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HÉBREUX (ÉPÏTRE AUX)


l’ancienne. Or, du point de vue différent où se placent saint Paul et l’Épître aux Hébreux pour envisager la loi mosaïque, découle un point de vue général différent et une différence d’argumentation. Saint Paul considère la Joi mosaïque dans son ensemble, mais surtout au point de vue moral, tandis que l’Épître aux Hébreux l’envisage plutôt au point de vue rituel. La loi pour saint. Paul, c’est une règle de vie, imposée par Dieu et qui a été Tendue impuissante par la nature charnelle de l’homme. Rom., viii, 3. Cette impuissance de la Loi a nécessité l’intervention de Dieu, qui a donné à l’homme un nouveau moyen de salut par la foi en Jésus-Christ. Les œuvres de la Loi ont donc fait place à la foi justifiante. Saint Paul, [cependant, ne veut pas dire que l’homme qui accomplirait toute la Loi serait justifié, ce serait contraire à son principe de la gratuité de la justification. Pour l’Épître aux Hébreux la Loi est un ensemble d’ordonnances, d’observances, que Dieu avait imposées à l’homme pour faciliter l’union entre lui et ses créatures. C’était le signe et le moyeu de l’alliance entre Dieu et le peuple juif ; cette ordonnance antérieure a été abolie à cause de son impuissance et de son inutilité, car la Loi n’a rien amené à la perfection, vii, 18, 19, et elle a dû faire place à une meilleure espérance, par laquelle nous nous approchons de Dieu. Donc, pour saint Paul, c’est la faiblesse de l’homme à accomplir la Loi qui a nécessité une nouvelle alliance ; tandis que, pour l’Épître aux Hébreux, c’est l’impuissance de la Loi à produire la perfection. Partant de ce point de vue, l’Épître aux Hébreux montrera l’infériorité des organes, des médiateurs, des sacrifices, du tabernacle de l’Ancien Testament par rapport à ceux de la nouvelle Loi, tandis que saint Paul recherchera le rôle de l’Ancienne Alliance dans l’histoire de l’humanité et montrera que ce rôle est terminé parce que la Loi a accompli sa tâche, qui était de prouver que l’homme était incapable d’arriver à Dieu par ses propres forces. De là, dans saint Paul l’affirmation répétée que l’homme a besoin de la grâce de Dieu et que cette grâce lui est méritée et accordée par Jésus-Christ, tandis que, dans l’Épître aux Hébreux, l’auteur n’appuie pas sur cette idée ; en deux passages seulement, xii, 15 ; xiii, 9, on peut voir qu’il connaît la nécessité de la grâce. En outre, .son idée que, dans la nouvelle alliance, nous avons un libre accès auprès de Dieu, suppose le don gratuit de Dieu. L’expérience intime de Paul et de ceux qu’il avait convertis lui a prouvé que la Loi lui était désormais inutile, puisque sans elle on était uni à Dieu et d’une manière plus intime que par elle. En outre, la thèse de saint Paul sur la Loi tenait compte des Gentils, leur faisait une place dans le plan de Dieu dans l’humanité. Voir les Epïtres aux Romains et aux Éphésiens. L’Épître aux Hébreux ne parle jamais des Gentils, et sa thèse a toute sa valeur sans qu’il ait à s’en préoccuper et à se demander quelles sont les intentions de Dieu à leur égard. Bref, ils n’entrent pas dans le plan de sa thèse. En résumé, la Loi pour saint Paul est un état transitoire, préparatoire, un intermède entre la promesse et l’Évangile, tandis que, pour l’Épître aux Hébreux, la Loi était un Évangile imparfait, l’ombre de la réalité future, la figure du temps actuel. — Cette différence d’exposition et de points de vue s’explique par la différence de but et par la diversité des personnes auxquelles s’adressent ces divers écrits, entre lesquels il n’y a d’ailleurs aucune contradiction. Il se rencontre en effet de nombreux passages dans l’Épître aux Hébreux et dans l’Épître aux Galates, aux Romains et aux Corinthiens qui offrent sur le sujet qui nous occupe des ressemblances frappantes. Signalons quelques-uns de ces rapprochements : envoi du Fils par le Père en ces derniers temps, lorsque les temps sont accomplis, Heb., 1, 1 = Gal., iv, 4 ; la loi a été annoncée, donnée par les anges, Heb., ii, 2 = Gal., iii, 19 ; la loi est faible et inutile, Heb., vii, 18 = Gal., iv, 9 ; la loi est incapable de jus tifier, Heb., vii, 19 = Gal., ii, 16 ; la justification ne peut être opérée par les œuvres de la loi, Heb., x. 4 = Gal., m, 11, et ailleurs. Dans l’Épître aux Hébreux, xii, 22 ; m, 14, et dans celle aux Galates, iv, 26, il est fait allusion à la Jérusalem céleste ; de même les Épïtres aux Galates, m, 6 et aux Hébreux, xi, 8-19, parlent de la foi d’Abraham. — 2. Si, de l’idée directrice en général de l’Épître aux Hébreux, nous passons à ses éléments, nous relevons encore entre les écrits de Paul et l’Épître aux Hébreux des ressemblances et des divergences. Examinons seulement quelques points. — La personne du Christ ressort la même, mais avec des expressions différentes. Le Christ est l’héritier de toutes choses, le médiateur par lequel Dieu a créé le monde, l’image de Dieu-, le premier né de toutes créatures. D’après l’Épître aux Hébreux, I, 2 et 3, le Fils est xXïjpovvfto ; TuâvTuv Si’ou xa toÙç aîôvai ; l7to[’r)<rev ; d’après Cùlossiens, I, 16, Dieu êv aÙTû êxTiaBr) Ta rama. D’après Hébreux, I, 3, le Fils est ànaiJYa<T|Aa tîj ; S<5Çt]ç xa x<*P a *T71p tîjç imxjrâffsiDç aù-roO ; II Cor., IV, 4, le Christ est eîxùv toO ©eoO. Cf. Col., i, 15. Dans Philippiens, il est èv nopq>*i ®eo0, II, 6. Dans Hébreux, I, 6, le Fils est appelé 7cptûTÔToxoç ; dans Col., l, 15, il est itpuTÔToxo ; itâ<771ç xrt<rewç. Rom., viii, 29, le Christ, Sauveur, a participé à la chair et au sang : Heb., Il, 14. Puisque les enfants participent de la chair et du sang, le Fils a également participé, avTÔç itapa : rt, r)o-(ti)< ; (iST6(rxÊV tûv aÔT&v, afin que par la mort il anéantit celui qui ala puissance de la mort, îva Sià to-j Bavebou xatapY^<ïï| tov to xpetTo ; £-/ovTa toG Oavàrov ; de même, Rom., viii, 2, 3, Jésus m’a délivré de la loi du péché et de la mort, car Dieu a condamné le péché dans la chair en envoyant son Fils, êv <5tioi<i|iaTt p-apxbç. Jésus-Christ est mort une foispour toutes : Heb., vii, 27, toûto yâp êjcoinusv êcpâTtaÇ éauTÔv àvevéyxaç ; cf. IX, 27 = Rom., VI, 9, 10. "O yàp ànlOavev, tî) â(xapTta àitéOavev èçâital. Il a passé de l’humanité à là gloire : Heb., ii, 9, f3Xéito|iev’IyjitoOv Si& to « â6>i|m OavaTOU 8<SI ; r) xa Ti|iij laitifavtù(iévov. Phil., Il, 18, oitiïxoo ; |iéy_pi OavaTou 81b xa 6 ©eô ; aÙTÔv ûitêpu^iouev, Il est assis à la droite de Dieu : Heb., I, 3, èxâOtuev êv Seijiï tt| ; iie^aXtixTiivriç èv ûd/r)Xoï ; = Eph., I, 20, Dieu l’a ressuscité des morts, xaî éxd<01<r£v Iv SeÇià aÙToO Iv toï ; èitoupavJot ;. Dans cet état glorifié le Christ intercède pour son peuple : Heb., vii, 25, itivTOTe ïwv et ; to âvTUyy_avsiv VTtèp ccvtûv = Rom., viii, 34, oç xa : èvtuyx c’v£1 ^""P » ||*ûv. Jésus-Christ reviendra pour le salut final de ceux qui espèrent en lui. Heb., ix, 27-28 = Tit., ii, 13, — Nous pourrions continuer à comparer l’Épître aux Hébreux et les Épïtres de saint Paul au point de vue doctrinal ; nous en avons assez dit pour avoir le droit de conclure qu’il n’y a entre elles aucune divergence fondamentale, mais simplement des points de vue qui, tout en n’étant pas les mêmes, ne sont pas exclusifs les uns des autres et s’expliquent par les circonstances particulières.

7° Rapports avec l’Épître de saint Pierre et avec l’école d’Alexandrie. — Nous avons constaté qu’il y avait entre les Épitres de saint Paul et l’Épître aux Hébreux des ressemblances indéniables d’expressions et surtout d’idées, et en même temps des différences très sensibles de langue, et même à un certain degré de points de vue doctrinaux. Nous en conclurons que l’auteur ou plutôt le rédacteur de l’Épître aux Hébreux n’a pas été saint Paul directement, mais l’un de ses disciples ou quelqu’un ayant fortement subi son influence. En a-t-il subi d’autres et ne serait-il pas possible de retrouver ailleurs les doctrines ou la méthode de l’Épître aux Hébreux ? Quelques critiques l’ont cru. Or, des influences qu’a pu subir l’auteur, nous devons signaler celle du christianisme primitif et celle des écoles juives ou chrétiennes d’Alexandrie.

4. Influence du christianisme primitif et des écoles juives de Jérusalem. — L’auteur, Heb., ii, 3, a été instruit du christianisme par ceux qui ont entendu le Seigneur, par