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    1. ITALIENNES##

ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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blement altérée ? Certainement, même dans cette seconde hypothèse, on ne pourrait facilement décider lequel des deux textes représente la meilleure tradition. Encore, chaque ms. a-t-il ses variantes propres, et il est bien difficile d’en démêler le texte commun et original. Le Psautier toscan, par contre, bien qu’il ait été transcrit dans bon nombre de mss. ne présente pas trop de différences ; les variantes sont nombreuses dans chaque copie, mais l’unité de version, à part quelques tentatives particulières, est partout manifeste. Les livres de Salomon sont remarquables par le nombre de leurs versions : cinq mss. des Proverbes donnent au moins quatre traductions diverses et indépendantes, si ce n’est que deux d’entre elles (Paris, Bibl. nat., ital. 3, et Siena, F. III, 4) ont les mêmes références relatives aux livres des Rois. De l’Ecclésiaste on possède trois versions. Pour le reste de l’Ancien Testament, l’unité et l’égalité de la version rassortent asseï clairement de l’examen des mss. qui offrent toutefois grand nombre de variantes.

2° Peut-on dire aussi, en général, du moins, qu’il n’y a qu’une seule et même version pour le Nouveau Testament ? Les mss. donnent une si grande variété de textes, ont chacun des caractères si particuliers, qu’on serait presque amené à admettre une foule de versions différentes. Celui qui connaît l’histoire de la Vulgate latine se rappelle naturellement, lorsqu’il étudie les mss. italiens du Nouveau Testament, ce que disait saint Jérôme des textes bibliques latins de son temps : Pêne tôt eoceniplaria quoi codices. Cependant les Évangiles toscans, à part quelque exception, par exemple Magl., Conv. soppr., C. 3, 175, semblent bien se rapporter, malgré les variantes des mss., à une seule et même version. La diversité de rédaction des Actes des Apôtres est surtout dans les gloses, et c’est un fait que nous examinerons plus tard. Pour les épltres de saint Paul, le Ricc. 1252 paraît donner une version indépendante des autres, mais cela n’est pas tout à lait sûr. Qu’on en juge :

Ricc. 1252

(Rom., viii,

35) : Dunque ki nne dipar tirà dall’amore et dalla ca rità diCristo ?Tribolatione,

angoscia, scacciamento, fa mé, pericolo o coltello ?

Non, si ccome è scricto, ke

nnoi per te semo mortiûcati

d’ogni tenpo ecc.

Ricc. 1250 : Adunque

chi ssi dipartirà dall’amore

di Cristo ? Sarâe tribula tione o angoscia o persecu tione o famé o nuditade

o pericolo overo coltello,

che cci parta dal suo amo re ? Che egli è scritto nel

salterio : Messer Domene dio, per te ecc.

On doit dire plutôt que nous avons ici, comme dans d’autres livres, deux rédactions d’une même version, mais dont l’une est sans glose et l’autre glosée, car, au milieu de cette profonde différence des deux textes, on reconnaît des mots, des formes, des phrases, qui n’auraient pas pu être écrits, si l’auteur de la seconde rédaction n’eût pas connu la première. Les Épitres catholiques nous présentent, la même rédaction de deux textes, l’un incorrect et glosé, l’autre sans paraphrase. Pour l’Apocalypse, on rencontre généralement la même version dans les mss. ; une autre, toute différente dès l’origine, est contenue dans le Ricc. 1349 (commenc. du xv « s.).

111. ORIGINES HISTORIQUES DES VERSIONS : ÉPOQUE. —

1° Tous les mss. des versions italiennes, connus jusqu’à présent, sont du xv » et du xiv< siècle, et ne rémontent pas, excepté peut-être un seul sans importance, au un » siècle. Cependant, du caractère des versions et de l’arrangement des livres, on peut conclure qu’elles existaient déjà vers le milieu du xin » siècle, ou peu après. 2° Voici dans quel ordre sont placés les livres du Nouveau Testament. Le Ricc. 1250 reproduit l’ordre ordinaire des mss. latins au moyen âge : Évangiles, Paul, Actes, Épitres catholiques, Apocalypse ; mais le Ricc. 1250, les deux Parisiens, et peut-être aussi le Siennois,

ont : Évangiles, Éptlres catholiques, Paul, Actes, Apocalypse. Ce second classement est bien rare dans les mss. latins du moyen âge (xiv «-xv » s.) ; la comparaison avec les diverses familles des mss. latins montre qu’il est ancien et remonte au moins au un » siècle. La division en chapitres, dans chaque livre de la Bible italienne, est aussi remarquable. Les mss. siennois du Pentateuque divisent les chapitres d’une façon particulière, qu’on retrouve seulement dans les mss. latins antérieurs au milieu du XIIe siècle. Un ancien système de chapitres se trouve aussi dans les livres de Judith, d’Esther, d’Esdras (Siena, F. III, 4) ; le livre de Job (ibid.) est divisé en 22 chapitres au lieu de 42 ; cette dernière division est celle des textes latins à partir du milieu du xiii » siècle.

3° « Il a circulé dans le nord de l’Italie, jusqu’un peu après le milieu du un » siècle, une famille de textes très reconnaissable, et qui avaient, autant qu’on en peut juger, un système de chapitres analogue. Ces textes sont caractérisés par un certain nombre de leçons, qui ne se rencontrent jamais ailleurs. Or quelques-unes de ces leçons ont passé dans ces textes : Exod., xxxiv, 28 : Stetit ibi cum dorhino Moyses. « Istette adunque quine Moyses cho’l Singniore » (Sienne, F. III, 4 ; cf. B. N., 1) ; Num., m, 45, fin : In prteceptis meis ambulent. « Se eglino observaranno i miei chomandamenti » (Sienne, F. III, 4 = B. N., l) ; Jer., xxv, 28 : Deus Israël. « Il Dio d’Israël » (B. N., 2) (Berger, dans la Romania, 1894, p. 372). C’est donc une conformité positive et directe que les mss. italiens présentent avec les textes latins du XIIIe siècle ; conformité qui n’existe pas dans les textes liturgiques en usage au xve siècle, ni même au xiv » siècle. Comme il n’est guère . admissible que des traducteurs du xrv » siècle aient voulu d’un commun’accord, et sans aucun motif plausible, se détacher des textes latins courants pour suivre les textes anciens et surannés, il faut en conclure qu’en général la version italienne de la Bible fut terminée vers le milieu ou pendant la seconde moitié du xiii » siècle. Ce qui reste obscur et fort incertain, c’est si, au xme siècle, il se forma une édition complète de la Bible italienne, embrassant tous les livres dans leur ensemble. Nous verrons plus loin qu’on put avoir au xiv » siècle des motifs pour détruire les mss. du xitr siècle, et il ne faut pas s’étonne ? si aucun d’eux n’est parvenu jusqu’à nous.

iv. auteurs des traductions. — Les historiens de la littérature italienne ont fait sur ce sujet beaucoup d’hypothèses et ont même prétendu les donner comme affirmations certaines. On a cru, par exemple, que l’auteur de la version biblique imprimée à Venise, dans la seconde moitié du xv » siècle, était le B. Giovanni Tavelli da Tossignano, mort évêque de Ferrare. En effet, une ancienne vie de Jean Tavelli, rédigée en 1597 par un évêque de Ferrare, dit expressément que le B. Giovanni a. traduit Bernardi serrhones, Biblise ac moralium Gregorii majorent partem eleganli stilo in maternum sermonem.Ct Negroni. La Bïbbia volgare (Dedicatoria. e proemio), 1. 1, Bologne, 1882, p. xv. Malheureusement ce passage laisse indécis, si ce fut une version de la Bible tout entière, ou seulement d’une partie considérable. Quoi qu’il en soit, la traduction de Tavelli n’est pas certainement celle qui fut imprimée à Venise, ni. celle des mss. qui en sont la source ; parce que le B. Giovanni naquit en 1386, et son activité intellectuelle sa reporte entièrement au xv » siècle, tandis que la version, italienne est contenue dans des mss. qui datent positivement du xiv » siècle. Aussi cette traduction a-t-elle étéattribuée à des écrivains du xiv » siècle, et particulièrement aux célèbres Jacopo di Voragine, archevêque de-Gênes, Jacopo Passa vanti, Domenico Cavalca, tous les trois frères prêcheurs, et créateurs de la prose italienne avant Boccace. Mais, à vrai dire, de Jacopo di Voragine on. connaît seulement une traduction de légendes latinespieuses. Passavanti s’exclut lui-même du nombre des.