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ISAAC


Isaac alors ensemença des champs à Gérare, et la récolte produisit le centuple de la semence. Isaac s’enrichit de la sorte et, tout lui profitant, ses biens augmentèrent considérablement et il devint extrêmement puissant au milieu des étrangers. La multitude de ses troupeaux et de ses serviteurs excita contre lui l’envie des Philistins. Ils bouchèrent tous les puits qu’Abraham avait fait creuser autrefois et les remplirent de terre, et Abimélech lui-même expulsa Isaac de son territoire. Isaac se retira dans la vallée voisine de Gérare et il y ouvrit d’autres puits que les serviteurs de son père avaient creusés et que les Philistins avaient obstrués. Il leur rendit leurs noms anciens. Il fit fouiller encore au fond de la vallée, dans le cours du torrent, alors à sec, et on rencontra l’eau vive. Les bergers de Gérare cherchèrent querelle à ce sujet aux serviteurs d’Isaac et revendiquèrent la possession du nouveau puits, qu’Isaac appela 'Éséq, « Querelle, » Vulgate : Calumnia ; un autre puits fut encore discuté : Isaac le nomma Silnah, Vulgate : « Inimitié. » Les noms donnés à ces puits devaient rappeler les procédés malveillants et injustes des habitants de Gérare. S'éloignant davantage, Isaac demeura maître d’un dernier puits, qu’il appela Rehôbôf, « Largeur, » parce que Dieu l’avait mis au large et avait fait croître ses possessions terrestres. Gen., xxvi, 19-22.

Isaac retourna à Bersabée. Il y eut une seconde apparition de Dieu, qui lui renouvela les promesses faites à Abraham et lui donna l’assurance de ses bénédictions à l’avenir. Cette apparition, suivant de près la persécution d’Abimélech, avait pour but de réconforter Isaac, qui était naturellement timide. Ainsi encouragé, Isaac éleva un autel en ce lieu et, après avoir invoqué le nom du Seigneur, il y dressa sa tente et ordonna à ses serviteurs d’y creuser un puits. Il voulait y fixer son séjour. Gen., xxvi, 23-25. Voir t. i, col. 1632-1633. Abimélech, qui l’avait expulsé de ses terres, vint avec deux de ses officiers renouer une alliance qu’il avait lui-même rompue. Les Philistins avaient constaté que Dieu favorisait Isaac et ils voulaient s’allier avec un homme que le Seigneur comblait de ses bénédictions. Ils demandaient qu’Isaac s’engageât par serment à ne leur faire aucun tort, puisque, disaient-ils, eux-mêmes ne l’avaient lésé dans aucun de ses biens et l’avaient laissé partir en paix. Sans discuter leur conduite antérieure à son égard, Isaac, oubliant ses justes griefs, leur fit un festin, et, le lendemain matin, les voisins se jurèrent alliance, et Isaac laissa Abimélech retourner en paix dans son pays. Ce fut ce jour-là même que les serviteurs vinrent lui dire qu’ils avaient trouvé de l’eau dans le puits qu’ils creusaient alors. C’est pourquoi le patriarche nomma le puits Sibe’dh, « Abondance. » Gen., xxvi, 20-33. Voir 1. 1, col. 1629-1630.

V. Isaac et ses fils.

Cependant Isaac n’avait pas d’enfants, parce que Rébecca était stérile. Dieu le permettait pour éprouver la patience d’Isaac et sa confiance en lui. Il voulait aussi que la postérité des patriarches fût obtenue par la prière afin qu’elle ne fût pas regardée comme un fruit de la nature, mais reconnue et reçue comme un don de la grâce. Isaac pria donc pour Rébecca, et le Seigneur exauça sa prière, donnant à Rébecca la vertu de concevoir. Gen., xxv, 21 /Isaac avait soixante ans, quand naquirent Ésaû et Jacob. Gen., xxv, 26 ; Rom., ix, 10. Son mariage avait donc été infécond pendant vingt ans. Le père préféra Ésaû, l’alné, parce qu’il lui faisait manger de la venaison, produit de sa chasse. Gen., xxv, 28. Après avoir vendu à Jacob son droit d’aînesse, ' Gen., xxv, 29-34, Ésaû, âgé de quarante ans, épousa deux Chananéennes. Cette double union avec des païennes fut pour Isaac et Rébecca une cause de chagrin et leur donna de « l’amertume d’esprit ». Gen., xxvi, 34, 35. Le récit biblique place les épisodes du séjour d’Isaac à Gérare entre la naissance de ses fils et le mariage d'Ésaû. Si l’on n’admet pas la transposition,

que nous avons proposée plus haut et qui nous parait d’autant plus vraisemblable qu’il n’est pas question des enfants dans la narration de ces faits, on doit replacer ces événements dans cet intervalle de quarante années.

Isaac, devenu vieux (on a calculé qu’il avait plus de cent trente ans), crut reconnaître dans l’affaiblissement de sa vue un signe de sa fin prochaine ; il appela Ésaû, son fils aîné, afin de lui donner sa bénédiction. Il lui ordonna de lui apprêter une dernière fois du gibier qu’il aurait pris à la chasse. Pendant qu'Ésaû exécutait les ordres de son père, Rébecca, qui connaissait les destinées de Jacob, Gen., xxv, 23, suggéra à celui-ci une ruse qui lui assurerait la bénédiction paternelle. Elle prépara à Isaac un mets qu’elle savait être de son goût, et Jacob, revêtu des habits de son frère, se présenta à Isaac. Le père, qui ne pouvait plus voir, s'étonna du prompt retour du fils qu’il croyait être Ésaû. L'épreuve du contact enleva les doutes que lui laissait l’ouïe : « La voix, dit-il, est bien la voix de Jacob ; mais les mains sont les mains d'Ésaû. » Ainsi trompé par les apparences et par les affirmations mensongères de Jacob, il mangea de la venaison qui lui fut présentée et but du vin. Puis, il baisa son fils, en témoignage d’affection. Sentant alors la bonne odeur que répandaient les habits parfumés de Jacob, il exprima sa bénédiction dans un langage poétique et rythmé. Isaac avait à peine cessé de parler qu'Ésaû, revenu de la chasse, se présenta à son tour pour obtenir la bénédiction paternelle. Isaac l’interrogea et s'étonna profondément de tout ce qui s'était passé. Il a été surpris par la fraude de Jacob qui, par suite, a été béni à la place d'Ésaû. Toutefois, pour calmer le violent chagrin de ce dernier, tout en maintenant la bénédiction accordée, il lui conféra une bénédiction moins importante et d’ordre purement temporel. Gen., xxvii, 1-40. Voir t. ii, col. 1910-1911.

Comme Ésaû avait conçu pour Jacob une haine mortelle, Gen., xxvii, 41, Rébecca résolut d'éloigner son fils préféré, et pour faire agréer à Isaac le départ de Jacob, elle lui suggéra l’idée de l’envoyer en Mésopotamie prendre femme dans sa famille. Gen., xxvii, 42-46. Isaac accepta ce projet, et en ordonnant à Jacob d'épouser une des filles de Laban, il le bénit de nouveau. Jacob obéit aux ordres de son père. Gen., xxviii, 1-6. Isaac disparaît dès lors du théâtre de l’histoire biblique, qui s’occupe désormais de Jacob. Après quatorze ans de séjour en Mésopotamie, ce dernier résolut de revenir avec ses femmes et ses enfants vers Isaac, son père, dans le pays de Chanaan. Gen., xxxi, 18. Laban, si dur envers son gendre, lui laissa emmener sa part de troupeaux par crainte d’Isaac ou du Dieu que révérait Isaac. Gen., xxxi, 42. Jacob jura une alliance pacifique avec son beau-père par le Dieu que craignait son père. Gen., xxxi, 53. Dieu lui-même renouvela à Jacob les promesses qu’il avait faites à Abraham et à Isaac. Gen., xxxv, 12. Après diverses statidns, Jacob arriva enfin à Mambré auprès de son père. Gen., xxxv, 27. Plusieurs années plus tard, quand Isaac eut atteint l'âge de cent quatre-vingts ans, il mourut, consumé de vieillesse, et fut enseveli par ses fils, auprès d’Abraham, de Sara et de Rébecca, dans le tombeau de famille. Gen., xxxv, 28, 29. Comme son père, il avait été nomade et étranger dans la terre de Chanaan, promise à sa postérité. Gen., xxxv, 27 ; xxxvii, 1.

VI. Caractère moral d’Isaac. — Le trait dominant de son caractère fut la patience. « Avec une élasticité admirable, il plie sous le poids de la souffrance, mais pour se relever toujours. Il ne combat pas violemment, il ne résiste pas dans les différentes traverses de sa vie, et cependant il triomphe par sa résignation, par sa soumission à la volonté de Dieu. C’est là sa grandeur, d’autant plus digne d’admiration qu’elle est moins commune et moins comprise. » Vigoureux, Manuel biblique, 10e édit., Paris, 1897, 1. 1, p. 681. Il fout signaler aussi