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ITALIENNES (VERSIONS) DÉ LA BIBLE


prieur, c’est-à-dire membre de la Seigneurie, an xv> siècle.

Plusieurs mss. trahissent leur origine de main populaire, par leur propre formation matérielle ; ainsi le Siennois I, v, 5, a été évidemment recueilli par quelque écrivain du peuple en but de composer comme une histoire du peuple d’Israël tirée de la Bible (Genèse, Exode, Rois, Machabées ; légende de Samson). D’autres contiennent, à côté des versions bibliques, certaines légendes de caractère entièrement populaire, et des récits de voyages en Palestine qui éveillaient tant la curiosité pieuse du peuple au.moyen âge. Le Magl., XL, 41, fait suivre les Évangiles d’un petit Évangile apocryphe ; le xxxvii, 47, « Bernardi de Brogiottis » après les Psaumes de la pénitence contient des relations sur la Terre Sainte et sur les pèlerins. Le Laur., pl. xxvii, 14., « libro de Vangieli rechato di gramaticha in volghare fiorentino » et « scritto per Andréa di Neri Vettori » contient à la suite un légendaire de Vies des saints. Le Magl., Corne, soppr., i, iv, 9 (Harm. évang.), a aussi la narration du voyage en Palestine fait, en 1385, par les trois citoyens de Florence, Giorgio Gucci, Andréa Rinuccini et Lionardo Freschobaldi, une épltre de N. S. tombée du ciel, etc. Le Ricc. 1749 (Harm. évang.), à l’aspect usé, est écrit en un langage plein d’idiotismes, de toscanismes, qui indiquent qu’il est l’œuvre d’un homme du peuple. Le Magl., XL, 47, joli petit volume de poche renfermant les Proverbes et l’Ecclésiaste, fut certainement écrit pour servir de manuel de lecture à une famille du peuple. À côté de ces indices d’un usage populaire, on rencontre çà et là dans les mss. la marque des ordres religieux du moyen âge, qui se rattachent au peuple plus qu’au clergé séculier par leur manière de penser et d’enseigner. Le Paris B. N. Ital., 3 et 4., a été écrit par le frère Nicholao de Neridono ; le psautier de Vicence par frate Lazzero da Venezia rumito ; le Siennois, I, v, 9, a une messe contre la peste (il date du xie siècle), des sermons vulgaires de saint Bernard ; Je Ricc. 1538 (très belles miniatures) « di Giovanni Mellini » contient aussi des légendes, une vision de saint Bernard ; le 1382 un traité de « frate Ghaligo », des lettres en langue vulgaire de saint Jérôme, très répandues parmi les ordres mendiants au moyen âge ; des sermons de saint Bernard ; le Marc, I, ital., 2, des mains d’un citoyen de Venise a passé par emprunt à la Chartreuse ; le Laur. xxvii, 6 (Actes), a une correspondance littéraire de Giovanni dalle Celle, moine à Vallombrosa, où l’on parle longuement contre les vices du haut clergé de l’Église romaine et contre le domaine temporel des papes au xive siècle ; le Magli., Pal. 5, a des sermons de saint Bernard, des lettres de saint Jérôme, dont une traduite par « mæstro Çanobi dell’ordine de’frati predicatori », l’autre par « Nicholo de Ghlno Tornaquinci s, illustre famille florentine ; deux autres mss. de la Magliab. appartenaient jadis au couvent de Santa Maria Novella des trères prêcheurs. D’autres mss. ont un cachet singulièrement franciscain : ainsi, par exemple, un recueil de proverbes de Jacopone da Todi se trouve dans le Ricc. 1304 ; et le 1354 (Harm. évang.) est suivi de quelques légendes de saints et d’une vie de saint François d’Assise, résumé des légendes courantes au xrve siècle. Il n’y a qu’un seul ms. qui soit de la main d’un membre du clergé séculier ; le Ricc. 1627 (Ep. Paul., fin xv> s.) écrit pare Giovanni Ciatini prêtre ».

Vf. PAJUSyTÉ HE LA BIBLE ITALIBNNB AVEC LES VER-SIONS romanes. — Un caractère remarquable des versions italiennes de la Bible, c’est la parenté qu’elles présentent assez fréquemment avec les autres versions du moyen âge, françaises, provençales, vaudoises, catalanes. Prenons Je Psautier, par exemple : il suffit de rapprocher nos meilleurs mss. avec les plus anciens de la version française (normande), pour voir aussitôt qu’il y a entre les deux textes une harmonie, un parallélisme

si parfait, qu’on ne peut l’expliquer qu’en admettant une dépendance directe l’un de l’autre :

Sienà F. iii, 4 : Beato è

quell’uomo che non. andô

nel chonsiglio de’malvagi

e non istette ne la via de’pecchatorie non sedette in

chattedra di pistolencia…

E gli malvagi non saranno

di taie maniera, ma ssaran no si chôme la polvare che’l

vento lieva di la terra, ecc.

[Berger, p. 374). Arse nal, 5056 : Beneùrez est H

homs qui n’ala pas ou con seil des félons, et qui n’es tut pas en la voie des pé cheurs et qui ne sist pas

en la chaiere de pest-illance,

… Li félon ne seront mie

en tele manière, mes ausi

corne la pouldre que li venz

lieve de la terre, etc.

Il est évident que le Psautier italien a été traduit presque mot à mot sur un Psautier français qui est plus ancien (xi-xii » s.) que toutes les traductions italiennes. —Le Nouveau Testament aussi offre de nombreuses ressemblances avec les autres versions romanes de la Bible. Le texte italien (toscan) des Évangiles, quoiqu’il se trouve si différent dans le mss. qu’il est presque impossible d’en restituer la leçon primitive, présente, même dans sa forme actuelle, des parallèles indéniables avec les versions françaises. Ainsi, par exemple, dans Matth., xxiv, 27, le mot fulgur de la Vulgate est traduit en italien il sole, qui est le mot de la Bible vaudoise, lo solelh. — La version de Luc, ii, 33 : Et era Joseph et Maria, et maravigliavansi molto Joseph et Maria, se rapproche de la vaudoise plus que de la Vulgate latine. — Luc, xviii, 28 : « Che dumque merito’nde averremo ? y c’est le texte de la Bible vaudoise et des mss. latins de Languedoc — Joa., i, 1 : Nel cominciamento era il Figliuolo di Dio (Ricc. 1252) ; Lo Filh era al cotnençament (ms. vaudois de Carpentras, et mss. provençaux) ; Au commenchement fu li Fieux (Desmoulins en 1295, qui paraît postérieur à la version italienne). Dans le même Évangile le surnom Didymus (de saint Thomas) est rendu en italien par incredulo, selon les textes provençaux, no crezentz (B. vaudoise, dubitos). Il est clair qu’une des versions a subi ici l’influence directe des autres et, dans le cas, c’est l’italienne, parce que le texte italien est celui qui rend le mot provençal ou français en s’éloignant du latin qu’on devait traduire. — La version commune des Actes présente un parallèle partiel (seconde moitié), mais pariait, avec une version vaudoise. Voir les deux textes rapprochés dans Berger (Romania, 1894), p. 392. On serait porté à dire, comme pour les autres livres, que c’est le texte italien qui dépend du vaudois. Mais notre version des Actes n’est autre que celle qui a été glosée par Cavalca et qui certainement lui appartient ; et par cela même, si étrange que soit le fait, il faut conclure que le texte vaudois n’est qu’une version du catholique italien. Comme nous l’avons déjà montré, la version primitive des Actes en italien est bien antérieure à Cavalca. Berger (Romania, 1894), p. 395, reconnaît à bon droit dans la version italienne de ce livre la même dépendance des. anciens textes provençaux et languedociens, que dans lesautres. On trouve aussi des ressemblances entre la version italienne et les versions françaises des Épltres pauliniennes et catholiques. Berger, p. 400. Il est toutefois difficile d’affirmer qu’il y a eu une influence directe des unes sur les autres, parce qu’il est possible que les traducteurs italiens se soient servis des textes latins, qui furent la source des versions provençales. Un point cependant parait être décisif en faveur d’une dépendance quelconque du texte italien : c’est l’expression de II Cor., viii, 18 (dans Jîice. 1250) : il nostro frate Luca, qui se retrouve seulement dans la version provençale (ms. de Lyon) et dans quelques mss. languedociens. La version commune de l’Apocalypse offre.aussi des parallélismes de dépendance avec les autres versions provençales ou vaudoises. D’autre part, la version singulière que nous avons remarquée dans le ms. Ricc. 1349 (xv> s.) est exactement une reproduction de la catalane du ms. de Mar-