Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée
71
72
GALATES (ÉPITRE AUX)


pour la justification ; dans l’Epi tre aux Calâtes tont l’effort de l’Apôtre est donné pour établir cette proposition seule et l’argumentation est entièrement dirigée dans ce sens ; dans l’Épltre aux Romains, Paul expose, dans son ensemble, sa doctrine sur la justification, et l’inutilité de la.circoncision pour le salut entre dans l’exposé général comme une partie. Toutes les idées et les preuves qui, dans l’Épltre aux Galates, établissent l’inutilité de la circoncision, se retrouvent dans l’Épltre aux Romains, mais dans un ordre différent et avec une portée plus générale ; elles sont introduites à leur place dans la démonstration du plan de Dieu dans l’histoire de l’humanité. Mises en face l’une de l’autre, il faut reconnaître que l’Épltre aux Galates est une ébauche partielle, dont l’Épltre aux Romains est le tableau définitif. Il suffit de suivre les principales idées pour s’en convaincre. Paul affirme dans la première que l’homme est incapable d’accomplir toutes les œuvres de la loi ; or, il prouve dans les trois premiers chapitres de la seconde qu’en fait ni le Gentil, ni le Juif n’ont observé la loi. L’homme n’est pas justifié par la loi, car le juste vivra par la foi, Gal., ii, 11 ; Rom., i, 17 ; ce mode de justification est le plus ancien, puisque Abraham a été justifié par sa foi, avant d’être circoncis, Rom., iv, 11, et longtemps avant la promulgation de la loi. Gal., iii, 6 ; iv, 3. La promesse est faite à Abraham et à sa postérité et cette postérité c’est le Christ et ceux qui croient en lui, Gal., ii, 16, car Abraham n’a pas été le père des Juifs seulement, mais il a été le père de tous ceux qui croient sans être circoncis. Rom., iv, 11. Les conséquences morales de cette doctrine de la justification par la loi sont exposées rapidement dans l’Épltre aux Galates, v, 13, tandis gue, dans l’Épltre aux Romains, Paul s’y arrête longuement et établit en détail ce que sera la vie du fidèle dans le Christ. Rom., vi, vil, vin. Peut-on conclure de cette comparaison que l’épître abrégée est un résumé ou que l’épître la plus’longue est un développement de l’autre ? Non, car, bien que les doctrines de l’Épltre aux Galates se retrouvent dans l’Épitre aux Romains, elles sont présentées d’une façon trop indépendante, elles s’enchaînent trop logi^ quement pour marcher à une conclusion très, particulière, pour qu’on puisse les croire glanées, une à une, dans un autre exposé. Elles viennent du même fond, mais ne sont pas empruntées l’une à l’autre. On comprend très bien qu’un écrivain, ayant à exposer deux fois la même doctrine, se soit répété de cette façon, tantôt littérale, tantôt indépendante ; tandis qu’on ne voit pas pourquoi un faussaire aurait reproduit les textes ici servilement, ici très largement. Il aurait été bien habile. Le plus simple est de croire que saint Paul a écrit les deux Épltres.

Style de l’Épitre.

Il est inutile de prouver dans

le détail que le style de l’Épitre aux Galates est bien celui de l’Apôtre dans les lettres, que tous reconnaissent comme authentiques. Le nier, c’est nier l’évidence et il suffit de lire attentivement une page de cette Épître et une page de l’Épltre aux Romains, par exemple, pour être convaincu de l’identité d’écrivain. On relève des âitaÇ XsYÔ(ieva, mais toutes les Épltres de saint Paul en ont et même en de plus fortes proportions que l’Épitre aux Galates. On n’y trouve pas certaines figures de rhétorique qui sont fréquentes dans les Épltres aux Corinthiens. Mais peut-on obliger l’Apôtre à employer toujours les mêmes formes de langage ? En fait, il a usé à peu près de toutes les formes de rhétorique, les unes, plus souvent dans telle Épltre, les autres dans telle autre Épltre, mais que conclure de là ? Rien, sinon que sa disposition d’esprit ou son sujet n’étaient pas le même. — De cette ressemblance de style avec l’Épitre aux Romains, de ces mêmes expressions, de ces mêmes mots, employés dans les deux lettres, peut-on conclure à une imitation, exécutée par un faussaire ? Ce serait supposer un faussaire trop habile et tel qu’il n’y en eut jamais. Le style

de saint Paul est absolument inimitable, parce qu’il ne suit pas des règles fixes et déterminées. On peut imiter le style d’un écrivain, qui travaille à tête reposée, qui emploie toujours les mêmes procédés, mais comment imiter un style, tel que Celui de Paul, un style dont les procédés varient avec les circonstances, qui change i chaque instant, tout en restant au fond le même, un style où souvent les règles de la grammaire sont violées, Paul se préoccupant seulement d’exprimer sa pensée et s’inquiétantpeu de la forme ? C’est d’ailleurs supposer à ce faussaire une préoccupation qui n’était pas du tout de son temps. Aux premiers siècles du christianisme il y a eu des livres pseudépigraphes, mais dans aucun de ces écrits, on ne voit que l’auteur ait essayé d’imiter le style de l’auteur supposé.

4° Rapports entre l’Épitre aux Galates et les Actes des Apôtres. — Toutes les divergences qu’on a relevées entre l’Épitre aux Galates et les Actes, s’expliquent si l’on se place au point de vue particulier des deux écrivains. Saint Luc a écrit en historien et saint Paul en apologiste de sa conduite. Le premier raconte ce qui intéresse l’Église tout entière, ce qui importe à l’histoire de sa fondation et de son extension, il laisse de côté tous les faits personnels ou de détail ; le second raconte seulement ce qui lui est personnel. Luc a voulu en faire un récit complet et objectif. Paul choisit parmi les faits ceux qui conviennent à sa thèse. Il n’a pas l’intention d’écrire une page d’histoire ; il veut démontrer que son Évangile lui vient directement de Dieu, qu’il n’a reçu aucun enseignement humain, qu’il ne dépend pas des premiers Apôtres, qu’il est avec eux sur un pied d’égalité ; pour démontrer cette indépendance apostolique il cite seulement les faits qui la prouvent, car il n’avait pas à faire un récit détaillé des événements, bien connus de ses lecteurs. D’ailleurs, si l’on prend une à une les divergences, elles s’expliquent à la condition de ne pas presser les termes, de leur donner, au contraire, un sens large et de tenir compte des exigences de la polémique. Les divergences entre Act., ix, 1-21, et Gal., i, 15, 16, s’expliquent facilement à la condition de suivre les principes d’exégèse que nous venons de rappeler. Entre Act., ix, 19-30, et Gal., i, 16-24, il y a deux divergences plus difficiles à concilier. 1° Paul dit qu’après sa conversion il se retira en Arabie et que c’est après trois ans seulement qu’il alla à Jérusalem, i, 17-18. Les Actes, ix, 23, ne parlent pas du voyage en Arabie et rapportent que Paul alla à Jérusalem, « c 8k iîiXïipoûvTo 7)[ « .épxi ixavai, « lorsque furent accomplis des jours nombreux ; » i-*.a161 „a aussi ce sens, car la Vulgate le traduit toujours par multus et saint Luc l’emploie lorsqu’il ne connaît pas exactement le temps écoulé ; il n’y a donc aucune contradiction réelle entre les deux récits. — 2° Saint Paul, Gal., i, 19, dit que, pendant son séjour à Jérusalem, il ne vit que Pierre et Jacques et qu’il était inconnu de visage aux Églises de Judée, tandis que les Actes, îx, 26-29, rapportent qu’à Jérusalem il essaya de se mettre en rapport avec les disciples, qui se défiaient de lui ; Barnabe le conduisit aux Apôtres et, depuis lors, il allait et venait avec eux dans la ville et discutait avec les Gentils. — Les deux récits donnent aux faits une physionomie différente, mais non contradictoire. Saint Paul appuie principalement sur ce fait qu’il n’a vu que Pierre et Jacques parce qu’ils étaient les Apôtres les plus en vue et les seuls qui auraient pu lui imposer une doctrine ; or, ils ne l’ont pas fait. Les rapports qu’il a pu avoir avec les autres n’avaient, à son point de vue, aucune importance ; aussi n’en parle-t-il pas. — Les divergences entre Gal., ii, 1-10, et Act., xv, 1-35, ne sont pas réelles, parce que Paul s’est placé dans son récit à un point de vue tout à fait personnel et les Actes, au contraire, ont donné l’ensemble des faits ; les événements mentionnés sont, en définitive, les mêmes dans leur origine, dans leurs grandes lignes et dans leur résultat. Saint Paul ne