Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/492

Cette page n’a pas encore été corrigée
953
954
ISAIE (LE LIVRE D’)


seconde nous montre les humiliations profondes du serviteur de Jéhovali devenant la source de sa gloire (cf. Luc, xxiv, 26) et élevant en même temps Israël lui-même à la hauteur de sa vocation divine. Enfin ce n’est pas sans raison que Hahn a trouvé le résumé des idées principales des trois sections dans les trois propositions du ꝟ. 2 du chap. XL : Compléta est malitia ejus, dimissa est iniquitas illius, suscepit de manu Domini dupliciapro omnibus peccatis suis. La fin de la captivité de Babylone est, en effet, l’idée-mère de la première section ; l’expiation du péché par le sacrifice volontaire du serviteur de Jéhovah, l’idée-mère de la seconde, et la gloire, surpassant de beaucoup les souffrances expiatrices, l’idée-mère de la troisième. La promesse s’élève ainsi par degrés dans les discours 3x9 (voir III, II, col. 947), jusqu’à ce qu’elle atteigne enfin son apogée, lxv-lxvi, où le temps et l’éternité se confondent ensemble. » Frz. Delitzsch, Der Prophet Jesaia, p. 383-384. — « Mais ce roi terrestre (Cyrus) ne fera que peu de choses, comparativement à ce qu’il y a à faire : un autre joug, bien plus pénible que celui de Babylone, pèse sur Israël et sur l’humanité entière : c’est le joug du péché. Un libérateur paraîtra, plus puissant que Cyrus et que tous les rois de la terre ; il délivrera son peuple de la servitude du péché et fondera un royaume dans lequel entreront tous ceux qui voudront le servir et reconnaître son empire. Ce ne sera qu’une partie du peuple, au reste, qui retournera à Jéhovah et sera une semence sainte (Is., vi, 13 ; x, 22). Cest à ce faible reste que Jéhovah adresse d’une manière toute particulière ses prophéties sur l’œuvre qu’accomplira son serviteur… Les chapitres xl-xlviii mettent en lumière la majesté de Jéhovah qui se manifeste par la délivrance matérielle de son peuple ; mais déjà apparaissent les promesses de la délivrance spirituelle. La personne du serviteur de Dieu forme le centre et le point culminant dans les chapitres xlixlvii. Enfin nous contemplons les résultats de l’œuvre du Serviteur et la félicité de ses élus, lxiii-lxvi. » E. Schmutz, Le serviteur de Jéhovah, d’après Isaïe, xl-lxvi, in-8°, Strasbourg, 1858, p. $1-$2.

Style.

« Relativement au langage, il n’y’a rien

de plus achevé, de plus lumineux dans tout l’Ancien Testament que cette trilogie de discours d’Isaïe. Dans les chapitres i-xxxix, le langage du prophète est généralement plus concis, plus lapidaire, plus plastique, quoique déjà, là aussi, son style sache prendre toutes sortes de couleurs. Mais ici, xl-lxvi, où il n’est plus sur le terrain du présent, où, au contraire, il est ravi dans un lointain avenir comme dans sa patrie, le langage lui-même prend en quelque sorte le caractère de l’idéal et je ne sais quoi d’éthéré- ; il est devenu semblable à un large fleuve, aux eaux brillantes et limpides, qui nous transporte comme dans l’éternité, sur ses flots majestueux et en même temps doux et clairs. Dans deux passages seulement, il est dur, trouble, lourd, c’est liii, et liv, 9-lvii, 11°. Le premier reflète le sentiment de la tristesse, le second celui de la colère. Partout, du reste, se manifeste l’influence du sujet traité et des sentiments qu’il produit. Dans lxiii, 7, le prophète prend le ton du (efillàh (ou de la prière) liturgique ; dans lxiii, 19 b lxiv, 4, la tristesse entrave le cours de sa parole ; dans lxiv, 5, comme dans Jérémie, iii, 25, on entend le ton du Viddui (la confession) liturgique. » Delitzsch, Jesaia, p. 384.

4 « Contenu. — Cette seconde partie est d’une incomparable élévation au point de vue du contenu. On s’en convaincra par un simple aperçu. Elle débute par une prophétie semblahlé aux paroles de saint Jean-Baptiste. Is., XL, 3-4 ; Marc., i, 3. Son commencement est donc le même que celui de l’Évangile de saint Marc. Elle se termine par l’annonce de la création d’un nouveau ciel et’d’une nouvelle terre ; par là elle ressemble à l’Apoca lypse qui se termine de la même façon. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22 ; Apoc, xxi, 1. Le milieu de cette partie, lii, 13-uii, annonce les souffrances et la gloire du Christ ; ces souffrances de l’Homme-Dieu sont décrites avec autant d’éloquence et de clarté que dans les épltres de saint Paul. L’auteur de cette seconde partie réunit donc en lui l’évangéliste (au commencement de sa prophétie), l’apôtre (au milieu), le prophète (à la fin). « Isaïe a légué à Israël ses sublimes discours pour qu’ils pussent le consoler au milieu de la captivité de Babylone. On les a comparés aux derniers discours que prononça Moïse dans la plaine de Moab et qui ne us ont été conservés dans le Deutéronome ; bien mieux encore, aux discours de Notre-Seigneur, après la Cène, que nous lisons dans l’Évangile de saint Jean. Par leur élévation, leur profondeur, ils comptent en effet parmi les plus belles pages de nos Saints Livres, et il a été donné au seul serviteur de Jéhovah, quand il a paru visiblement au milieu des hommes, d’en briser tous les sceaux et de nous en dévoiler tous les mystères. » Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 659 ; Delitzsch, Jesaia, p. 384-385.

5° Première section : le vrai Dieu et les faux dieux, xl-xlviii. — 1° discours : Introduction, xl. Ce discours nous fait connaître l’objet même de la mission du prophète, qui est de consoler son peuple et lui annoncer le salut, en rappelant ses pensées et son attention sur la puissance de Dieu et la gloire du règne messianique. Les y. 1-Il sont le prologue des 27 discours : les ꝟ. 3-8 prédisent la mission de saint Jean-Baptiste. Cf. Matth., iii, 3 ; Marc, i, 3 ; Luc, iii, 4 ; Joa., i, 23. L’idolâtrie est une vraie folie ; les Juifs ne doivent compter que sur le secours du Seigneur, xl, 12-31. — 3e discours, xli. Dieu maître de l’univers et de l’avenir. Le prophète montre aux païens que le Seigneur est le maître de l’univers, et appelle Cyrus du nord-est, ꝟ. 2, 25 ; les succès de Cyrus seront une preuve de la supériorité de Dieu sur les idoles ; ils seront la ruine de l’idolâtrie et le salut de son peuple, ꝟ. 1-20 ; Dieu annonce à l’avance ce qu’il veut accomplir, ꝟ. 21-24, pour que chacun sache qu’il est le souverain maître de tout, et que l’avenir lui appartient, ꝟ. 25-29. — 3’discours, xlii, 1-xliii, 13. Il s’agit du serviteur de. Dieu et du médiateur d’Israël ; le prophète commence par introduire le serviteur de Dieu, ou le Messie, xlii, 1. Ce serviteur sera doux et pacifique, ꝟ. 23 ; il apportera à tous le salut et la rédemption, ꝟ. 7, 16 ; par conséquent, Israël doit se convertir et chercher de nouveau son Dieu et son Sauveur, xlii, 18-xliii, 13.

— 4e discours, xliii, 14-xliv, 5. Israël sera vengé et délivré de ses ennemis ; Dieu vengera Israël des Chaldéens, en renversant l’empire de Nabuchodonosor et la puissance des Chaldéens, xliii, 14-15 ; autrefois il délivra son peuple de la servitude d’Egypte ; ce prodige, il va le renouveler, ꝟ. 16-21, et cela non à cause des mérites de son peuple, mais par pure bonté, par grâce, ꝟ. 22-28 ; Dieu répandra sur les Juifs son esprit et ses bénédictions, et Israël prospérera et sera heureux, xliv, 1-5. — 5e discours, xliv, 6-23. Le prophète établit un contraste entre Dieu et les idoles. Dieu est le commencement et la fin de tout, l’alpha et l’oméga, xliv, 6. Cf. Apoc, i, 8, 17 ; xxii, 13. Israël ne doit pas craindre, mais avoir confiance en Dieu qui lui annonce à l’avance ce qu’il se propose de faire, xliv, 8 ; les dieux des Gentils trompent leurs adorateurs parce qu’ils ne sont que de vaines images, ꝟ. 9-17 ; les païens sont tellement aveuglés qu’ils ne voient pas le néant des idoles qu’ils fabriquent de leurs mains, jfr. 12-20 ; il exhorte Israël à revenir à Dieu qui l’a comblé de bienfaits, ꝟ. 21-23. — & discours, xliv, 24-xlv. Le prophète nomme Cyrus, l’oint du Seigneur, le futur libérateur d’Israël ; Dieu accomplira ses promesses, il relèvera Jérusalem, et ouvrira les portes de Babylone à Cyrus, son oint, lequel sera son instrument et restaurera la ville sainte, xliv, 24-28 ; Jéhovah conduira Cyrus comme par la main, et le fera marcher de succès en