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HILAIRE


moraux. — 3° Travaux scripturaires perdus, i. Saint Hilaire avait traduit, ce qui peut-être veut dire imité, les homélies d’Origène sur Job. Saint Jérôme parle plusieurs fois de cet ouvrage ; il dit, De vir. ill., c : Tractatus in Job, quos de grseco Origenis ad sensum transtulit. Il n’en reste que deux fragments sans importance, t. x, col. 723-724. — 2. Saint Jérôme dit encore, ibid. : « Quelques-uns disent qu’il, a écrit aussi sur le Cantique des Cantiques, mais nous ne connaissons pas cet ouvrage. » — 3. Le Liber mysteriorum, S. Jérôme, ibid., d’après les longs fragments publiés par Gamurrini en 1887, traitait des figures de l’Ancien Testament ; il doit donc être rangé parmi les écrits exégétiques du saint. — 4. Saint Hilaire avait-il écrit un commentaire des Épitres de saint Paul ? Il en est question dans des documents d'époque postérieure. Par exemple, le second concile de Séville (619) cite, cap. xii, quelques lignes d’une Explicatio Epistolat ad Timotheum, qu’il attribue à saint Hilaire. P. L., t. x, col. 724 el la note. Voir le 4° qui suit. — 4° Apocryphes. On tient généralement pour apocryphes les fragments publiés par Mai en 1852, Patrum nova bibliotheca, sur le début de saint Matthieu et de saint Jean, et sur la guérison du paralytique. Matth., îx. — Pour ce qui est des commentaires sur saint Paul, publiés sous le nom de saint Hilaire au t. I du Spicilegium Solesmense, p. 49, tout fait croire qu’ils sont de Théodore de M°P su este : le cardinal Pitra reconnut lui-même son erreur. On trouve, dans le même Spicilège, p. 159, un fragment sur l’arbre du bien et du mal, qui proviendrait peut-être de commentaires du saint docteur sur la Genèse. — 5° Copies des Evangiles attribuées à saint Hilaire. La pièce apocryphe, Testament de saint Perpétue, évêque de Tours, mort en 474, t. lviii, col. 754, parle d'Évangiles copiés de la main du saint ; Perpétue est censé léguer à Euphronius d’Autun : Evangeliorum librum, quem scripsit Bilarius, Piclaviensis quondam sacerdos. Christian Druthmar, moine de Corbie, parle aussi, In Matth., i, t. CVI, col. 1266, d’un évangéliaire en grec {peut-être du même ?) provenant, disait-on, de saint Hilaire. Avant la révolution, on montrait à Saint-Gatien, de Tours, des Évangiles latins, que l’on disait de même avoir été copiés par lui.

III. Usage de laBible dans les autres ouvrages de saint Hilaire. — Outre ses travaux proprement exégétiques, tous les écrits de saint Hilaire sont importants : 1° pour l’histoire du texte biblique, et surtout des versions latines antérieures à saint Jérôme. Voir les ouvrages spéciaux sur les anciennes versions, et M. Zingerle, indiqué plus bas à la bibliographie ; 2° pour l’exégèse des passages dogmatiques relatifs à la sainte Trinité. Ainsi, dans le plus important de tous ses ouvrages, les douze livres De Trinitate (356-359), le saint docteur expose et discute une foule de textes, tant ceux qui établissent clairement la divinité du Fils, que ceux dont abusaient les ariens. On peut remarquer au iv a livre ce que dit saint Hilaire sur le rôle de la seconde personne dans les théophanies de l’Ancien Testament ; au XIe, l’explication de I Cor., xv, 25 ; au xiie, celle de Prov., yiii. Pour les textes évangéliques, ceux de saint Jean surtout, ils remplissent l’ouvrage entier. Noter encore t. ix, § 2, sur la nécessité du contexte pour l’interprétation ; et "voir d’intéressantes remarques dans le P. de Régnon, Études sur la sainte Trinité, t. ii, Théories latines ; et dans la Patrologie de 'Bardenhewer, Christologie de saint Hilaire, trad. franc., t. ii, p. 280.

IV. Méthode et idées.

Les commentaires de saint Hilaire, c’est leur premier mérite, sont pour nous, avec ceux de Marius Victorinus sur quelques épîtres de saint Paul et celui de Victorin, évêque de Petau, sur l’Apocalypse, les plus anciens monuments de l’exégèse en Occident. Encore les ouvrages de saint Hilaire dépassent-ils beaucoup, en étendue et en importance, ceux

des deux Victorin. L'évêque de Poitiers aborde l’explication de l'Écriture avec une profonde vénération pour les Livres Saints, une haute idée de son ministère d’interprète, et la crainte que ses pensées et ses expressions ne soient au-dessous d’un si grand sujet : « Le prédicateur doit se dire qu’il ne parle pas pour les hommes, et l’auditeur doit savoir qu’on ne lui rapporte pas des discours humains, mais la parole de Dieu, les décrets de Dieu, les lois de Dieu : pour l’un et pour l’autre, le plus grand respect est un devoir. » In Ps. xtlï, i.

Dans le traité sur saint Matthieu, celui où il a le moins emprunté, saint Hilaire distingue nettement le sens littéral du sens figuratif. Le sens littéral, simplex inteU ligentia (à comparer au sens simple, peiat, des talmudistes), lui semble ne pas demander de longues explications ; mais il faut chercher, travailler, prier, pour arriver au sens plus intime et plus utile à l'âme, c’est-àdire aux vérités symbolisées par les récits évangéliques, aux leçons de morale qui découlent des paroles et des exemples du Sauveur, typica ratio, causse interiores, cmlestis inielligentia. « Dans la vérité des actions, dans les effets opérés par le Seigneur, se trouve une image, ressemblant aux faits eux-mêmes et explicable par eux, des vérités futures. » In Matth., xii, i, col. 984. Ses applications mystiques sont parfois fort originales, voir In Matth., ꝟ. 9, col. 947, les démons comparés aux oiseaux du ciel, les bons anges comparés au lis ; parfois fort justes et fort belles. Ainsi, il voit et il exprime très heureusement comment les actions du Sauveur sont typiques, non comme l’ombre d’une réalité plus haute, mais comme le modèle et l’idéal qui se reproduira et se prolongera pour ainsi dire à travers les siècles. Il dit, par exemple, à propos du Christ enseignant dans la barque, In Matth., xiii, i, col. 993 : « Que le Seigneur se soit assis dans la barque, et que la foule se soit tenue dehors, les circonstances en rendent raison. Car il allait parler en paraboles ; et, par une action de ce genre, il montrait que ceux qui demeurent hors de l'Église ne peuvent rien comprendre à la parole de Dieu. Car cette barque présente l’image de l’Eglise : c’est en elle que la parole de Dieu est conservée et prêchée ; ceux qui sont au dehors, pareils au sable du rivage, stériles et inutiles, n’en peuvent rien saisir. »

L’Ancien Testament est tout entier figuratif du Nouveau. Saint Hilaire fait la théorie de ce symbolisme dans l’Instructio Psalmorum (Migne, Prologus) ; il l’applique dans le commentaire lui-même sur les psaumes et dans les fragments conservés du Liber mysteriorum. Le commentaire du Ps. li est un curieux modèle d’exégèse mystique, souvent forcée et subtile à l’excès, et féconde aussi en applications de détail belles ou utiles aux mœurs (voir, dans ce psaume, ce qui concerne l’Eucharistie). Saint Hilaire est un témoin de cette doctrine, si fréquente chez les Pères, que Jésus-Christ est l’objet de toute l'Écriture Sainte. Pour comprendre chaquePsaume il fout en trouver la clef particulière (idée prise d’Origène, t. ix, col. 246, 247 avec la note) ; mais la foi au Christ est comme une clef générale, qui ouvre tors les mystères de l’Ancien Testament. Ibid., 235-237. Saint Hilaire dit, vers le début du Liber mysteriorum, dans Gamurrini, p. 3 : « Tous les faits contenus dans les Livres Sacrés annoncent en paroles, expriment en actions, confirment en exemples l’avènement de NotraSeigneur Jésus-Christ qui, envoyé par le Père, est né homme du Père, fils de la Vierge par l’Esprit. C’est lui en effet, qui, durant toute la durée de cet âge fixé par Dieu, sous des figures vraies et déterminées, engendre l'Église en la personne des patriarches, ou la baptise, ou la sanctifie, ou la suscite, ou la prédestine, ou la rachète. » — Chez saint Hilaire on trouve encore cette idée que, lorsque lès mots pris matériellement ne donnent pas de sens littéral acceptable, il faut chercher un sens spirituel. Cette théorie vien peut-être d’un