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ISAIE

ΙSAÏE (Vulgate : Isaïas), nom, dans la version latine, de quatre personnages dont deux sont appelés en hébreu Yeša’eyâhû et deux Yeša’eyâh, c’est-à-dire « salut de Jéhovah » ou « Jéhovah est sauveur », les deux formes ayant la même signification et ne différant que par la manière d’abréger à la fin le nom divin. Un cinquième personnage, appelé Yeša’eyâhû dans l’hébreu, est nommé Jeseias et Jesaias dans la Vulgate, I Par., xxv, 3 (voir ces mots) ; deux autres enfin qui portent en hébreu le nom de Yeša’eyâh deviennent dans notre version latine Jeseias (voir Jéséias 1) et Isaia (voir Isaïe 6). Enfin une forme plus abrégée du même nom propre (hébreu : Iše’i), se trouve I Par., ii, 31 ; iv, 20 ; v, 24 (Vulgate : Jesi).

1. ISAÏE (hébreu : Yeša’eyâhû [יְשַׁעיָהוּ], Is., i, 1 ; la forme rabbinique du nom, qui figure en tête du Livre, est : ישעיה, Yeša’îha ; Septante : Ἡσαΐας ; Vulgate : Isaias), le premier des quatre grands prophètes d’Israël. Certains Pères latins écrivent Esaias (fig. 186).

I. Vie d’Isaïe.

On n’a pas beaucoup de renseignements sur la vie d’Isaïe. C’est au prophète lui-même qu’il faut demander les principaux éléments de sa biographie.


[Image à insérer]

180. — Le prophète Isaïe. Bas-relief d’une des portes de bronze de Saint-Paul-hors-lesMurs, à Rome, exécutées à Constantinople vers la fin du ΧΙe siècle, et détruites par l’incendie qui suivit la mort de Pie VII. D’après N. M. Nicolai, Della Basilica di San Paolo, in-f°, Rome, 1815, pl. Xv.

Il nous apprend qu’il était fils d’Amos. Is., i, 4. Certains Pères, trompés par une ressemblance de nom, crurent qu’Isaïe était fils du prophète Amos : ainsi Clément d’Alexandrie, Strom., i, 121, t. viii, col. 847 ; Pseudo-Épiphane, De vit. Proph., xii, t. x, col. 406 ; S. Augustin, De Civ. Dei, xvii, 27, t. xli, col. 583. Les deux noms sont écrits, en effet, de la même façon dans le grec des Septante : Ἀμώς, et le latin de la Vulgate : Amos. En hébreu, ils s’écrivent différemment : le nom du père d’Isaïe s’écrit : אמץ, ’Âmôṣ, tandis que le nom du prophète s’écrit עמס, ’Âmôs. Voir t. i col. 512. Saint Jérôme signale la méprise. In Amos, Prol., t. xxv, col. 989. Une tradition talmudique prétend que le père d’Isaïe était frère du roi Amasias dont il est question, dans IV Reg., xiv, 1. Cf. Megilla, 10b ; A. Rohling, Der Prohet Jesaja, Münster, 1872, p, 1 ; Winer, Realwörterdbuch, t. i, p. 554 ; J. G. Carpzov, Introductio in V. T., 3 in-4°, Leipzig, 1741-1757, t. iii, p. 92 : 93 ; Alexander, Commentary on the prophecies of Isaiah, édit. J. Eadie, Édimbourg, 1865, t. i, p. 40. Certains passages du Livre d’Isaïe laissent entendre que le prophète appartenait à une des meilleures familles de Jérusalem. Is., iii, 1-17, 24 ; iv, 1 ; viii, 2 ; xxii, 16. On peut même penser qu’il n’était pas étranger à la famille royale, Is., vii, 3. Cf. D. Karl Marti, Das Buch Jesaja, Tübingue, 1900, p. xx.

Nous savons par son propre témoignage qu’il était marié à une seule femme qu’il appelle prophétesse, Is :, vii, 3 ; non pas qu’elle fût douée du don de prophétie, mais parce qu’elle était la femme d’un prophète. Cf. Calmet, Dictionnaire de la Bible, Toulouse, 1783, in-8°, t. iii, p. 261. L’Écriture mentionne deux fils d’Isaïe, qui reçurent un nom symbolique : le premier fut appelé : Še’ar yâšûb, « le reste reviendra, » Is., vi, 8 ; le second : Mahêr-šâlâl-ḥâš-baz, « hâte-toi de prendre les dépouilles. » Is., viii, 3. Cf. aussi Is., viii, 18. On ne sait pas s’il eut d’autres enfants.

II. Commencement du ministère prophétique d’Isaïe.

Il existe sur ce point deux opinions.

1° Les uns pensent qu’Isaïe inaugura son ministère prophétique l’année même de la mort d’Ozias, selon Is., vi, 1. Ainsi Hésychius qui appelle ce chapitre vi « l’élection du prophète », χειροτονίαν τοῦ προφήτου, In Is., 9, t. xciii, col. 1372. Saint Jean Chrysostome paraît être de cet avis, puisqu’il compare la promptitude d’Isaïe avec les tergiversations de Moïse, Exod., iv, 10, et de Jérémie, i, 6. In Is., vi, 5, t. lvi, col. 73. M. Vigouroux partage aussi cette opinion : « Sa première vision eut lieu l’année de la mort d’Ozias. » Man. bibl., 11e édit., Paris, 1901, t. ii, Ῥ. 598.

2° D’autres auteurs pensent qu’Isaïe avait déjà eu des visions antérieures à celle dont il est question dans Is., vi, 1. Saint Jérôme déclare que tout ce qui est raconté dans les chapitres i-v arriva sous le roi Ozias, et que la vision de vi, 1 eut lieu après la mort de ce roi et sous le règne de son successeur Joatham ; In Is., vi, t. xxiv, col. 91 ; toutefois dans sa Lettre xviiie au pape Damase il paraît insinuer l’opinion contraire, t, xxii, col. 371. Saint Grégoire de Nazianze se rallie ouvertement à ce second sentiment, Orat. ix, t. xxxv, col. 820. Tel est aussi l’avis de Trochon : « Nous ne voyons pas de raison non plus, comme le veulent certains critiques, pour que cette prophétie soit la première en date d’Isaïe. Il a déjà fait connaître à ses concitoyens les avertissements de Dieu ; voyant qu’ils n’en ont pas profité, il s’en prend à lui-même, à ses péchés, et c’est alors que Dieu renouvelle sa mission, le purifie par la main du Séraphin, et l’envoie annoncer sa parole avec une autorité nouvelle. » Isaïe, Paris, 1878, p. 58.

III. Ministère prophétique d’Isaïe.

Isaïe prophétisa sous quatre rois successifs : Ozias, Joatham, Achaz et Ezéchias ; c’est lui-même qui nous le dit. Is., i, 4. Nous ne pouvons pas déterminer quelle fut sa première prophétie ; la dernière, dont nous connaissons la date, est de la quatorzième année d’Ézéchias, c’est-à-dire de l’an 712, en nous tenant à la chronologie ordinaire. Is., xxxvi-xxxix. Joatham, successeur d’Ozias († 758), régna seize ans (758-742). Durant le règne de ce roi, Isaïe semble avoir vécu dans la retraite ; en effet, aucune prophétie n’est datée de cette époque ; sous Achaz, successeur de Joatham (742-727), il intervint dans une circonstance critique pour la Judée, au moment où Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, menaçaient Jérusalem ; ce fut surtout durant le règne d’Ézéchias (727-698) qu’il exerça son ministère prophétique avec le plus d’éclat. Isaïe était en effet l’ami et le conseiller de ce prince ; il le soutint et l’encouragea dans tous les moments difficiles de son règne, surtout dans une grave maladie, Is.,