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IDOLE


toute erreur. Cf. I Tim., iv, i (doctrine des démons) ; Jac., iii, 15 (sagesse démoniaque).

V. Forme des idoles.

Les plus anciennes idoles mentionnées dans l'Écriture, les théraphim de l'époque patriarcale, Gen., xxxi, 34, étaient sans doute des statuettes grossières ou figurines en bois, en émail ou en pâte de verre, comme les tombeaux égyptiens en renferment par milliers. Au temps des Rois, les théraphim avaient une forme humaine et devaient approcher de la grandeur naturelle. I Reg., xix, 13-16. Plus anciennement ils servaient d’amulettes ou de parures. Les bijoux de ces temps reculés, qu’ils vinssent d’Egypte ou de Chaldée, ou qu’ils fussent fabriqués par les Phéniciens en vue de l’exportation, étaient très souvent des objets superstitieux et idolâtriques. C’est pourquoi Jacob enterre sous le térébihthe de Sichem les pendants d’oreilles de ses serviteurs. Gen., xxxv, 4. Aaron exige des apostats qui réclament le veau d’or le sacrifice de leurs pendants d’oreilles, soit pour les détourner de leur dessein, soit pour leur enlever des objets dangereux. Exod., xxxii, 2-4. Voir, comme terme de comparaison, les parures égyptiennes ou chaldéennes, ornées d’idoles, dans Perrot et Chipiez, Histoire de l’art, t. i, 832-848 ; t. ii, 764-775. L'époque des Juges se signale tristement par le culte des Baals et des Astarthés ou de leurs symboles, les 'àSêrôt et les ffammdnîm. Mais ici nous sommes en pays connu, car l’emprunt des Juifs est direct, l’imitation servile ; et les monuments phéniciens nous offrent la figure de ces deux divinités et de leurs emblèmes, adorés quelquefois eux-mêmes comme des idoles. Voir Aschéra, t. i, col. 1074 ; Astarthé, t. i, col. 1181-1186 ; Baal, t. i, col. 1315-1320. Pour Baal-Hammon, voir Corp. Inscript, sentit., part, i, t. i, p. 178, et planche xix ; Perrot, Histoire de l’art, t. iii, p. 73. À partir du viiie siècle, les prophètes nous fournissent de curieux et importants renseignements sur la matière, la forme, la fabrication des idoles et sur les rites ordinaires de leur culte. 1° Matière.

On employait de préférence les mé' taux précieux, l’argent et l’or. Ps. cxv (cxiii bis), 4 ;

cxxxv, 15 ; Ose., viii, 4 ; Is., ii, 20 ; xlvi, 6. Jérémie, x, 9, mentionne spécialement l’argent martelé (meruqqâ') de Tharsis et l’or d’Ophaz. Cependant les statues d’or ou d’argent massif devaient être assez rares ; d’ordinaire on plaquait de lames d’or ou d’argent les images coulées en bronze. Jer., x, 4. Il n’est guère douteux que la statue d’or de soixante coudées, érigée par Nabuchodonosor, ne fût simplement plaquée d’or, peutêtre seulement dorée, Dan., iii, 1, 5, 12 ; car on avait souvent recours à ces procédés économiques. Is., XL, 19 ; Bar., vi, 23, 50. Le nom même d’une catégorie d’idoles (nésék, massêkâh ; -/lâmvxdv, conflatile) et le fait que le fondeur est signalé, Is., xliv, 10, prouvent qu’il y avait aussi des statues en fonte : l’or et l’argent étaient travaillés de préférence au ciseau ou au marteau. Naturellement le peuple, ne pouvant aspirer à ce luxe, se contentait d’idoles de pierre ou de bois. IV Reg., xix, 18 ; Is., xxxvii, 19. La pierre n’est guère mentionnée que dans ces passages ; mais le bois l’est plus souvent. Is., xl, 19 ; Jer., x, 3 ; Bar., vi, 50. Les bois incorruptibles ou résineux comme le cèdre, l’yeuse (firzâh), le chêne, le pin Çôréri) étaient préférés. Is…xuv, 14. Presque tous ces matériaux sont nommés ensemble dans la Sagesse, xill, 10-11 : l’or, l’argent, la pierre, le bois.

Fabrication.

Sous le rapport des arts, les Juifs

furent toujours tributaires de l'étranger. Les Phéniciens leur fournirent, à toutes les époques, des ouvriers experts « à travailler l’or, l’argent, l’airain, le fer, habiles à préparer les toiles pourpre, bleu-violet et écarlate ». II Par., u, 6, 13. Les fabricants d’idoles durent venir, le plus souvent, du pays qui avait le monopole de ce genre d’ouvrages. C’est que fabriquer uneidole était une opération compliquée, s’il faut en juger par les descriptions

d’Isaîe. Quatre artisans semblent y prendre part : « Chacun aide son compagnon et lui dit : Courage ! Le ciseleur (luiras) excite l’orfèvre (sôrêf), le brunisseur (majôUq pattîs, celui qui polit au marteau) excite le forgeron (hôVêm pa’am, « celui qui bat l’enclume » ), disant de la soudure : Elle est solide ! » Is., xli, 7. Les procédés de fabrication variaient selon la matière employée : « L’ouvrier en fer ciselle le métal, il l’amollit dans le brasier, il le façonne à coups de marteau ; il y déploie toute la force de son bras ; il souffre la faim et la soif jusqu'à défaillir. Le menuisier applique la règle (qâv), il dessine l’image au crayon (ie’réd), il la dégrossit au rabot (maqsiïôf), il la mesure au compas (mehûgâh). j> Is., xliv, 12-13. Les textes semblables, assez nombreux, ne nous apprennent rien de bien précis, parce que l'écrivain sacré se propose moins d’expliquer le procédé technique de l’opération que d’en montrer le ridicule. Is., xl, 19 ; xlvi, 6 ; Ose., viii, 6 ; Jer., x, 3-5 ; Sap., xiii, 11-16 ; Bar., vi, 45-46. Ézéchiel le premier nous parle de peintures, mais aussi il nous transporte en Babylonie et nous présente « ces figures de Chaldéens peints au rouge d’ocre (SdSar), les reins sanglés, la tête coiffée de larges tiares (serûlfê tebûlïm) », que les monuments cunéiformes nous ont rendues familières. Ezech., xxiii, 14, 15 ; cf. viii, 10 ; Sap., xiii, 14.

Ornementation.

L’idole une fois prête, il fallait

la décorer. Si elle était en bois ou en fonte, on l’argentait ou on la dorait, Bar., vi, 23, 50 (ÇûXiva xa icep : 'xpu<ra xai irsptâpyupa), par des procédés qui nous sont inconnus ; souvent aussi on la plaquait d’argent ou d’or. Jer., x, 4. Les statues étaient quelquefois habillées d'étoffes précieuses, Is., xxx, 22 ; Jer., x, 9 ; Bar., vi, 1011, 19, 32, et couronnées de tiares. Bar., vi, 8, 9 ; Ezech., xxiii, 15. Enfin, après les avoir solidement fixées par des clous sur leur base ou leur piédestal, détail que les écrivains sacrés ne manquent pas de rappeler avec ironie, on les plaçait dans une niche ou un édicule faits à leur mesure. Is., xliv, 13 ; Sap., xiii, 15 (otV.ï][i. « ). La hache, le glaive et le sceptre, dont les arme Jérémie dans son Épitre, Bar., vi, 13, 14, sont des symboles assyriens ou babyloniens. Cf. de Saulcy, Histoire de l’art judaïque, 2e édit., 1864, p. 330-335.

VI. Rituel et cérémonies idolâtriques.

S’il est un fait dont tous les auteurs inspirés aient pleinement conscience, c’est bien le caractère étranger de l’idolâtrie en Israël. Les faux dieux sont importés du dehors ou, s’ils sont du pays, ils font partie des abominations de Chanaan dont la Terre Promise aurait dû être purgée. Déjà le nom qu’ils reçoivent si souvent (soixante-cinq fois, surtout dans Jérémie et le Deutéronome) de « dieux autres » que Jéhovah, 'ëlôhîtn 'âfyêrim, renferme une allusion à leur origine étrangère. Cf. Buhl, Gesenius' Hebràisches Handwbrterbuch, 13e édit., 1899, p. 28. Mais cette provenance exotique est expressément marquée dans une foule d’autres passages. Les idoles sont « des étrangers », zârim, Jer., ii, 25 ; iii, 13 ; Deut., xxxii, 16 ; « les ' dieux de l'étranger, » 'élôhê hannêkâr, Gen., xxxv, 2 ; I Reg., vii, 3 ; Jer., v, 19, « les vanités de l'étranger, » hablê nêkâr, Jer., viii, 19, ou simplement « l'étranger, ce qui vient d’ailleurs <>, nêkâr, II Par., xiv, 2 ; II Esd., xii, 30, ou enfin « les dieux des nations », dieux récents que les ancêtres n’avaient point connus. Deut., xxix, 17 ; xxxii, 17 ; Jud., ii, 12, 19 ; Israël n’a point par suite de rituel idolâtrique spécial ; les rites, les cérémonies, tout ce qui concerne le culte des idoles est emprunté au dehors, comme les idoles ellesmêmes. Le rituel est donc tour à tour chananéen, phénicien, égyptien, assyrien, suivant l’influence étrangère prédominante. Il faut seulement faire exception, dans une certaine mesure, pour le culte schismatique de Béthel et de Llan, où Jéroboam essaya de copier le rituel lêvitique, ou de s’en éloigner le moins possible. Le succès de la concurrence qu’il se proposait de faire à Jérusalem l’exigeait. On doit surtout en dire autant du culte inau-