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IMPURETÉ LÉGALE — INCARNATION*


il de la plupart des autres impuretés qui font l’objet de sa législation et qu’il empruntait, non comme des rites sacrés appartenant à des religions idolâtriques, mais comme des mesures suggérées aux peuples plus anciens par l’expérience même. Voir N. Guéneau de Mussy, Étude sur l’hygiène de Moïse, in-8°, Paris, 1885. — 2° Le côté hygiénique était secondaire dans la détermination des impuretés légales. Dieu sans doute voulait que son peuple fût physiquement sain et vigoureux ; cependant il tenait avant tout à ce qu’il fût moralement bon, et par conséquent obéissant. Aussi les impuretés légales sont-elles établies en son nom sans que le législateur cherche à les justifier par leur utilité physiologique, mais avec des formules impératives : « Parle aux enfants d’Israël et dis-leur… » Lev., xii, 1 ; xv, 1, etc. « Je suis Jéhovah, votre Dieu ; vous vous sanctifierez et vous serez saints, parce que je suis saint, et vous ne vous rendrez pas impurs. » Lev., xi, 44 ; xxii, 8, 9, etc. L’intervention de la volonté divine apparaît encore dans la fixation de la durée de chaque impureté. Il ressort de là que ce que Dieu veut prescrire avant tout, c’est l’obéissance à ses ordres et le soin de la pureté physique, symbole de la pureté morale. — 3° Cette pureté morale est en définitive le principal but que le législateur a en vue. Il est vrai que Moïse mêle indistinctement dans son code les souillures légales, même involontaires, et les fautes morales. Mais il ne confond pas les unes avec les autres ; encore moins songe-t-il à laisser croire que les observances matérielles peuvent tenir lieu des vertus morales. Il avait à entreprendre la formation religieuse d’un peuple grossier et sensuel, qui n’aurait rien compris à la pureté morale si des prescriptions sensibles ne lui avaient pas été imposées pour l’acheminer peu à peu de l’idée de propreté physique à celle de l’innocence de l'âme. C’est Dieu qui, au nom de sa sainteté, réclamait la pureté du corps ; n’avait-il pas droit, au même titre, d’exiger la pureté de l'âme ? L’Israélite pouvait-il tarder à comprendre que la première ne tenait nullement lieu de la seconde ? Cf. de Broglie, Conférences sur l’idée de Dieu dans l’Ane. Testant., Paris, 1892, vi, 4, p. 216222. — 4° Les impuretés légales auxquelles il se heurtait constamment, et dont plusieurs ne pouvaient même pas être évitées, entretenaient l’Israélite dans la persuasion de son impuissance à atteindre un niveau moral quelque peu élevé, de son néant devant le Dieu très saint et des obligations innombrables qu’il avait envers sa justice, sa sainteté et sa bonté. Il n'était pas jusqu'à cette fécondité de sa race, dont il avait quelque droit d'être fier, qui ne lui suggérât une pensée d’humilité devant Dieu, puisque cette fécondité même entraînait de multiples impuretés. — 5° Il faut observer encore que, si les impuretés légales n'étaient pas par elles-mêmes des péchés, toutes cependant se rattachaient comme conséquences directes à la faute originelle. De cette faute en effet provenaient la mort corporelle, la lèpre et les autres maladies, les troubles des organes de la génération et la souillure inhérente à la génération elle-même. Taxer ces choses d’impureté légale, c'était donc rappeler à l’Israélite d’une façon sensible la déchéance originelle, lui inspirer l’horreur de la première faute et l’obliger à se défendre contre ses tristes conséquences. Cf. Zschokke, Historia sacra antiq. Testam., Vienne, 1888, p. 134, 135. — 6° Cette législation avait enfin pour but et eut pour effet d'établir une ligne de démarcation presque infranchissable entre le peuple de Dieu et les peuples étrangers. C’est en grande partie -grâce à la nécessité de se préserver des souillures extérieures que les Israélites réussirent à s’isoler du monde païen qui les entourait, même quand il faisait invasion chez eux, comme au temps des Machabées, ou qu’ils vivaient eux-mêmes dans son sein, comme il arriva aux Juifs de la dispersion. Cf. Schûrer, Geschichte des

jûdischen V>>lkes, t. ii, p. 70, 71, 478-483.

H. Lesêtre.
    1. INCARNATION##


INCARNATION, état du Fils éternel de Dieu, depuis qu’il a pris, en unité de personne, une nature humaine, composée d’une âme et d’un corps. Le mot « incarnation » vise directement l’union de la divinité avec la partie matérielle du composé humain, conformément à la formule de saint Jean, l, 14 : « Le Verbe s’est fait chair » La « chair » est ici seule nommée, parce qu’elle constitue le terme extrême et en même temps le terme lo plus humble de l’union hypostatique. Mais, dans l’incarnation comme dans" l’ordre naturel, la mention du corps humain implique celle de l'âme humaine, ainsi que le démontrent nettement tous les textes de la Sainte Écriture qui annoncent ou racontent l’accomplissement du mystère.

I. Dans l’Ancien Testament. — Les prophéties qui se rapportent au Messie à venir font des allusions dé plus en plus claires à sa nature humaine. — 1° Dans la sentence portée au paradis terrestre contre le serpent, le Seigneur lui dit qu’il établira des inimitiés entre lui el la femme, entre sa race et celle de la femme, il ajoute : « Elle t'écrasera la tête. » Gen., iii, 15. « Elle, » c’est la femme, d’après la. Vulgate ; mais c’est la race de la femme, d’après l’hébreu. Le vengeur de l’humanité contre le démon, le Rédempteur, possédera donc la nature humaine, puisqu’il fera partie de cette race de la femme, race qui d’ailleurs ne sera victorieuse que par lui. S. Justin, Cont. Tryph., 100, t. vi, col. 712 ; S. Irénée, Adv. Hssres., iii, 23 ; iv, 40 ; t. vii, col. 964, 1114 ; S. Cyprien, Testim. cont. Jud., ii, 9, t. iv, col. 704. — 2° Il est promis aux patriarches que la bénédiction viendra par eux aux nations de la terre, Gen., xviii, 18 ; xxii, 18 ; xxvi, 5 ; xxviii, 14' ; et Jacob mourant annonce à son fils Juda que le sceptre ne sortira pas de sa race jusqu'à ce qu’arrive Sîlâh, le Messie auquel les nations doivent se soumettre. Gen., xlix, 10. Ces promesses, faisant suite à la prophétie du paradis terrestre, permettent de conclure que le Rédempteur fera partie de la descendance d’Abraham, de Jacob et de Juda, par conséquent qu’il sera un homme. Dans le même sens, Balaam salue à l’avance « celui qui sort de Jacob », Num., xxiv, 19, et Moïse annonce la venue future d’un prophète comme lui, suscité par le Seigneur du milieu d’Israël. Deut., xviii, 18. — 3° Les Psaumes ii, xliv, lxxi, cix, qui parlent des gloires du Messie, ne font pas d’allusions formelles à sa nature humaine. Il en est autrement de ceux qui décrivent ses souffrances. On<y voit le Rédempteur s’offrant à Dieu pour remplacer les anciens sacrifices et être immolé, Ps. xxxix, 7, 8 ; il est livré par l’un des siens, Ps. XL, 10 ; couvert d’opprobres, abreuvé de fiel et de vinaigre, Ps. lxvhi, 22 ; entouré de persécuteurs qui lui percent les pieds et les mains, Ps, xxi, 17, 18, enfin mis dans un tombeau, d’où il compte que Dieu le tirera aussitôt pour qu’il ne voie pas la corruption. Ps. xv, 10. Toutes ces prophéties n’ont de sens que si le Messie est homme. — 4° Michée, v, 1, annonce que celui dont l’origine remonte aux jours de l'éternité naîtra à Bethléhem, par conséquent qu’il viendra dans les conditions communes à tous les hommes. — 5° Isaïe est très formel en ce qui regarde l’incarnation future. « Une vierge concevra et enfantera un fils, auquel sera donné le nom d’Emmanuel. » Is., vii, 14. « Un enfant nous est né, un fils nous est donné ; le signe de la domination sera sur son épaule, et on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu, Fort, Père de l'éternité, Prince de la paix. » Is., ix, 5. À ces attributs, qui marquent la divinité, s’uniront donc les caractères qui constituent l’humanité, puisque ce Messie naîtra petit enfant. Il sera celui-là même qui a été promis aux patriarches, le rameau qui sortira du tronc de Jessé, le rejeton qui naîtra de sa racine, en un mot un Rédempteur qui sera homme comme l’ancêtre auquel il se rattache. Is., xi, 1. Les souffrances qu’il aura à subir accuseront encore davantage en lui la présence de l’humanité,