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    1. ITALIENNES##

ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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traducteurs de la Bible, puisqu’il parle du caractère-des versions qui existaient déjà de son temps ; et Cavalca († 1342), le traducteur renommé de Vies des saints Pères, n’a traduit que les Actes des Apôtres, si même il les a traduits. Ces hypothèses n’ont pas d’autre fondement que le désir d’attacher à tort ou à raison l’origine du grand monument linguistique de la Bible italienne à un nom déjà célèbre et vénéré du xrve siècle. Le savant Negroni lui-même n’a pas su se défendre, après avoir rejeté les opinions précédentes, d’attribuer à la plume de Cavalca la plus grande partie de la version vulgaire. Negroni, Bibbia volgare, t. i, p. xx. Un simple examen des mss. suffit cependant pour montrer combien cette attribution est peu fondée : Une courte introduction aux Actes, de la main du célèbre écrivain, nous apprend à plusieurs reprises (cf. Ricc. 1250 ; Laur., PI. xxvii, 6, Ashb. 435) que ce livre a été travaillé par le frère Domenico Cavalca. Mais on ne peut pas conclure avec certitude de ses paroles que les Actes ont été traduits par le célèbre dominicain. Le prologue peut bien s’expliquer dans le sens que Cavalca soit non le traducteur, mais un nouveau rédacteur, voire le glosateur de la version préexistante. Que cette interprétation du prologue soit la seule vraie, on le prouvera par les mss. eux-mêmes. En effet, on rencontre au moins trois rédactions diverses des Actes, qui certainement ne sont pas tout à fait indépendantes les unes des autres, mais doivent être réduites à une même et seule version primitive : de Cavalca, dans les mss. désignés, du Ricc. 1252 ; du Laur, , Strozzi, 10. Or la comparaison des trois rédactions montre avec évidence, que Je texte du Ricc. 1252, qui est en général un texte ancien et se rapproche singulièrement du xme siècle, n’est que la version de Cavalca, plus incorrecte et presque sans gloses.

Ricc. 1252 : Il primo

sermone io feci, o Teofilo,

di tucte le cose ke Jhesù

cominciô a faree insegnare,

in fino al di che asciendècte

in cielo, cioè k’elli salio in

cielo, coramandando alli

apostoli li quali avea electi

per Ispirito santo, a’quali

dimostro se medesimo vivo

dopo la sua passione ecc.

Ashb. 435 : Lo primo

sermone, cioè lo vangelio’feci et compilai, o Teô philo, di tucte quelle cose

le quali Jesu incomincioe

a fare et a dire, in fino

adquel di et adquella hora

ch’elli comando alli appos toli, li quali ellesse per

Spirito sancto, c’andassero

ad predicare per lo morido

la fede sua, fu assumpto,

cioè salie te in cielo. Ai

quali appostoli si dimostroe

l vivo, cioè inventa d’unia a carne dopo la sua pas | sione ecc.

Certes, au xive siècle, on n’aurait jamais osé mettre la main sur une version de Cavalca, pour en ôter les gloses, et la changer à son plaisir : il est bien plus croyable que le célèbre dominicain ait cherché, pour satisfaire ses lecteurs, à reviser et à gloser, là où il le jugeait nécessaire, l’ancienne version des Actes. Le Laur., Strozzi, 10, nous sert à contrôler cette conclusion, puisqu’il contient la même traduction du texte latin que Cavalca (voire du Ricc. 1252) mais glosé d’une autre manière. "^

Laur., Strozzi, 10 : Lo primo mio parlamentoe sermone io feci, o Teofilo, di tulte quelle cose et opère le quali coinincio Jhesù di fare… in fino in quello die nel quale… fu levato in cielo et ricevuto ecc.

Il est impossible de supposer qu’on ait voulu au xvi » siècle substituer de nouvelles gloses à celles de Cavalca si appréciées par tout le monde. La version des Actes est donc plus ancienne et le travail de Cavalca n’a consisté qu’à la gloser. En outre, puisque le nom de cet écrivain ne se rencontre qu’en tête des Actes, et que jamais les mss. ne font allusion à d’autres versions de

livres bibliques qui lui appartiennent, il est établi que la traduction de la Bible en italien n’est nullement l’œuvre de Domenico Cavalca.

Aucun autre renseignement ne nous est donné par les mss. sur les auteurs de la Bible vulgaire. Il faut croire que si la version eût été l’oeuvre de quelque écrivafn connu du moyen âge, jouissant d’une autorité incontestée, nous aurions rencontré quelque part son nom, comme nous avons rencontré celui d’un simple glosateur, Cavalca. Il faut donc penser que le silence des mss. sur ce sujet provient de ce que ces traducteurs n’avaient en leur temps aucune importance personnelle, ou bien que s’ils jouissaient de quelque autorité, les copistes du xive siècle eurent quelque bon motif pour taire leur nom et en effacer la mémoire. Un examen plus approfondi des mss. mêmes nous donnera-t-il la clef de cette énigme ?

Y. CARACTÈRE POPULAIRE DES VERSIONS. — Ce qui

frappe le plus l’attention du critique, qui cherche à déterminer l’origine des mss. bibliques, c’est leur caractère populaire, si divers de celui qui est propre aux ouvrages du moyen âge. Les feuilles de garde des mss., les incipit, les explicit, sont bien riches de renseignements à ce propos ; ce n’est pas certainement avec le menu peuple, qui alors ne savait ni lire ni écrire, que nous avons affaire, mais presque toujours avec des gens du monde, et non du clergé ; ce sont eux qui paraissent se préoccuper des versions vulgaires de la Bible. À ce sujet le ms. peut-être le plus intéressant est le Marc. I ital. 3 des Évangiles, copié par un prisonnier politique, Domenico de Zuliani, Triestain, en 1369 « in civitate Venetiarum, in carcere que nominatur Schiava », un de ces affreux pozzi du palais des Doges, au delà du pont des Soupirs. Cf. Morpurgo S., Un codice scritto da un prigionierétriestino, daas VArchivio storico per Trieste, l’Istriae il Tridentino, t. n. L’explicit du ms. nous dit aussi qu’il a été copié « ad petitionem domini… » de quelque grand seigneur de Venise, dont l’autorité ou la générosité pouvait bien être utile au pauvre prisonnier, quoiqu’il eût été consolé par les paroles mêmes de Jésus et de son Évangile qu’il Copiait. — Un autre ms. bien curieux est le Ricc. 1655, qui se présente comme livre de comptes (1363-1367) des Ricci, grande maison commerciale de Florence aux xiv » et XVe siècles ; il est signé d’Ardingo di Chorso de’Ricci. Plus bas, il contient divers essais de versions vulgaires, entre autres la Genèse, écrits en 1399 par Romigi d’Ardingo, selon qu’il signe à la fin. Le volume est resté pendant longtemps chez les Ricci, et il porte encore les signatures de quelques membres de cette famille au xive siècle. Le Laur., pi. xxxii, 11 (Évang. dim.), a été copié « di propia mano » par « Piero di Gieri del Testa Girdami » en 1475 ; le pl. LXXXIX sup. 14 (Évang. dim.) en 1472 par « Piero di… », et en 1552 acheté par « Barone di ser Barone Baroni cittadino fiorentino » chez « Giacomino richatere et sensale àdine 18 di novembre… grossi sei d’ariento » ; suit une invocation à Dieu et à « messer sancto Giovanni Batista pastoree barone di questa misera citta di Firenze ». Ashb. 519, à la fin : « libro di tuttye vangiely e pistolee letione’che ssi dichano alla messa del nostro Singniore yho XPo sechondo la chorte di Roma, scritto per me Finosino di Lodovicho di Cere da Verazano del mese di luglio 1481 ; chompiessi di scrivere questo di xxi di luglio 1481 ; addio sia gratia. Scrissilo nel palazzotto di Pisa essendo là chastellano per piacere. » Le volume a passé après dans la possession de Nicholo de Finosino, comme nous le dit une autre inscription. De même le Ricc. 1252 appartint à « Ubertino di Rossello delli Strozzi » ; le Ashb. 1250 fut écrit par Agnioio di Bonaiuto di Nicholo Serragli ; le Ricc. 1356 (Harm. évang.) par un notaire florentin « Laynus de Carmignano » ; le Ricc. 1657 (Évang. dim.) « di mano di me Neri di ser Viviano de’Franchi da Firenze », qui fut