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HERMENEUTIQUE

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raie, t. i, Paris, 1886j p. 520 ; Corluy, L’interprétation de la Sainte -Écriture, dans La Controverse, juillet 1885, p. 430, et dans le Dictionnaire apologétique de la foi de Jaugey, Paris, 1889, p. 957, 959 ; S. dï Bartolo, Critères théologiques, trad. franc., Paris, 1889, p. 264-265 ; Schôpfer, Bibel und Wissenschaft, Brixen, 1896, p. 97114 ; Nisius, Kirchliche Lehrgewalt und Schrïftauslegùng, dans la Zeitschrift fur katholische Théologie, 1899, p. 288311, 460-500. Ils excluent donc de l’objet des décrets les endroits de l’Écriture où il s’agit de choses étrangères par elles-mêmes au dogme et à la morale, telles que l’histoire, la géographie, les sciences naturelles, par rapport auxquelles, disent-ils, l’Église n’a pas coutume de se prononcer. Mais la difficulté est de déterminer d’une façon précise les’passages doctrinaux et de les distinguer de ceux qui ne le sont pas. Pour tracer la ligne de démarcation, on a essayé différentes distinctions arbitraires et dépourvues de toute base doctrinale. L’abbé Motais, Le déluge biblique devant la foi, l’Écriture et la science, Paris, 1885, p. 118126, a regardé comme pouvant être l’objet de l’interprétation de l’Église, les sujets d’une portée profonde, d’un rapport immédiat et frappant avec les bases du dogme catholique, à savoir, la divinité de Jésus et la vie divine de l’Église. Les mille choses diverses qui, dans la Bible, sont sans connexion nécessaire ou même apparente avec ces vérilés premières, n’entrent point, par elles-mêmes, dans le patrimoine divin des doctrines que l’Église, par le magistère traditionnel, a reçu la mission de distribuer et de maintenir infailliblement dans l’humanité. L’écrivain allemand anonyme dont Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, p. 564-583, a réfuté l’opinion sur l’étendue de l’inspiration, prétendait que l’Église n’était infaillible que dans les seules choses qui concernent, de soi, la foi et les mœurs et il ne regardait comme inspirés que les passages bibliques énonçant les vérités religieuses ou les faits sans lesquels la vérité religieuse ne peut subsister. M. Diâiot, Logique surnaturelle subjective, 1891, p. 103 ; Traité de la Sainte Écriture, Paris et Lille, 1894, p. 161170, 238-248, a enseigné une doctrine semblable et a cru que l’Église et la Bible n’étaient infaillibles que dans les choses de foi et de morale ; pour les matières secondaires que Dieu n’a pas voulu enseigner et dont la Bible parle simplement, elles ne sont pas l’objet de l’infaillible magistère de l’Église. Le cardinal Newmann, L’inspiration de l’Écriture —, Sainte, dans le Correspondant, t. cxxxv, 1884, p. 682-683, reconnaissait que l’Écriture était inspirée et que l’Église était infaillible, en l’interprétant, « non seulement en ce qui regarde la foi et les mœurs, mais dans toutes les parties qui ont rapport à la foi en y comprenant les faits. » Le P. Corluy, L’interprétation de la Sainte Écriture, dans La Controverse, juillet 1885, p. 432-433, admettait cette explication . et pensait que les faits historiques, qui avaient un rapport direct avec la doctrine révélée, étaient seuls doctrinaux, ceux qui n’avaient qu’un rapport indirect, n’étant pas l’objet de l’interprétation doctrinale de l’Église. Cf. Le Prêtre, t. iv, 1892-1893, p. 1381-1385.

Mais d’autres théologiens ont donné une explication différente des décrets de Trente et du Vatican. Le P. Granderath, Constitutiones dogtnaticæ sac. œcum. conc. Vaticani, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 54-61, a remarqué que, dans ces décrets, les choses concernant la foi et les mœurs ne sont pas opposées aux faits historiques en eux-mêmes, puisque certains dogmes de la plus haute importance, comme la mort de Jésus-Christ sur la croix, sont des faits historiques. D’où, selon loi, aux choses concernant la foi et les mœurs s’opposent les choses qui ne sont pas religieuses, qui n’ont point de rapport avec Dieu et la religion, qui n’appartiennent pas " » ux matières dont est construit l’édifice de la doctrine chrétienne. Or il y a dans l’Écriture des choses qui ne

concernent pas la religion, non pas les obiter dicta mais des vérités telles que celle-ci : Le soleil se lève, contenue dans Matth., v, 45 : c Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. » L’Église pourra être l’interprète de la parole de Notre-Seigneur, elle ne le sera pas de la vérité : « Le soleil se lève, » qui y est contenue. L’Église pourrait encore, mais seulement par un jugement solennel, et non dans son magistère ordinaire, interpréter l’Écriture même au sujet d’une vérité qui n’est pas, de soi, religieuse, si celle-ci avait quelque connexité avec la révélation, si, par exemple, une interprétation différente aboutissait à nier l’inspiration du passage faussement expliqué. Cf, le Katholik, octobre et novembre 1898, p. 289, 383. Le R. P. abbé Crets, De divina Bibliorum inspiratione, Louvain, 1886, p. 326331 ; M. Vacant, Études théologiques sur les Constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 524545 ; J. Vinati, De Sacræ Scripturee assertis ab Angelicodictis, « de fi.de per accidens, » dans le Divus Thomas, 1886, n. 4, p. 53, et Msr F. Egger, Streiflicher Uber die freiére Bibel forschung, Brixen, 1899, p. 5, ne restreignent pas le pouvoir que l’Église possède d’interpréter infailliblement l’Écriture aux matières de foi et de mœurs. Les termes in rébus fidei et morum ad œdificationem doctrines christianx pertinentium ne sont pas restrictifs ; ils expriment seulement une des conditions requises pour que l’interprétation biblique, donnée par l’Église, soit infaillible et s’impose à l’exégètecatholique. Il faut que l’interprétation porte sur une doctrine concernant la foi et les mœurs qui doit être tenue par toute l’Église. Or l’Église est infaillible non seulement dans la définition des vérités formellement révélées, mais encore de toutes les questions philoso- # phiques, morales ou historiques, qui sont en connexité avec ces vérités. Ces questions, il est vrai, n’appartiennent pas par elles-mêmes au domaine de l’Église ; elles y rentrent indirectement, et leur définition peut être nécessaire pour l’enseignement et la défense de la révélation. D’ailleurs, les deux conciles ne parlent pas. du sens que l’Église croit comme de foi catholique ou comme révélé, mais de celui qu’elle tient ou admet comme certain. Ils ne disent pas que l’exégète catholique doit accepter l’interprétation de l’Église dans lès choses de foi et de mœurs qui constituent la révélation chrétienne, mais dans celles qui appartiennent, d’une manière quelconque, à la doctrine chrétienne, non passeulement à l’essence de cette doctrine, mais aux élémentsqui peuvent servir à l’édifier et à la construire. L’interprétation donnée par l’Église à l’Écriture est donc obligatoire, pour ce qui est révélé, et aussi pour ce qui touche à la révélation et rentre dans la doctrine chrétienne. M9 r Gasser, évêque de Brixen, rapporteur de la Députation de la foi au concile du Vatican, expliqua dans ce sens la clause in rébus fidei et morum. Pour répondre à un Père qui en demandait la suppression pour cette raison que « l’Église interprète infailliblement toute la révélation, et par conséquent toutes les parties de l’Écriture, aussi bien celles qui sont historiques que celles qui sont dogmatiques », le rapporteur reconnut « que l’Église a le droit de juger du vrai sens de l’Écriture, non seulement dans les choses de foi, c’est-à-diredans les dogmes spéculatifs et dans les choses de morale, mais encore dans celles qui regardent la vérité historique ». Acta et décréta concilii Vaticani, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 240.. L’Église est donc infaillible dans toutes les interprétations doctrinales qu’elle donne de l’Écriture, dans celles qui font ressortir les énoncés révélés et la doctrine religieuse, exprimés par un passage. Elle ne l’est pas pour interpréter d’autres éléments, exprimés ou, supposés, par un texte des Livres Saints. D’ailleurs, tous les énoncés de la Bible appartiennent certainement à là révélation chrétienne. Cf. A. Vacant, . Études théologiques, 1. 1, p. 507-516.