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ISAIE (LE LIVRE D')


du Messie ; vi, 1, et iii, 13, affirment l’identité entre le Seigneur et le serviteur de Jéhovah ; dans VI, 1, « le Seigneur est assis sur un trône haut et élevé ; » et lii, 13, on lit : « Voici que mon serviteur comprendra, il sera exalté, haut et très élevé. » Trochon, lsaïe, p. 10 ; Kay, Introduction, p. 16.

VI. Unité d’auteur. — Cette question a donné lieu à de vives discussions, à de longues recherches et à de minutieuses analyses du texte d’Isaïe. Nous ne pouvons pas suivre toutes les phases par lesquelles a passé l'évolution de la critique rationaliste sur ce point, d’autant plus que nous serons obligé d’y revenir, et de nous livrer à un examen plus complet et plus détaillé de la question. Nous nous bornerons à présent à exposer et réfuter les conclusions de la grande majorité des critiques rationalistes :

Exposé du système rationaliste.

La plupart des

critiques rationalistes distinguent trois auteurs qu’ils appellent : Proto-Isaïe, Deutéro-Isaïe, Trito-Isaïe. Le Proto-Isaïe, vivant au viiie siècle avant J.-C, identique, à lsaïe le prophète, serait l’auteur d’une grande partie des prophéties des chapitres 1-xxxv..— Le Deutéro-Isaïe, au VIe siècle avant J.-C, serait l’auteur des chapitres xliv, à l’exception de quelques fragments ; cet auteur est inconnu ; on assuré en tout cas qu’il n’a pas vécu parmi les exilés à Babylone. Duhm pense qu’il a écrit dans quelque localité du Liban ou de la Phénicie ; Ewald et Bunsen croient qu’il vivait en Egypte. — Le TritoIsaïe, au milieu du Ve siècle avant J.-C, serait l’auteur des chapitres lvi-lxvi ; il aurait écrit à Jérusalem peu de temps avant la première arrivée de Néhémie, c’est-àdire avant 445 avant J.-C. D. Marti Jesaja, p. xiv, xv,

XIX-XXII.

Réfutation de cette théorie.

Cette théorie ne

saurait être admise. L’unité d’auteur découle rigoureusement de l’unité du livre. Nous avons prouvé (voir V, col. 957) que le livre d’Isaïe porte l’empreinte d’une profonde unité dans le sujet et les idées. Cette unité ne s’explique que par l’unité d’auteur. Il est moralement impossible en effet que trois auteurs principaux, écrivant à des époques différentes, et assez espacées entre elles, vin » sie.de, vie siècle, milieu du v » siècle, aient pu coordonner vers une fin unique une si grande masse de matériaux, une multitude considérable d’idées, et aient exprimé leurs pensées dans un langage identique. Ce serait contraire à toutes les règles de la critique. Il faut donc conclure que l’unité du livre et l’unité d’auteur sont indissolublement liées entre elles, et que, puisque nous n’avons qu’un livre, nous n’avons aussi qu’un auteur.

VII. Authenticité du livre.

I. authenticité lu livre en général. — Je ne connais aucun auteur qui ait nié radicalement l’authenticité des prophétie ? d’Isaïe, c’est-à-dire qui ait soutenu qu’il n’y a rien d’Isaïe dans le livre. Aucun rationaliste même parmi les plus avancés n’a été assez hardi pour aller jusqu'à cette extrémité. Nous n’avons donc qu'à résumer les principaux arguments en faveur de l’authenticité en général.

L’insertion dans le canon.

Aussi loin qu’on

peut remonter dans l’histoire du canon de l’Ancien Testament, on trouve lsaïe tel que nous l’avons aujourd’hui. Le livre tout entier dans le canon porte le nom d’Isaïe. C’est à lui qu’il est attribué comme à son véritable auteur.

Soin avec lequel on conservait les prophéties.


Les anciens Juifs apportaient un soin tout particulier à conserver les différentes prophéties et à les attribuer à leur auteur respectif. Nous avons des exemples de ce fait dans des prophéties d’une minime étendue, telles que la prophétie d’Abdias. De même dans les livres historiques les différentes prophéties sont attribuées à leurs auteurs : il en est ainsi de Lamech, Gen., v, 29 ; de Noé, Gen., ix, 25-27 ; d’Isaac, Gen., xxvii, 27-29 ;

de Jacob, Gen., xlix ; de Balaam, Num., xxiv ; de Moïse, Deut., xviii, 18 ; de Josué, Jos., vi, 26 : de Nathan, II Reg., vil, 5-16 ; de Michée, III Reg., xxii, 17 ; de Jonas. IV Règ., xiv, 25. Ils conservaient aussi avec le plus grand soin les livres attribués aux prophètes ; ainsi des livres de Samuel, Nathan et Gad, I Par., xxix, 29 ; du livre d’Ahias le Silonite, II Par., ix, 29 ; de ceux de Séméias et d’Addo, U Par., xii, 15 ; de celui de Jéhu, II Par., xx, 34 ; d’Hozaï, II Par., xxxiii, 19. Nous devons donc conclure par analogie qu’il en est de même du prophète lsaïe ; Dès lors qu’on attribue ces prophéties à lsaïe, il faut conclure qu’elles sont de lui. On n’a aucune raison de faire une exception à la règle générale en ce qui concerne lsaïe. — La chose est d’autant plus frappante que quelquefois, dans la Bible, on mentionne des livres sans nommer leur auteur, parce qu’il est inconnu. Prov., xxiv, 23 ; xxx, 1. Puisque ceux qui ont fait la collection des Livres Saints ont inséré dans le recueil ces prophéties sous le nom d’Isaïe, c’est qu’ils étaient certains que de fait lsaïe en est l’auteur. Cf. Knabenbauer, In Is., t. i, p. 16-17.

Les livres postérieurs.

On trouve dans les livres

postérieurs des allusions aux prophéties d’Isaïe, et même des imitations de son style et de son langage. Ces allusions et ces imitations s'étendent à toutes les parties. Nous bornerons nos rapprochements à Jérémie, à Ezéchiel, et aux deutérocanoniques :

A. — Jérémie et lsaïe.

Jérémie. lsaïe.

u, 21… v, 1.

vi, 13… lvi, 11.

v, 20… i, 11.

vu, 13… lxv, 12.

vin, 10.. lvi, ' 11.

Jérémie. lsaïe.

XXX, 10.. xLiii, l ; XLrv, 2.

xxxi, 6.. ii, 3.

xl vi, 27, 28. xliii, 1 ; xliv, 2.

XLvm, 29. xv, 6.

…. 33. … 10.

xvii, 5… xxx, 2 ; xxxi, 1… 37…2. xviii, 6.. xlv, 9. …. 44. xxiv, 18.

xxiii, 5.. iv, 2 ; xlv> 8. li, 8… xxi, 9.

B. Ezéchiel et lsaïe.

Ezéchiel.

lsaïe.

Ezéchiel. lsaïe.

VII, 18.

xv, 2.

xxxiv, 23. xl, H.

xvii, 7.

. LVIII, 7.

xxxvi, 20. lii, 5.

xxix, 6.

xxxvi, 6.

xxxvii, 24. xxxvi,

6.

xxxii, 7.

xiii, 10.

C. — Les deutérocanoniques et lsaïe.

Deutérocan. lsaïe. Deutérocan. lsaïe.

Sap., i, 7. vi, 3. Sap., ix, 13… xl, 13.

Id., ii, 6. xxii, 13 ; lvi, 12. Id., xiir, 11… xliv, 12.

Id., iii, 14. lvi, 3.

Le Nouveau Testament.

Les prophéties d’Isaïe

sont très souvent citées dans le Nouveau Testament. Le résultat général est celui-ci : sur les soixante-six chapitres d’Isaïe, il y en a quarante-sept qui sont cités ou auxquels il est fait allusion dans le Nouveau Testament, lsaïe lui-même est expressément nommé vingt-deux fois dans le Nouveau Testament, à savoir : Matth., iii, 3 ; iv, 14 ; viii, 17 ; xii, 17 ; xiii, 14 ; xv, 7 ; Marc, i, 2 ; vii, 6 ; Luc, iii, 4 ; iv, 17 ; Joa., i, 23 ; xii, 38, 39, 41 ; Act., viii, . 28, 30 ; xxviii, 25 ; Rom., ix, 27, 29 ; x, 16, 20 ; xv, 12. Cf. Alexander, Commentary on Isaiah, édit. J. Eadie, 2 in-8°, Edimbourg, 1865, t. i, p. 1.

II. AUTBENTICITÉ DE LA PREMIÈRE PARTIE, I-XXXIX. —

L’authenticité totale n’a jamais été niée, mais on a rejeté comme inauthentiques certaines parties. Nous aurons : occasion de revenir sur ce point à propos de l’intégrité, , car en réalité c’est plutôt de celle-ci qu’il s’agit.

Résumé historique des attaques.

C’est à la fin du

xviiie siècle que commencèrent les premières attaques contre l’authenticité des prophéties d’Isaïe. Pour ce qui