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V. Authenticité.— L’authenticité de l’Épître aux Galates aurait à peine besoin d’être établie, tellement elle ressort avec évidence des faits racontés dans la lettre et des doctrines qui y sont exposées. Aussi l’a-t-on, dès les temps les plus anciens, reconnue comme ayant été écrite par l’apôtre Paul. Si nous ne tenons pas compte des doutes émis par l’Anglais Evanson (1792), c’est en notre siècle surtout que des critiques ont nié l’authenticité de cette lettre.

Le premier en date fut Bruno Bauer, qui l’attaqua dans la première partie de sa Kritik der paulinischen Briefe, Berlin, 1852. Le point de départ était une réaction contre le système de Christian Baur, sur l’authenticité des quatre grandes Épîtres et le rejet des autres Épîtres et des Actes des Apôtres. Naber et Pierson, Verisimilia, laceram conditionem N. T. exemplis illustraverunt et ab origine repetierunt, Amsterdam, 1887 ; Loman, Qusestiones Paulinæ, Leyde, 1882 ; van Manen, Bezwaren tegen de echtheit van Paulus brief aan de Galatiërs, Th. Tijdsch, 1886 ; Völter, Die Composition der paulinischen Hauptbriefe ; I, Der Römer und Galater-Brief, Tubingue, 1890 ; Scholten, Bijdragen, 1882, ont marché dans la même direction et attaqué les quatre grandes Épîtres. Ils les ont remaniées, dépecées, mutilées, n’en ont même conservé que des fragments ou les ont déclarées entièrement supposées. Rudolf Steck, Der Galaterbrief nach seiner Echtheit untersucht, Berlin, 1888, a concentré ses efforts sur l’Épître aux Galates. J. Friedrich (Mähliss), Die Unechtheit des Galaterbriefes, Halle, 1899, a résumé les objections des uns et des autres, surtout de Bauer et de Steck. Toutes leurs objections seront réfutées par l’établissement de l’authenticité par des preuves positives. Quelques mots suffiront ensuite pour résoudre celles de leurs difficultés, qui n’auront pas encore été éclaircies, principalement celles qui naissent des rapports entre l’Épître aux Galates et les Actes des Apôtres.

Preuves extrinsèques.— Saint Irénée est le premier qui ait formellement attribué l’Épître aux Galates à saint Paul ; mais des écrivains ecclésiastiques, plus anciens que lui, l’ont connue, car on trouve dans leurs écrits quelquefois des citations presque textuelles et souvent des passages qui la rappellent de près. — Les rapprochements avec l’Épître de Clément Romain sont très vagues. Cf. I Cor., ii, 1, t. i, col. 209, et Gal., iii, 16 ; I Cor., 49, 6, t. i, col. 312 et Gal., i, 4 ; II Cor., qui n’est pas de Clément Romain, mais remonte au milieu du iie siècle, l’auteur, ii, 1, t. i, col. 332, cite le passage d’Isaïe, liv, 1, comme le fait saint Paul, Gal., iv, 27, et l’Interprète de la même façon. Tous deux reproduisent les Septante. Les autres comparaisons, ix, 7, t. i, col. 228, et Gal., iv, 10 ; xvii, 3, t. i, col. 244, et Gal., i, 14, sont très vagues. — On trouve dans les lettres authentiques d’Ignace martyr plusieurs coïncidences, mais on ne pourrait affirmer qu’elles prouvent une relation entre ces lettres et l’Épître aux Galates. Voir Ephes., xvi, 1, t. v, col. 658 et Gal., v, 21 ; Polyc, i, t. v, col. 720, et Gal., vi, 2 ; Rom., va, t. v, col. 693 et Gal., v, 24 ; vi, 14 ; Philad., i, t. v, col. 697 et Gal., i, 1 ; Rom., ii, t. v, col. 688 et Gal., i, 10, etc. — Les rapports avec l’Épître de saint Polycarpe paraissent plus nets ; l’évêque de Smyrne emploie des membres de phrase, qu’il a dû lire dans l’Épître aux Galates. Ainsi v, 1, t. v, col. 1009 :εἰδότες οὔν ὅτι θεὸς οῦ μοκτερίζεται. Cf. Gal., VI, 7. Cependant cette expression : on ne se moque pas de Dieu, peut être une expression proverbiale. Cette formule : courir en vain, qu’emploie saint Paul, ii, 2, se retrouve, IX, 2, t. v, col. 1013. Πεπεισμένους ὅτι οὗτοι πάντες οὐϰ εἰς ϰενόν ἔδραμον, ἀλλ' ἐν πίστει ϰαὶ δικαιοσύνῃ. Cf. encore, iii, 2, t. y, col. 1008, et Gal., iv, 26 ; vi, 3, t. v, col. 1012, Gal., iv, 18 ; xii, 2, t. v, col. 1014, et Gal. t. i, 1. — Saint Justin a certainement connu cette Épître. Dans son dialogue avec Tryphon, xcv, il cite, t. vi, col. 701, le même pas sage du Deutéronome, xxiii, 26, que saint Paul, Gal., m, 10, et xevi, t. vi, col. 70t, il cite encore un autre passage du Deutéronome, xxi, 23, de la même façon que saint Paul, Gal., iii, 13, et il s’en sert pour faire un raisonnement, analogue à celui de saint Paul. Il introduit le premier par Une phrase, qui ressemble beaucoup à celle de Gal., iii, 10. Ce qui paraît décisif sur l’emprunt, fait par saint Justin à saint Paul, c’est que ces deux textes sont, mot pour mot, semblables à ceux de l’Épître aux Galates. Or, ici, Paul n’a reproduit ni les Septante que nous avons, ni le texte hébreu. — Athénagore dans son Apologie, iii, t. vi, col. 921, parle comme saint Paul, IV, 9, des :τὰ πτωχὰ ϰαὶ ἀσθνῆ στοιχεῖα, les éléments faibles et pauvres, expression très singulière et qu’il a dû emprunter à saint Paul. Ces textes, on le voit, à part un ou deux, sont peu probants. — Ceux des hérétiques le sont davantage. Lightfoot, Ep. to the Gal., p. 61, dit que les Ophites ont fait un grand usage de cette lettre. On en trouve des citations textuelles dans leurs écrits. Ainsi ils auraient cité Gal., iv, 26 ; voir Philosophumena, l, Pat. gr., . xvi, col. 3139 ; Gal., iv, 27, et Philos., v, 8, col. 3150, etc. Les Valentiniens d’après Irénée, i, 3, 5, Adv. Hær., t. vii, col. 478, s’en seraient servis aussi. Marcion l’avait placée dans son Canon en tête des Épîtres de Paul. Voir les parties qui nous en restent dans Zahn, Gesch. des N. T. Kanons, p. 495-505. Celse parle de ces hommes qui disent : ἐμοὶ ϰόσμος ἐσταύρται ϰάγὸ τῷ ϰόσμῳ. Gal., vi, 14. C’est, dit Origène, la seule sentence que Celse ait empruntée à saint Paul. Cont. Cels., v, 65, t. xi, col. 1288. L’auteur ébionite des Homélies clémentines, xvii, 19, t. ii, col. 401, met dans la bouche de saint Pierre un discours, où celui-ci reproche à Simon le Magicien, c’est-à-dire à Paul, de s’être opposé à lui,ἐναντίος ἀντεστηϰάς μοι, de l’avoir condamné, ϰατεγνοσμένον, paroles qui rappellent Gal., ii, 11. Il s’y trouve encore d’autres allusions à l’Épître aux Galates. On pourrait trouver d’autres rapprochements dans Justin le gnostique, dans Tatien, les Actes de Paul et de Thècle, XL. Gal., ii, 8. Mais pour ce temps-là, deuxième moitié du il » siècle, nous avons les textes précis de saint Irénée : Hær., v, 21, 1, t. vii, col. 1179, Voir aussi iii, 6, t. vii, col. 863. Au ine siècle, Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 15, t. viii, col. 1200. Tertullien, De præscript., c. vi, t. ii, col. 18, etc.

Preuves internes. — Ce témoignage de la tradition est fortement corroboré par l’étude de l’Épître elle-même. 1° Cette Épître rentre bien dans la suite des événements, que nous présentent pour cette époque les autres Épîtrees de Paul et les Actes des Apôtres, et l’on ne retrouve pas au IIe siècle une situation historique, qui puisse l’expliquer ; 2° les doctrines sont en accord avec celles qu’a enseignées saint Paul et 3° le style est identique à celui des lettres de l’apôtre. — 1° L’Épître aux Galates est une des premières Épîtres de saint Paul, et, quelle que soit l’hypothèse que l’on adopte sur sa date ou ses destinataires, elle doit être placée à peu près au même temps que les Épîtres aux Corinthiens, quelques années après les discussions d’Antioche sur les conditions d’admission des païens dans la communauté chrétienne, après le concile de Jérusalem, où fut réglée la question et avant ou après la deuxième aux Corinthiens, où se, discute encore l’autorité apostolique de Paul. Elle répond de tout point à ces diverses situations et n’a pu être : écrite qu’à cette époque, car ces questions n’ont pas été posées de nouveau dans les temps postérieurs. L’Église chrétienne se rattachait étroitement au judaïsme par ses origines, ses doctrines et ses premiers prédicateurs. Une question se posa donc, dès les premiers jours où des incirconcis écoutèrent la parole apostolique. Devait-on les admettre dans la société chrétienne et à quelles conditions ? Saint Pierre trancha la première question en baptisant le centurion Corneille et sa maison. Act., x. La deuxième question était plus délicate. Les chrétiens