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les Gentils, et s'était ostensiblement séparé de lui. ii, 41-15. Il n’avait aucun mandat pour remplir une mission parmi les païens, ii, 7-9 ; car il n’avait rien, ni personne qui attestât cette mission, sinon lui-même. La manière de vivre qu’il préconisait était contraire aux usages des Églises de Palestine et à la prédication des Apôtres. C'était pour plaire aux nouveaux convertis et obtenir de plus grands succès, i, 10, qu’il diminuait l'Évangile dans ses parties essentielles. Il sait d’ailleurs s’adapter aux circonstances, faire des concessions, i, 10 ; v, 11, et parler aux Juifs d’une tout autre manière. — 2° On attaquait surtout l'Évangile de Paul. La loi mosaïque avait été donnée aux hommes par Dieu comme un signe éternel d’alliance ; par conséquent, si les Galates voulaient participer à cette alliance, être des chrétiens complets, des membres de la communauté chrétienne, avoir part au salut messianique, ils devaient se faire circoncire, v, 2 ; vi, 12, observer les jours et les fêtes des Juifs, iv, 10. Mais les adversaires de Paul n’insistaient pas sur les autres obligations, imposées par la loi mosaïque ; ils n’avaient pas osé enseigner que le circoncis devait s’astreindre à toute la loi, v, 3 ; cette loi que les Juifs de naissance eux-mêmes n’observaient pas en entier. VI, 13. Ils rappelaient que les convertis du paganisme, « n se faisant circoncire, participaient à tous les privilèges que les Juifs avaient obtenus du pouvoir civil, et qu’ainsi ils évitaient la persécution, v, 11. — 3° En proclamant la déchéance de la loi, Paul met en doute la valeur des promesses divines, enlève toutes les barrières qui restreignaient le péché, et la liberté chrétienne, qu’il proclame, est la licence, l’autorisation de se livrer à tous les vices.

L’attaque des judaïsants était habile, car leur doctrine paraissait avoir pour elle l’Ancien Testament, la pratique de Jésus-Christ lui-même, des premiers Apôtres et des Églises de Palestine ; elle frappait au cœur même l'Évangile de l’Apôtre. Le salut est-il accordé à l’homme uniquement par la foi en Jésus-Christ ou a-t-il, pour condition nécessaire, l’observance de la loi mosaïque ? Paul a nettement posé la question lorsqu’il dit aux Galates : Je vous déclare que, si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien, v, 2. La question était donc de savoir si la loi était une institution transitoire, actuellement dépassée, qui avait produit tous ses effets et qui maintenant était remplacée par une nouvelle alliance, dont Jésus-Christ était l’initiateur et la condition. La question était certes difficile à résoudre, et il est possible que les judaïsants aient été de bonne foi. L’on ne peut donc s'étonner que ces insinuations contre la personne de l’Apôtre, que ces attaques contre son autorité et ses enseignements aient troublé profondément les Galates et que leur foi ait été ébranlée, i, 6. Us étaient fascinés, iii, l, et leur marche en avant fut arrêtée, v, 7 ; ils croyaient que Paul ne leur avait appris qu’un Évangile incomplet, que, n'étant pas un disciple immédiat du Seigneur, il ne savait pas tout. Ils étaient sur le point d’accepter un autre Évangile, i, 6, et de finir par les œuvres de la chair, après avoir si bien commencé par celles de l’esprit.-in, 3. Déjà ils observent les jours et les mois, les temps et les années, iv, 10 ; ils veulent se placer entièrement sous la loi. iv, 21. Il ne semble pas cependant qu’ils se soient déjà fait circoncire, v, 2, ni que les adhérents du nouvel Évangile aient été encore bien nombreux, et que tout espoir de les ramener et de rétablir les Galates dans la foi en Jésus-Christ ait été perdu, car Paul, tour à tour, exprime son anxiété, iv, 20, et sa confiance, v, 10 ; il éprouve de nouveau pour eux les douleurs de l’enfantement, mais enfin il espère qu’ils obéiront à la vérité et qu’ils persévéreront comme lui. v, 10. Quel qu’eût été le succès de ses adversaires auprès de ses enfants tendrement chéris, Paul fut très inquiet, IV, 20, et il aurait voulu être auprès d’eux pour changer de langage et les exhorter plus vivement. IV, 20. Dans l’impossibilité où il est d’aller les visiter, il prend la plume et, au lieu de dicter sa lettre, comme il le faisait d’ordinaire, il écrit de sa propre main aux Galates, vi, 11, persuadé que ce témoignage de sollicitude les touchera et que sa propre écriture aura plus d’efficacité que celle d’un secrétaire. Personne ne s’interposera entre lui et ses chers Galates. Il est vrai que le sens de cette phrase, vi, 11, n’est pas très clair. Saint Paul a-t-il voulu dire : Vous voyez quelle grande lettre je vous ai écrite de ma propre main, ou bien : Voyez avec quelles grandes lettres je vous ai écrit de ma propre main. De plus, Paul veut-il parler ici de toute sa lettre ou bien appeler l’attention des Galates seulement sur les dernières phrases, vi, 11-18, qu’il aurait ajoutées lui-même ? Ce petit problème, soulevé depuis longtemps, n’a pas été encore résolu. Cf. Cornely, Comm. in Gal., p. 604.

En résumé, l’argumentation des adversaires de l’Apôtre pouvait être réduite à trois points : 1° L'Évangile de Paul n'était pas d’origine divine et son apostolat était secondaire. — 2° En détruisant la loi, il est en opposition avec Dieu lui-même, qui a établi celle-ci comme condition de son alliance avec l’homme. — 3° Il ouvre la porte à toutes les licences. Il est peu probable que les attaques des judaïsants aient revêtu cette forme logique, et c’est Paul lui-même qui leur a imprimé cette puissance de dialectique. Il suit donc ses adversaires dans toutes leurs attaques et leur répond en établissant : 1. l’origine divine de son Évangile et son indépendance à l'égard des autres apôtres ; — 2. que la justification nous est accordée par la foi en Jésus-Christ crucifié et ressuscité, et non par la loi ; que celle-ci n’a été qu’une alliance transitoire entre Dieu et l’homme ; — 3. que la déchéance de la loi ne brise pas tout frein moral, car, désormais, la charité chrétienne sera la règle de nos actions. Telles sont les vérités que saint Paul établit dans sa lettre aux Galates.

III. Date et lieu de composition. — On ne sait ni la date exacte de l'Épitre aux Galates, ni la place que celle-ci occupe dans l’ordre des autres Épîtres de saint Paul. Il existe sur ces deux points, ainsi que sur le lieu de composition, des opinions très diverses et cela dès les temps anciens. Marcion, d’après S. Ëpiphane, Hær., xiii, 9, t. xli, col. 708, place l'Épitre aux Galates en tête des autres Épîtres de saint Paul. Victorin, vers 380 (Mai, Script. vet. nova coll., iii, 2, 1), rapporte que Paul écrivit cette épître, au temps où il prêchait à Éphèse, par conséquent pendant son troisième voyage missionnaire. Saint Jean Chrysostome, In Rom. hom. I, —, t. lx, col. 393, conjecture qu’elle est plus ancienne que l'Épitre aux Romains et qu’elle a dû être écrite vers la fin du troisième voyage de Paul. Théodoret, Comm. in Ep. Pauli Præf., t. Lxxxii, col. 41 et 504 ; saint Jérôme, In Gal., iv, 20, vi, 11, t. xxvi, col. 414 et 452 ; Euthalius, Argum. in Epi st. Pauli, t. lxxxv, col. 760 ; Pseudo-Athanase, Syn. S. Script., 62, t. xxviii, col. 417 ; Œcuménius, Comm. in Ep. Pauli, t. cxviii, col. 1089, pensent qu’elle fut écrite à Rome, pendant la première captivité de saint Paul. Les manuscrits, B" » KPL, 37, 47, 48, les deux versions syriaques, la version copte portent en souscription απο Ρωμης. Cette opinion a encore de nos jours quelques représentants, Halmel, Koehler, et cela à cause des passages, iv, 20 ; vi, 17, où l’on voit des allusions à la captivité de saint Paul, et de l’emploi qu’il fait des termes de droit romain, iv, 2 ; iii, 20. Zahn, Einl. in das N. T., t. I, p. 140-143, a montré que ces preuves étaient insuffisantes et qu’en particulier, si Paul avait été captif au moment où il écrivait, il l’aurait dit plus nettement, ainsi qu’il le fait dans les Épîtres, écrites certainement pendant sa captivité. De la diversité d’opinion sur les destinataires de l'Épitre est née la divergence des hypothèses sur la date et le lieu de composition. Elle est, a-t-on dit, la première Épître de saint Paul (Marcion, Zahn) ; la dernière (Koehler) ; elle a été écrite avant l’an 54 (Calvin, Michaêlis, Keil) ; peu de temps après la