ne peut pas en déduire une dépendance totale directe, du côté de l’italien : c’est plutôt une harmonie des textes latins qui ont servi aux différents traducteurs, et parfois des souvenirs du traducteur italien qui connaissait plus ou moins directement les leçons des textes français et provençaux.

VU. CAUSE ORIGINELLE DBS VERSIONS DE LA BIBLE AU

moyen AGE. — Dans ces observations des caractères particuliers aux mss., nous avons déjà la clef qui nous permet de comprendre la formation de la Bible en langue vulgaire en Italie ; c’est dans l’état social et religieux du XIIIe siècle, qu’il faut la chercher.

Les hérétiques (Albigeois de Provence, Pauvres de Lyon et de Lombardie, Vaudois de la Savoie, du Piémont, des Romagnes, Patarins de Lombardie et de Toscane ) prirent, comme point de départ d’une renaissance religieuse, la lettre des Saintes Écritures. Le Nouveau Testament fut pour eux la grande et unique autorité religieuse ; sur les Évangiles on voulut édifier la nouvelle conscience chrétienne ; les Actes, les lettres des apôtres et l’Apocalypse devaient représenter à l’imitation des fidèles la vie religieuse pure et simple des premiers chrétiens, ou bien le sort historique et apocalyptique du clergé et de l’Église, , qui suivant eux avait manqué leur mission. Cf., par exemple, ms. Laur. Ashb., 415, Dansl’Ancien Testament, au xil" et au xiiie siècle le peuple ne fit attention qu’au Psautier, le manuel par excellence de la prière chrétienne, et à quelques autres livres moraux ou mystiques. Quant aux livres historiques et aux prophètes, on sait que les Cathares et les sectes dérivées les regardèrent comme l’œuvre de l’espr".lu » ial, du diable, et qu’à leurs yeux l’Ancien Testament ne méritait que l’exécration.

Parallèlement à ce mouvement religieux chez les peuples du moyen âge, se développa un grand mouvement littéraire. La langue latine avait cessé peu à peu d’être parlée et elle mourait après s’être assimilée de nombreux éléments celtiques et germaniques, et en donnant nais-. sance à tout un groupe de langues nouvelles. Plusieurs siècles furent nécessaires à ces langues pour se former et pour se créer une grammaire et un dictionnaire, mais lorsqu’elles eurent grandi, elles portèrent leurs fruits. On vit alors éclore une littérature profane, française, provençale, catalane, italienne, et en même temps une littérature religieuse qui, à cause des tendances qui portaient les esprits surtout vers les Écritures, fut surtout une littérature biblique. Le latin fut encore la langue officielle de l’Église, qui ne crut pas nécessaire d’adopter les nouveaux idiomes populaires : mais le peuple commença lui-même à traduire, dans l’ordre de leur importance, les livres de la Bible qui faisaient le fond de la liturgie : les Évangiles, les Actes, l’Apocalypse, tout le Nouveau Testament ; le Psautier (parallèle aux Évangiles), les livres sapientiaux (Proverbes, Ecclésiaste, Cantique, Job, etc.), et enfin le reste de l’Ancien Testament. C’est ainsi que se forma en Italie la version de la Bible, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle. L’extrême simplicité de cette traduction n’en fait pas une œuvre d’art littéraire ; elle fut seulement l’expression du mouvement religieux de cette époque. La comparaison de cette version avec les versions françaises (normandes) et provençales attestent que, particulièrement dans le Nouveau Testament, elle fut composée sous l’influence religieuse et à la fois littéraire de la France. Elle fut mise au jour primitivement dans un but de propagande très favorable à l’hérésie (vaudoise). Sur le caractère littéraire des versions bibliques de son temps, voir le frère Passavant], Specchio di vera penitenza, v, ch. 5.

TOI. USAGE DBS VERSIONS VULGAIRES DE LA BIBLE AU

j/v » et au xv siècle. — La science catholique dea docteurs, qui cherchèrent l’accord de la philosophie avec la foi, frappa d’un grand coup les hérésies qui se développaient au sein des peuples latins ; la sévérité de l’Inquisition romaine et des princes séculiers arrêta les progrès des hérétiques ; mais peut-être tout aurait été vain, si la Providence n’eût fait sortir du peuplé lui-même le principe de la restauration catholique. Elle suscita saint François d’Assise et saint Dominique. Les deux ordres qu’ils fondèrent, en leur donnant un caractère populaire, donnèrent l’essor à la renaissance religieuse de l’Italie et de la France ; ils établirent l’harmonie entre la foi catholique et les nouveaux besoins du peuple, et fournirent à l’Église romaine la force dont elle avait besoin pour purifier et renouveler l’état social au moyen âge.

Nous avons établi que la version de la Bible commença à se former en Italie vers le milieu du xiiie siècle et qu’elle fut probablement l’œuvre des hérétiques patarins et vaudois. Lorsque ces hérétiques disparurent, leur version devint comme l’héritage des religieux mendiants et de la masse populaire. La version de l’Ancien Testament (hormis le Psautier et les livres sapientiaux), la dernière à paraître, fut, vers la fin du xme siècle, l’œuvre exclusive de quelques frères franciscains ou dominicains. Mais le Nouveau Testament put être adopté par les catholiques, sans aucune revision, parce que les versions vaudoises de la Bible, malgré l’esprit qui les avait fait composer, étaient au fond orthodoxes, quant à la lettre de l’Écriture.

Au xiv siècle, la version de la Bible en italien est déjà regardée dans son ensemble comme une œuvre de source franciscaine et dominicaine. Plusieurs mss., comme nous l’avons remarqué, sont en effet de simples compilations de divers ouvrages appartenant au cycle franciscain et dominicain (Lettres de saint Jérôme, Sermons de saint Bernard, Voyages en Terre-Sainte, légendes apocryphes, etc.). Tandis que les franciscains propageaient les idées religieuses en langue vulgaire au sein du peuple, les dominicains, tels que Passavanti, Cavalca, Da V’oragine, Federico da Venezia, représentaient les maîtres de la doctrine catholique dans les plus hauts rangs de l’Église romaine et de l’épiscopat, mais entretenaient aussi la vie religieuse dans les classes populaires par leurs écrits en langue italienne. — En se plaçant à ce point de vue, on peut regarder l’édition complète de la Bible vulgaire italienne au xiv siècle comme une œuvre dominicaine ; mais la diffusion des plus intéressants des livres canoniques parmi le peuple italien, aux xiv » et xve siècles, fut plutôt l’effet de l’influence franciscaine.

ix premières bibles imprimées. — Pendant la seconde moitié du XVe siècle, qui vit naître l’imprimerie, la Bible italienne eut bien vite les honneurs de la presse. On en connaît deux éditions principales, parues à Venise. — La première fut publiée en août 1471, par le célèbre typographe allemand Wendelin, de Spire ; elle passe pour l’œuvre de Nicolo Malherbi : Biblia dignantente vulgarizata per il clarissimo religioso duon Nicolao de Malermi Veneziuno, etc. ; — à la fin du second volume, on lit : Impresso… négli anni m.cccc.lxxi. in Kalende de Augusto. Cette Bible est précédée d’une Epistola de Don Nicolo di Malherbi veneto al reverendissimo prof essore de la sacra theologia mæstro Laurentio, de l’ordine de sancto Francesco, dans laquelle l’auteur déclare avoir traducto tutto testo de la Biblia, et l’avoir enrichi de petits commentaires tirés des saints Pères et d’autres célèbres théologiens du moyen âge, par exemple Mæstro Michèle da Bologna de l’ordine di cartnelitani. La dédicace est suivie d’une réponse en latin du susdit Laurentius venelus theologorum minimus, ex ordine cordiferum, etc. Après l’Apocalypse on lit les Rime di Hieronimo Squarzafico de Alexau-