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HÉBREUX (ÉPITRE AUX)


Hébreux est le seul écrit du Nouveau Testament qui, dans la structure des sentences et du style, montre le soin et l’habileté d’un écrivain artiste, et le seul où soient évités les hiatus, qui n’étaient pas admis dans la bonne prose classique. » Ainsi, XII, 7, icaiSeusi toxttip, sans l’article ; xii, 14, oi x<ope oiSeîç, au Heu de x<*pU g3 o-j8sîç. 11. ne les a pas tous évités cependant ; ainsi I, 1, TOtXai 6 8eôç, il aurait pu supprimer l’article ; ii, 8, a jtw âvvmfoax-tov àuxû est pléonastique, etc., voir Blass, loc. cit., p. 291. Le rythme oratoire est si bien gardé qu’il est facile de trouver dans cette Épitre des propositions formant des vers : xii, 13, x « ’t tpoxiàç ôpôàç itourjoaTE toïç noaiv û(j.wv est un hexamètre ; puis, 14 et 15, on a deux trimètres : oi j( w P’Ç oyîecç oifiE-tai tôv K’jpiov — èm^xoiroîvxeç ynr, xtç, etc. ; au commencement on a deux senaires de suite : icoXu^epôç, etc., et èir’èa^âfou, etc. Voir encore, i, 4 ; xi, 27 ; xii, 2, etc. Blass, loc. cit. L’écrivain emploie tous les artifices du style : les interrogations, xi, 32, les renvois, vii, 4 ; xii, ll (5wato<jijvTi ;) ; xii, 23 (©sw) ; les parenthèses explicatives, xii, 17, 21, 25 ; xiii, 17 ; les expressions figurées y sont vives et expressives, iv, 12 ; la parole est un glaive, vi, 7-19 ; l’ancre de l’espérance, xi, 13, etc., voir Westcott, The Epistle to the Hebrews, p. xl viii ; Bovon, Théologie du Nouveau Testament, t. ii, p. 391, a donc pu dire : « Si Paul est un dialecticien incomparable, le rédacteur de l’Épltre aux Hébreux a plutôt les qualités d’un orateur, riche et profond assurément, mais qui ne néglige pas non plus les effets de style et la recherche du beau langage. » Le plan de l’ensemble est bien déterminé et tout converge régulièrement au but ; chaque partie de l’argumentation découle logiquement de ce qui précède. L’auteur, au lieu du style passionné de l’Apôtre, a un style tranquille et d’une éloquence polie. Il aime à employer les figures de rhétorique, telles que la protase et l’apodose, qui contribuent à l’arrondissement de3 périodes ; il a soin de les relier par (iév et 5s : ii, 2-4 ; ix, 13-14. Les anocoluthes, si fréquentes dans saint Paul, sont ici très rares ; on pourrait dire presque absentes. Même dans les cas où, le plus ordinairement, saint Paul les emploie, l’Épltre aux Hébreux les évite. Ainsi, lorsque, dans une longue phrase, il y a des sentences, qui forment des espèces de parenthèses, Paul oublie souvent la construction primitive pour passer à une autre. L’Épître aux Hébreux, malgré la complication de la phrase et les parenthèses, maintient l’identité de construction. Voir vil, 20-22 ; v, 7-10 ; xii, 1-2. Le plus remarquable exemple est le passage, xii, 18-24, où malgré une longue parenthèse, xi, 20-21, qui en enfermait une plus courte, ꝟ. 21, la construction primitive est reprise au ꝟ. 22. La différence la plus caractéristique entre cette Épitre et celles de Paul est dans ce fait que les écrits de l’Apôtre sont plus strictement dialectiques, polémiques, tandis que dans l’Épltre aux Hébreux dominent la rhétorique et le développement oratoire. Cela ressort de l’ensemble, mais surtout des passages suivants : xii, 18-24 ; x, 19-25, x, et surtout xi-x.ii, 3. En outre, saint Paul, dans son argumentation, utilise tous les genres de preuves : métaphysiques, psychologiques, morales ; il essaye de pénétrer dans les profondeurs du mystère ; la preuve scripturaire n’est pour lui que l’appoint de la démonstration. L’auteur de l’Épître aux Hébreux procède autrement : il démontre à l’aide des textes 3cripturaires ; il les allégorise, il ne va pas plus loin. Enfin, saint Paul ne mélange pas les exhortations morales à l’exposé dogmatique. Le corps de sa lettre traite d’abord la thèse qu’il veut démontrer, et c’est lorsque sa démonstration est achevée, qu’il tire les conséquences pratiques. Tout autre est la marche de l’Epître aux Hébreux. Les exhortations morales sont intimement mélangées à l’exposé dogmatique. Dès que l’écrivain a prouvé une partie de sa thèse, il en tire les conséquences morales. Voir iii, 12-rv, 16 ; v, 11-vi, 12. A remarquer aussi l’habileté des transitions dans l’Épltre

aux Hébreux. Rien de brusque, rien de heurté ; on ne voit pas les soudures. Qu’on examine par exemple : i, 1-5, la transition du préambule au sujet ; iv, 14-v, 1, le retour au sujet après une digression morale ; ix, 9-12, la transition du sanctuaire aux sacrifices. — Malgré les différences de procédé entre Paul et Hébreux il y a lieu de signaler quelques ressemblances dans l’emploi des figures de rhétorique. La parole de Dieu est un glaive : Eph., vi, 17 = Heb., iv, 12 ; ceux qui ne sont pas encore parfaits sont nourris de lait, parce qu’ils ne peuvent supporter les aliments solides : I Cor., iii, . 1 = Heb., v, 13, 14 ; ce sont des enfants : I Cor., iii, 1 = Heb., v, 13, à qui l’on doit enseigner les éléments de la foi : Gal., iv, 9= Heb., v, 12 ; Paul emprunte ses comparaisons aux combats : I Cor., ix, 24 ; Col., ii, 1 ; Phil., i, 30 ; de même Heb., xii, 1, 4, 12, 13 ; iv, 1 ; v, 10 ; aux édifices : I Cor., iii, 10, 11, de même : Heb., yi, 1, à l’agriculture : I Cor., iii, 6-8 ; de même Heb., vi, 7, 8.

Citations de l’Ancien Testament.

Les citations

de l’Ancien Testament se présentent dans l’Épître aux Hébreux d’une façon toute particulière. — 1. Nombre de citations. — On compte 29 citations directes et littérales de l’Ancien Testament : quatre sont empruntées à la Genèse : vi, 2 = Heb., iv, 4 ; xxi, 12 = xi, 18 ; xxii, 16 = vi, 13 ; xiv, 17 = vii, 1 ; trois à l’Exode : xix, 12 = xii, 20 ; xxiv, 8 = ix, 20 ; xxv, 40 = viii, 5 ; une aux Nombres, xii, 7 = iii, 1 ; quatre au [Deutéronome, xxxi, 6, 8 = xiii, 5 ; xxxii, 35 = x, 30 ; xxii, 36 = x, 30 ; xxxii, 43 = 1*6 ; une au IIe livre des Rois, vil, 14==i, 5 ; une à lsaïe, viii, 17 = ii, 13 ; une à Jérémie, xxxi, 31 = viii, 8 ; une à Aggée, ii, 6 = xii, 26 ; une à Habacuc, II, 3 = x, 37 ; onze aux Psaumes, ii, 7 = i i, 5 ; viii, 5 = ii, 6 ; xxii, 22 = ii, 11 ; xl, 6 = x, 5 ; xlv, 6 = i, 8 ; xcv, 7 = iii, 7 ; eu, 25 = i, 10 ; civ, 4= i, 7 ; ex, 1 =i, 13 ; ex, 4 = v, 6, 10 ; cxviii, 6 = xiii, 16 ; une aux Proverbes, iii, 11 = xii, 5. — Westcott, Epistle to the Hebrews, p. 471, signale dans l’Épître aux Hébreux 47 réminiscences de l’Ancien Testament ; 33 se rapprochent des livres du Pentateuque, 7 d’Isaïe, 1 de Daniel, 1 d’Osée, 2 deZacharie, 2 des Psaumes et 1 des Proverbes. Il n’y a, on le voit, aucune citation ou réminiscence extraite des deutérocanoniques. Cependant, les passages 35-37 du ch. XIe semblent inspirés par les événements, racontés aux ch. vi et vu du second livre des. Machabées. — 2. Formules d’introduction. — Toutes les citations sont anonymes, et aucun nom d’auteur n’est donné, tandis que saint Paul, assez souvent, nomme l’auteur de la citation : vauiS Xéyst, Rom., IV, 6 ; xi, 9 ; ’Ho-aia ; Xéyst, Rom., x, 16 ; Moya-rje Xéyet, Rom., x, 19 ; èv’HXîa tê Xêyei r ; yçceç^, Rom., xi, 2, etc. Une caractéristique très spéciale des citations de l’Ancien-Testament dans l’Épître aux Hébreux, puisqu’on ne la retrouve que très rarement dans saint Paul ou dans les autres livres du Nouveau Testament, c’est que Dieu est présenté comme celui qui parle : I, 1, jtiXai 6 ©eôc XaXTJoaç toïc iraTpâoiv èv toïc icpoçriTatç èXâXr)aev iyXv. Les citations, que fait l’auteur, sont des paroles de Dieu : cf. i, 5, 7 ; v, 5, etc. Deux fois des paroles sont attribuées au Christ, ii, 12-13 ; x, 5, et deux fois au Saint-Esprit, iii, 7 ; x, 15. Certaines citations sont données comme paroles de Dieu, qui n’en sont pas / directement, puisque, dans les passages visés, l’écrivain parle en son propre nom et de Dieu à la troisième personne, iv, 4-8 ; x, 30 ; ii, 13. Lorsque saint Paul attribue une parole à Dieu lui-même, c’est bien une parole que Dieu a prononcée. II Cor., yi, 2 ; Rom., ix, 15-25. D’ailleurs, les citations de Paul n’ont pas d’ordinaire ce caractère d’attribution à Dieu ; l’Apôtre emploie des formes générales telles que : xotôùc yéypa7rrai, eu ; yéypaxro », yéypairrat yôp, Xéyei ï] ypïçirj, Iv tû> vôliù yéypaictat, & Xiyoç o yeypajinévoç, xaTa tô eipripévov, 6 vpioç eXeysv, etc. La formule la plus ordinaire de citation dans le Nouveau Testament, c’est yifpamai. Saint Paul, seul, l’em-