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HÉBREUX (ÉPITRE AUX)


l’ancienne alliance : les anges, les prophètes, Moïse, le grand-prêtre, les prêtres lévitiques, sont inférieurs à l’organe de la nouvelle alliance, qui est Jésus-Christ. Il compare ensuite les deux alliances elles-mêmes et prouve que la nouvelle alliance l’emporte sur l’ancienne : 1. par son sanctuaire qui est céleste, tandis que celui de l’ancienne était terrestre ; — 2. par son sacrifice, lequel est parlait et par conséquent n’a pas besoin d’être réitéré, tandis que celui de l’ancienne alliance, étant imparfait, devait être renouvelé. De cette démonstration découle l’exhortation principale de rester attaché à leur foi qui est parfaite, qui a sauvé les justes de l’ancienne alliance et les sauvera aussi. — C’est au moyen de l’Épître seulement que nous avons établi quelle en était l’occasion. Si nous croyons qu’elle a été écrite en 63-66 aux chrétiens de Jérusalem, nous pouvons ajouter quelques renseignements qui corroborent ceux que nous venons de donner. Nous apprenons par Eusèbe, H. E., iv, 22, t. xx, col. 379, qu’après le martyre de Jacques le Juste, premier évêque de Jérusalem, l’Église fut troublée par un certain Thébatis, furieux de n’avoir pas été choisi comme évêque. Il est probable que déjà se dessinaient ces tendances, qui aboutirent, plus tard, à l’ébionitisme. Notre Épitre paraît répondre à cet état d’esprit d’hommes qui, tout en croyant que Jésus est le Messie, veulent cependant maintenir les institutions et le culte mosaïques, et c’est à eux ou, si l’on veut, à une tendance analogue, que répond l’auteur de l’Épître aux Hébreux. — Tout cela se tient bien si l’on croit qu’elle a été écrite aux chrétiens de Jérusalem, mais devient moins cohérent, ’si les destinataires sont ailleurs. Dans ce cas, on appuie surtout sur les exhortations pratiques et l’on établit que le but a été de rappeler les lecteurs à leur ancienne foi, de renouveler leur courage en leur montrant la supériorité du Christ comme personne et comme œuvre. Si l’auteur a choisi comme point de comparaison l’ancienne alliance, c’est que la nouvelle alliance ne pouvait être mise en comparaison qu’avec celle-là. Pour des chrétiens, fussent-ils issus du paganisme, la comparaison était impossible avec d’autres religions que celle de l’Ancien Testament. Qu’ensuite l’auteur ait basé toute son argumentation sur les Saintes Écritures, cela ne peut nous étonner, car l’Ancien Testament était pour les premiers chrétiens, quelle que fût leur origine, le livre sacré, qui était lu et expliqué dans les réunions chrétiennes. La lettre de Clément Romain est tout aussi imprégnée de l’Ancien Testament que l’Épître aux Hébreux. Tout ce qui est dit ici du Christ a donc un caractère pratique et est destiné à promouvoir la fidélité à son égard. Cette manière de voir s’éloigne peu de la précédente ; l’angle de vue seulement est différent.

III. Date de l’Épître. — Les critiques sont en désaccord sur la date de l’Épître aux Hébreux. Ewald, Lewis et Ramsay la placent entre 58-60 ; Westcott, Lûnemann, Wieseler, EUehm, Weiss, Ménégoz, Davidson, Cornely, Schâfer, Trenkle, entre 64-67, probablement avant le commencement de la guerre juive. Holtzmann, Schenkel, von Soden, au temps de la persécution de Domitien, 90 ; Pfleiderer, en 95-115 ; Volkmar, Keim, Hausrath, pendant la persécution de Trajan, 116-118. Remarquons tout d’abord que les dates extrêmes sont exclues par le fait que Clément Romain, écrivant en 93-97, a certainement connu cette Épitre,

1° Ceci posé, cherchons dans l’Épître elle-même les -quelques indications qui nous permettront de fixer approximativement la date de composition. Ch. ii, 3, il est dit : « Le salut, annoncé d’abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu ; » d’après v, 12, les lecteurs devraient depuis longtemps être des maîtres, StSàoxaXoi, x, 32 ; ils ont subi autrefois, aux premiers jours, après avoir été éclairés, un grand combat, tandis que maintenant, xii, 12, 13, leurs mains sont languissantes et leurs genoux affaiblis ils suivent

des voies qui ne sont pas droites ; les conducteurs, qui leur ont annoncé la parole de Dieu, sont arrivés au terme de leur vie, xiii, 7. De cet ensemble, il résulte que la lettre a été écrite au temps où vivait la seconde génération chrétienne, mais déjà vers la fin de cette seconde génération. Si maintenant nous acceptons que le Timothée, mentionné au chapitre xiii, 23, est le compagnon de saint Paul, comme nous ne connaissons aucun emprisonnement de Timothée avant la fin de la captivité de saint Paul à Rome, cela reporte l’Épître après l’an 62-63. D’autre part, elle n’a pu, semblet-il, être écrite après l’an 70. À plusieurs reprises, il y est question des cérémonies du culte juif comme existant encore. En effet, quelle que soit la manière dont l’auteur envisage les sacrifices lévitiques, car son point de vue est souvent allégorique, il n’en reste pas moins qu’il dit nettement qu’on les offre de son temps. Après avoir décrit le tabernacle, ix, 2-5, et les cérémonies qui s’y font, ꝟ. 6-8, il ajoute : « C’est une figure pour le temps présent où Ton présente des offrandes et des sacrifices qui ne peuvent rendre parfait. » Au chapitre x, 1-3, il est encore plus catégorique : « Car la loi ayant une ombre des biens à venir et non l’image réelle des choses ne peut jamais par les mêmes sacrifices, qu’on offre perpétuellement chaque année, rendre parfaits ceux qui s’en approchent. Autrement n’aurait-on pas cessé de les offrir parce que ceux qui rendent ce culte, une fois purifiés, n’auraient plus eu aucune conscience de leur péché ? Mais le souvenir des péchés se rattache chaque année à ces sacrifices. » Cf. ix, 6, 7, 22, 25. Dans ce dernier verset, le grand-prêtre paraît encore en exercice. « Ce n’est pas pour s’offrir lui-même que le. Christ est entré dans le tabernacle, comme le grand-prêtre y entre chaque année, avec du sang étranger. » Ailleurs, l’auteur affirme qu’il y a encore des prêtres qui offrent des sacrifices. : « Si Jésus était sur la terre, il ne serait pas même prêtre, car il y a des prêtres qui présentent des offrandes selon la loi. » viii, 4. L’auteur veut dire évidemment que Jésus n’étant pas de la tribu sacerdotale d’Aaron ne serait pas prêtre, ce qui n’est vrai que dans le cas où cette institution existe encore, ce qu’affirme d’ailleurs nettement la seconde partie du passage. Toute l’Épître, en outre, est fondée sur cette idée que l’institution légale subsiste toujours. Ainsi que nous l’avons vii, le but de l’auteur était de détourner ses lecteurs du culte mosaïque. Or, si le temple n’existait plus, il n’y avait plus de raison de les détourner de ce culte qui n’était plus en exercice, puisqu’il ne pouvait avoir lieu qu’au temple de Jérusalem. De plus, cette destruction du temple aurait été un argument puissant pour la démonstration de la thèse soutenue ; même pourrait-on dire, le plus puissant et absolument sans réplique. Comment l’auteur ne s’en est-il pas servi ? Enfin aurait-il pu dire ces paroles, viii, ’13 : « En disant : une alliance nouvelle, il a déclaré la première ancienne. Or, ce qui est ancien, ce qui a vieilli, est près de sa fin, èyYÙç àçovidiioO. » Cette minutie de détails dans laquelle entre l’auteur sur le sanctuaire et son culte, ix, 1-9, et ses comparaisons avec le ministère de Jésus, ix, 11-14, et les exhortations à ne pas retourner à ces images mortes, mélangées à cette argumentation, ix-x, prouvent tpie l’auteur compare deux alliances actuellement existantes et qu’il craint que ses lecteurs ne fassent défection et ne retournent à l’ancien culte, ce qui établit son existence. Enfin, l’attente prochaine du Seigneur, qui se retrouve en plusieurs passages et qui était jointe par les premiers chrétiens à. la prédiction de la ruine de Jérusalem, prouve que, cette ville existait encore, à moins qu’on ne veuille supposer que l’on croyait à la prochaine arrivée du Seigneur, parce que la première partie de la prédiction, la ruine de Jérusalem, avait eu lieu. H semble cependant que s’il en avait été ainsi, l’auteur l’aurait dit. Enfin, si nous admettons que l’Épître a