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HERMÉNEUTIQUE

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tifs du décret le montre bien. Quoique rédigée sous une forme négative, la décision était positive. Quelques critiques catholiques prétendaient le contraire. Jahn, Introductio in libros sacros V. F., 2e édit., revue par Ackermann, Vienne, 1839, p. 88-89, soutint que le concile de Trente avait seulement défendu aux exégètes de mépriser le magistère de l’Église catholique et par conséquent de détourner l’Écriture à leur propre sentiment. Arigler, Hermeneutica Bibl. generalis, Vienne, 1813, p. 31-34, et Lang, Patrologie, Bude, 1859, p. 279, distinguaient entre l’interprétation dogmatique, que l’Église fait d’un texte de la Bible, et le dogme même qui, au jugement de l’Église, serait exprimé dans ce texte. Selon eux, l’interprète catholique ne contrevenait pas au décret de Trente, lors même qu’il rejetait l’interprétation dogmatique de l’Église, pourvu qu’il ne rejetât pas Qe dogme lui-même défini par l’Église. Ainsi, il pourrait soutenir que le texte de saint Jacques, v, 14, interprété par l’Eglise comme affirmant le sacrement de l’extrèmeonction, ne contient pas ce dogme, à condition qu’il ne nie pas le dogme lui-même. C’est pour proscrire cette erreur que le concile du Vatican précisa le décret de Trente. La formule, de négative qu’elle était, devint positive et on décida qu’il faut tenir pour le vrai sens de l’Écriture celui qu’a tenu et que tient notre sainte mère l’Eglise. Après avoir ainsi affirmé le caractère positif et obligatoire de la règle, on reproduisit, sous forme de conclusion, la défense d’interpréter l’Écriture contrairement à ce même sens. Cf. Acta et décréta concilii Vaticani, p. 144-146, 523 ; Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, 3e édit., Rome, 1882, p. 217^26 ; Didiot, Logique surnaturelle subjective, Paris et Lille, 1891, p. 144-146. Dans son Encyclique Providentissimus Deus, t. i, p. xxii, Léon XIII en a conclu que « l’exégète catholique regardera comme son devoir principal et sacré d’adopter exactement le sens donné à certains passages scripturaires par une déclaration authentique (de l’Église). Il emploiera aussi les ressources de sa science à démontrer que cette interprétation est la seule qui puisse être réellement approuvée, suivant les lois de la saine herméneutique ».

Applications de cette règle.

Le caractère positif

et obligatoire de cette règle étant démontré, il reste à déterminer quelles sont les interprétations de l’Église qui s’imposent à l’exégète catholique, et à dire quels sont leurs formes et leur objet. — 1. L’Église, assistée par le Saint-Esprit, peut déclarer authentiquement le sens de certains passages scripturaires, en se prononçant par un jugement solennel ou par son magistère ordinaire et universel. C’est la doctrine rappelée par Léon XIII dans l’encyclique Providentissimus Deus, t. i, p. xxii. On ne saurait donc restreindre ces interprétations obligatoires à celles qui sont exprimées par des définitions solennelles. Voir le P. Corluy, L’interprétationde la Sainte Écriture, dans La Controverse, juillet 1885, p. 423. Des conciles ont parfois, à l’occasion des hérésies, défini expressément quel était le sens d’un passage de l’Écriture. Ainsi le concile de Sardique, Mansi, Conc. nova Collect. , t. ii, p. 693-696, a décidé contre les Ariens que les paroles : Ego et Pater unum sumus, Joa., x, 30, ne signifient pas une simple concorde de volontés, mais l’identité de nature entre le Père et le Fils. De même, le concile de Trente, à rencontre des protestants, a défini, sess. V, c. ii-iv, que saint Paul, Rom., v, 12, parle du péché originel ; sess. VII, c. ii, De baptismo, que le passage Joa., iii, 5, doit être pris au sens propre et s’entendre d’une eau naturelle, matière du baptême ; sess. XIV, c. iii, De pœnitentia, que les paroles de Notre-Seigneur, Joa., xx, 22-23, expriment le pouvoir de remettre et de retenir les péchés ; sess. XIV, c. i, iii, iv, De Extrema Unctione, que le textede saint Jacques, v, 14, 15, promulgue le sacrement de l’extrême-onction ; sess. XXII, c. ii, que les paroles : Hoc facile in meam

commemorationeni, Matth., xxvi, 26, signifient l’institution du sacerdoce dans la personne des apôtres et de leurs successeurs. D’autres fois, les organes infaillibles de l’Église ont condamné solennellement une fausse interprétation de l’Écriture. Le cinquième concile œcuménique a réprouvé l’interprétation que Théodore de Mop sueste donnait à plusieurs prophéties messianiques de l’Ancien Testament. Mansi, Concil., t. ix, p. 211-213. Cf. P. L., t. lxiï, col. 123, et Kihn, Theodor von Mopsuestia, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 160-161. Les propositions 75e et 76e de Baius contenaient des interprétations fausses que l’Église a rejetées. Denzinger, Enchiridion symbolorum, n. 955, 956, 5e édit., Wurzbourg, 1874, p. 207. Pie VI a réprouvé l’explication qu’Isenbiehl donnait à la prophétie d’Isaïe, vii, 14. Voir t. i, col. 395. Dans ces cas et d’autres analogues, l’exégète catholique est tenu de rejeter l’interprétation condamnée, mais il reste libre de choisir parmi les autres explications, dont le passage est susceptible, celle qui lui paraîtra être la véritable. Les papes et les conciles définissent indirectement le sens des textes bibliques, quand ils les citent comme preuves des vérités dogmatiques ou morales qui sont l’objet de leurs définitions directes. Ainsi ont fait le concile de Trente, sess. VI, c. v, citant Zach., i, 3, et Jérem., Lament., v, 21, et le concile du Vatican, Const. Dei Filius, c. iii, rapportant Heb., xi, 1. Le sens de ces textes n’est pas défini directement puisque les motifs de la définition et les preuves dont on l’appuie ne sont pas l’objet de la définition ; il est cependant fixé avec certitude, car en invoquant ce sens comme preuve du dogme défini, les papes et les conciles reconnaissent que ce sens est admis comme indubitable par l’Église. Il faut donc, en vertu du magistère ordinaire de l’Église, admettre, au moins, que ces textes prouvent la vérité définie. Si les papes ou les conciles, dans leurs définitions solennelles, citent l’Écriture, non comme preuve, mais simplement sous forme d’exhortation, à la manière des prédicateurs, pour en tirer une instruction dogmatique ou morale, ou par pure accommodation, pour exprimer en style biblique leurs pensées personnelles, ils ne sont plus alors des juges de la foi, ils parlent en leur propre nom et leur autorité ne dépasse pas celle des pères et des commentateurs pris individuellement. Cf. Corluy, L’interprétation de la Sainte Écriture, dans La Controverse, juillet 1885, p. 423-426 ; S. di Bartolo, Les cri~ tères théologiques, trad. franc., Paris, 1889, p. 273-275 ; A. Vacant, Études théologiques sur les Constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, p. 545-550. Le P. Corluy, loc. cit., ajoute que le nombre des textes dont le sens a été défini directement par l’Église est relativement fort restreint. « Nous doutons qu’il soit possible d’en énumérer une vingtaine. Il y en a beaucoup plus qui furent l’objet d’une définition indirecte. Pour s’assurer si un texte dogmatique donné est dans ce cas, il suffira ordinairement de consulter quelque grand commentaire du passage auquel le texte appartient. »

2. Quant à l’objet des interprétations que les décrets de Trente et du Vatican présentent comme obligatoires, il est déterminé par ces mots : In rébus fidei et morum ad œdificationem doctrinal christianse pertinentium, « dans les choses de foi et de mœurs qui entrent dans l’édifice de la doctrine chrétienne. » La signification de ces termes a été beaucoup discutée par les théologiens. Plusieurs les ont entendus dans un sens restrictif et ils ont soutenu qu’en vertu de ces décrets, l’exégète catholique n’était tenu de donner à l’Écriture le sens que l’Église lui donne que dans les textes dogmatiques ou moraux. Bossuet, Instructions sur la version du N. T. imprimée à Trévoux, 1™ instruct., 1™ remarque, vu ; Œuvres complètes, Besançon, 1836, t. vil, p. 127-128 ; Patrizi, Jnstitutio de interpretatione Bibliorum, 2e édit., Rome, 1876, p. 58-61 ; Ubaldi, Introductio in sac. Script., Rome, 1881, t. iii, p. 259 ; Trochon, Introduction gêné-